Le LSJazzProject [1] poursuit ses épreuves collégiennes en inoculant de la perspective Jazz au public juvénile. Nous y retrouvons toujours la même formule avec sa racine inédite pour une rencontre occasionnelle.

Anne Quillier
© Marceau Brayard - 2016

Le trio de cette soirée du 4 mars 2016 réunissait la pianiste Anne Quillier, le trompettiste Rémi Gaudillat et le batteur Bruno Tocanne. C’est à elle que reviendra la tâche de récapituler ses compositions depuis son piano et faire ainsi naître une stratégie d’échanges. Chacun y cherchera sa juste place pour faire agir un volume de consistance. Il y aura un temps de reconnaissance puis lorsqu’Anne Quillier réunira ses cheveux cela correspondra au temps libéré pour les évasions assumées. Les strates instrumentales se rencontreront aux intersections personnifiées par la subjectivation de chacun. Dans ce rouage rempli de représentations, la machinerie palpable de l’acte musical s’y révélera avec cette volonté sourcière. Elle y croisait de nombreuses transitions, déposées en concordances successives. Le cœur même de cette démonstration triangulaire s’offrira le luxe de rompre les amarres pour se détacher de la narration première. Une prédisposition accomplie poussera plutôt ce consortium vers un engagement molaire empêchant tout risque d’essoufflement. S’il doit y avoir un secret de fabrication il s’obtient certainement dans le ralliement que les musiciens opèrent, sur cet état donné de l’instant, depuis une répartition segmentaire d’où ils s’y résumèrent selon leur vraie nature. Ils furent habités par un ressort démonstratif favorable à faire émerger des éclosions aux flexibilités diffuses, pour une épreuve parsemée de raisons informelles.

Federico Casagrande
© Marceau Brayard - 2016

La recension ne serait pas complète si nous ne mentionnions pas cet acte fondateur de résidence tenu par Bruno Tocanne. Sa présence mérite amplement d’être signalée pour ce qu’elle impacte d’essentielle tout au long des saisons avec son rôle majeur.
Le 13 novembre 2015 il pratiquait le tour du propriétaire, en lien avec les compositions du guitariste Federico Casagrande et la précieuse compagnie du contrebassiste Sébastien François. Chacune d’entre elles attestait d’une histoire bien précise, localisable dans son parcours. Lors de ses divers déplacements il s’est laissé imprégner par tous les contextes où il a pu jouer, que ce soit en Chine en Espagne en Italie où dans tout autre lieu lui permettant d’activer sa créativité dans une ville anonyme, isolé dans sa chambre d’hôtel lors d’un passage furtif. Il se moulait donc aux différentes occasions à jamais renouvelables, recroquevillé sur son instrument pour y puiser ce prétexte émotionnel.
Le descriptif des notes traduisait bien une pensée précieuse. Elles devenaient son porte-parole avec lesquelles il exprimait une véracité énoncée en hypothèse heuristique. Cette reconnaissance lui ouvrait des perspectives pour qu’un Jazz vienne s’y loger sans complaisance. Cette pratique mantique semblait faire éveiller sa guitare à la vie, pour son accomplissement vers des choses vécues en plein éveil. Il l’accompagnait de gestes et de grimaces expiatoires. Dans cette soutenance les deux autres instrumentistes venaient se draper d’une auto-perception, guidés par autant de tensions électives que de l’extrême rigueur visionnaire. Vingt-quatre heures avant cette soirée fatidique, les partitions étaient arrivées. Le trio devait y trouver très vite son point d’appui et ses équilibres. Ils s’y reconnaissaient assez aisément pour se ritualiser au flair, accompagnés d’une grande ouverture d’esprit de la part de chacun. Ils suivirent ce couloir de l’imprévisible et de l’impérieuse nécessité du tâtonnement produit par et pour le jazz décidé d’adopter sa propre déchéance de temporalité.
Cette soirée était venue coudoyée avec le drame, la tragédie à l’état pur en ce vendredi 13. Pour ce qui nous concerne nous n’avons pas été touchés personnellement au niveau de notre enveloppe corporelle. Il s’agissait juste d’un sentiment partagé à l’intérieur de nous tous. Nous prenions conscience que ce jour-là n’était pas comme les autres. Nous étions du bon côté de la barrière dans cette loterie démoniaque. Drôle de sensation d’imaginer que le pire pouvait arriver sur le champ du divertissement.

Anne Quillier ©© Marceau Brayard - 2016
Bruno Tocanne ©© Marceau Brayard - 2016
Federico Casagrande ©© Marceau Brayard - 2016
Rémi Gaudillat ©© Marceau Brayard - 2016
Sébastien François ©© Marceau Brayard - 2016

Cette chronique restera un témoignage un télescopage avec l’actualité où nous ne devions sortir de ces instants qu’enrichis et bien meilleurs encore qu’au moment de notre entrée au cœur de ce spectacle. Seulement l’événementiel fait grimper les échelles de l’information à la vitesse d’un ouistiti sur sa branche. Tout parait se répéter dans la froideur, puisque nous y revoilà une fois encore tous confrontés, sans pouvoir infléchir ce destin.

Le LS Jazz Project est un Projet Artistique et Culturel "Jazz & Musiques improvisées" organisé par le Collège La Salle à Lyon – Croix Rousse.
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