> Château de Tallard (Hautes Alpes) - jeudi 4 août 2016, 21h.

Juste une semaine après le concert donné par le trio du batteur Simone Prattico (lire ici...), on pouvait écouter dans cette même salle voutée du château de Tallard une conception bien différente de la formule piano-contrebasse-batterie avec le pianiste Benjamin Faugloire et ses fidèles complices Denis Frangulian (contrebasse) et Jérôme Mouriez (batterie). Cette fois, c’est le service culturel de la ville de Tallard qui était maître d’œuvre de ce concert alors que le précédent était organisé dans le cadre de l’itinérance estivale du Festival de Chaillol. Heureuse initiative qui pourrait bien connaître une suite au fil de l’année : l’idée d’un jazz-club à Tallard ferait-elle son chemin ?

Benjamin Faugloire Project à Tallard.
© Thierry Giard - 2016

Simone Prattico, en batteur-leader, opte (avec bonheur !) pour une vision plutôt ouverte du trio sur un répertoire à l’éclectisme mesuré en laissant la musique prendre forme dans la spontanéité du cheminement à trois voix. Benjamin Faugloire conçoit, lui, des projets musicaux travaillés dans un bel esprit collectif à partir de ses propres compositions conçues et assemblées selon une logique mûrement réfléchie et, de ce fait, immuable. On retrouve donc en concert la même construction des séquences qui constituent le contenu du disque Birth paru ce printemps. Les conditions du live font la différence puisqu’on voit la musique se reconstruire devant nous dans un jeu de complicité qui fait la force de ce trio brillant.

Entrer dans une description de ce concert nous amènerait sans doute à plagier les propos de notre amie Florence Ducommun, co-équipière de CultureJazz.fr, qui avait écouté le trio à Marseille (L’UPercut) à la fin mars 2016. Sa perception et son analyse de la musique présentée ce soir-là sur le même répertoire rejoignent totalement notre point de vue. Son texte n’ayant été publié que sur notre page Facebook, c’est l’occasion d’y revenir ici.

"Le trio est né à Paris en 2006, peu de temps après que Benjamin Faugloire y soit allé pour perfectionner sa technique musicale (après des études d’ingénieur !), en passant par le Centre des Musiques de Didier Lockwood où il rencontrera ses partenaires eux aussi marseillais." écrivait Florence pour retracer l’histoire d’une rencontre qui a vu naître une solide complicité. "Birth", nouvelle aventure discographique du trio fait suite à "Première Nouvelle" (2009) puis "The Diving" (2012). Ce 4 août était un peu un retour aux sources puisque le premier album résultait du travail effectué non loin de Tallard, lors d’une résidence à Gap et dans les environs.

Benjamin Faugloire Project.
© Thierry Giard - 2016

"La trame (de Birth) est celle d’une histoire comme aime les raconter Benjamin Faugloire. Chacun peut se reconnaître dans les hauts et les bas de l’existence... L’écriture est dense et riche, très attachante, les ruptures nombreuses. Elle gagne en maturité avec les deux pieds ancrés dans les influences rock assumées du pianiste (Radiohead et Portishead) mais aussi jazz, en admirateur de Michel Petrucianni et Bill Evans." poursuivait Florence.
À Tallard, le pianiste a averti le public : "L’introduction, "Foundations", est relativement brutale mais ça se calme ensuite ! Ne quittez pas la salle trop vite". C’est sur ce socle solide entre finesse et brutalité que se construit l’ensemble de la suite, riche en contrastes. Personne n’est sorti de cette salle copieusement remplie, bien au contraire, puisqu’il y eut deux rappels des plus enthousiastes, occasion de puiser dans le répertoire du précédent album.

"Le batteur est un roc, le contrebassiste est solaire et essentiel." ajoutait Florence. On note effectivement la place centrale de la contrebasse : Denis Frangulian énonce souvent les mélodies ou les reprend en contre-chant du piano dans un jeu d’équilibre subtil entre un pianiste qui assemble les structures répétitives et les développements mélodiques virtuoses et un batteur qui porte avec fermeté des constructions rythmiques robustes et épurées.

"Un trio soudé comme rarement. Bref, on ne s’ennuie pas une seconde ! On pense à d’autres trios comme E.S.T., à The Bad Plus ou plus récemment au Tingvall Trio et on se dit que vraiment Les Gogo Penguin ont encore du chemin à faire !" (F.D).
Le rapprochement esthétique avec ces formations, ces power-trios, qui ont "rockisé" la formule piano-basse-batterie vient rapidement à l’esprit de l’auditeur. Benjamin Faugloire affirme, lui, qu’il n’a que très rarement écouté ces groupes de référence et que toute ressemblance est donc purement fortuite ! Il s’agit donc bien d’un courant musical qui est le reflet d’une époque où les frontières entre les genres musicaux deviennent poreuses.
On pourra préférer les musiques plus libres, plus ouvertes, moins structurées mais il faut reconnaître que ce trio parvient à se trouver des espaces de liberté dans le cadre contraint d’une musique très écrite jouée sans aucune partition, preuve que le répertoire est totalement assimilé par chacun des membres du trio. Si les spectateurs qui connaissent déjà Birth n’auront guère été surpris, le public qui a découvert ce répertoire a été emporté dans ce voyage à travers l’univers de Benjamin Faugloire.

Florence concluait en souhaitant Longue vie à ce beau trio !. Nous ne pouvons que vous engager à les écouter : ils le méritent amplement.


  • Le disque Birth dans la Pile de disques de mars 2016 sur CultureJazz.fr : ...lire ici...
  • Le disque "The Diving" dans le "Tourne-disques" d’avril 2013 sur CultureJazz.fr : ...lire là...
  • Simone Prattico Trio à Tallard le 28 juillet : ...lire ici...

| L’article de Florence Ducommun publié sur la page Facebook de CultureJazz le 27 mars 2016 :