Quarante-septième étape

Régis Huby

« Too much fear or not to bee » se souvint la ruche prise dans le bruit de l’essaim (bonnet M). Le 6 novembre fait peur ! Il vit naître, en 15 après J.C. Agrippine la Jeune qui en 37 accoucha d’un sale gosse nommé Lucius Domitius Ahenobarbus, passé à la postérité sous le pseudo de Néron. Elle aurait mieux fait d’avoir la migraine la pauvre vu qu’en 59, c’est la chair de sa chair qui la fit zigouiller. Ou bien aurait-elle dû sous mariner avec moi, de l’intérieur du Périscope, et d’un œil éberlué voir que le quartet « Equal crossing », au poids de pédales sur scène, faisait la course en tête. Diantre ! En ce 6 novembre 2015, allais-je être électroniquement consumé par un de ces flots musicaux qui ne laissent aux esgourdes aucune chance, préférant les emplir fissa, que dis-je les noyer, pour mieux juguler leur instinct critique ? Sûr que j’allais m’agripper me disais-je avant de constater que non, définitivement non, ce ne serait pas le cas. La technique, c’est un peu comme le beurre ou les rillettes ; juste assez pour que ce soit goûteux sans être écœurant. Et l’on peut dire qu’ils maîtrisent leur sujet les quatre-là. Ils savent user sans abuser des possibilités qu’offre l’électronique pour colorer leurs compositions, créer un univers original, et retenir l’attention du public. Sans préambule ostentatoire, ils ont embarqué ce dernier dans un set ininterrompu si ce n’est par quelques silencieux soupirs entre les différents morceaux. Mêlant les ambiances, ils ont conjugué leur création à tous les temps, peint des paysages tantôt ombreux, tantôt lyriques, et ont au final offert un exemple concret de la valeur que l’on accorde à l’adjectif « musical » quand on sait faire preuve de tolérance auditive et que les musiciens présents (Régis Huby, Marc Ducret, Bruno Angelini & Michele Rabbia) savent croiser leurs parcours respectifs sans perdre leurs identités respectives. Finalement, ce n’était pas si grave le 6 novembre. Et puis le belge Adolphe Sax est né ce jour-là (1814).


Quarante-huitième étape

Le 11 novembre 1919 vit l’invention de la minute de silence. Oui, oui. J’en reste coi. De toutes les manières, vous ne me ferez pas chanter un hymne quel qu’il soit. Bref en ce jour commémoratif, toujours bloqué au Périscope, j’attendais de voir le duo dont tout un chacun dit du bien et même plus. Piano pour madame Courvoisier et violon pour monsieur Feldman, un duo à la scène comme à la ville.

Sylvie Courvoisier

L’on nota de prime abord, au-delà de la notion de complicité, la totale et mutuelle compréhension de l’autre. Ensuite, tout au long du concert, jamais nous ne sûmes vraiment si la musique proposée était un jazz de chambre ou une musique issue de l’espace contemporain. De fait, cela nous importa peu car nous fûmes séduits par la construction de l’ensemble, une construction personnelle alternant la puissance et la légèreté, parcourant la mélodie du simple bruit jusqu’à la franche mélodie au sein de compositions élaborées et développées sur des modes versatiles. Les instants les plus convenus (accessibles) furent fournis par les pièces de John Zorn interprétées à l’entame du concert. Les pièces composées par la pianiste et le violoniste explorèrent un autre monde, plus ancré dans le soubresaut percussif que dans la continuité mélodique, un monde plus organiquement intime aussi et, avouons-le, nous n’eûmes aucun déplaisir à vivre cet échange étonnant, novateur et stimulant, d’autant qu’il nous sembla offrir un peu plus d’espace à la créativité improvisée. Notons juste pour clore le chapitre que, devant une assistance aussi clairsemée que conquise, nous pensâmes qu’à choisir entre le travail d’Equal crossing et celui de Mark Feldman et Sylvie Courvoisier, nous opterions sans peine pour ce dernier. Ne nous demandez pas pourquoi. Ce doit être une question de métaphysique personnelle enclose dans les tréfonds d’un cerveau (le nôtre) que nous ne saurions nommer.


Dans nos oreilles

NHOP – Dancing on the tables

Devant nos yeux

Kerry Hudson – Tony Hogan m’a payé une ice-cream soda avant de me piquer maman