Le 10 octobre, Benjamin Moussay, piano à queue, invitait Louis Sclavis, clarinette siB et clarinette basse, dans le cadre de sa quarte blanche proposée par les tauliers du Triton.
Benjamin MOUSSAY, piano à queue, invite Louis SCLAVIS, clarinette siB et clarinette basse, dans le cadre de sa quarte blanche proposée par les tauliers du Triton. Le Triton : la scène qui contribue avec pertinence et assiduité au travail de création des musiciens, qu’on se le dise !!
Ils débutent avec Le sommeil des sirènes. On dirait un salon genre Madame Dugenou ; Ravel et Debussy rodent alentour, des cascades de notes douces et souples ( normal, ne pas les réveiller les sirènes ), et puis ça tourne au noir, soutenu, obstiné, intense, accentué, violent, en boucle. Pas sûr que les sirènes n’aient rien entendu au fond de l’eau.
Dance for horses sonne comme une ritournelle du temps jadis, une porte-fenêtre bée sur un jardin mouillé. Comment ne pas penser à La fête étrange de Jacques Bertin :
« (….) ce serait un soir d’automne un dimanche
un manège très lent une fine musique
des femmes nues assises sur la pierre blanche
se baissent pour nouer les lacets des enfants (…). »
Bien sûr, quelques chevaux traversent la fête étrange, jettent un regard étonné, s’éloignent sur le thème repris à l’unisson. Très beau.
Bon, là ça sent au feu les pompiers, un film muet en noir et blanc, ils dévalent la rue sur les pavés glissants, de la fumée jaillit d’une vitrine, cavalcades, glissades, dérapages, ça hurle, ça grouille, ça se dépêche et comme un ralenti, qui a posé la main sur la bobine ? Un pianiste et un clarinettiste seuls dans un bar, se racontent des trucs tranquilles t’as semé de la mâche ? C’est pas un peu tôt ? Non, pas du tout j’en referai plus tard si elle lève pas et puis le feu nomdunchien, la main s’enlève de la bobine, la course reprend. Arriveront-ils à temps ?
Up down up que ça s’appelle. On l’aurait pas deviné !!!
Bien sûr, la marque de fabrique de Sclavis concurrence les chronomètres suisses : thèmes ciselés, millimétrés, la découpe au laser n’est pas faite que pour les chiens. Et, comment dire, dans cette époque où le dialogue homme-machine ( « le dialogue », Orwell, au secours ) remplace le lien social, ces deux là font tout à la main et à la bouche. Des artisans, des œuvriers. Ça laisse rêveur ce talent humain contenu dans un peau étanche et poreuse, respirante, souple et auto-soignante, adaptable aux conditions climatiques, sensible, produite par l’homme lui-même sans qu’il y pense...
Along the Niger en rajoute dans la joliesse mélodique avec un petit air entêtant qui s’incruste, s’agrippe, tique pour un nocturne. Fleur bleue aussi-Gurdjieff (et ses pièces pour piano) flotte un instant-, Dust and dogs avec un solo à la clarinette siB plus looooong qu’une phrase que Proust n’aurait pas osée, merci la respiration circulaire, L’homme du sud, ensoleillé.
Enfin, le toujours et définitivement sublissime Dieu n’existe pas.
Comme une évidence.
Qui apporte la réponse à la question préambulaire, préambulatoire et préliminaire :
Oui, il y a une vie avant la mort.
Et ces deux lascars nous la font goûter pleinement.
Merci les mecs.
Revenez quand vous voulez.
On sera là.
Encore et encore.
samedi 10 octobre
Le Triton
11bis, rue du Coq Français
93 260 LES LILAS
Le texte est d’Alain Gauthier. Les photos sont de Florence Ducommun.
Écoutez et regardez ce concert en vidéo sur trit[online] : >ici !<