La soirée du 20 mai 2016 au LS Jazz Project (Jazz au collège JB de La Salle - Lyon) a su conserver toute sa lucidité et sa nature ondoyante pour assumer sa pertinence. Le point d’appui fut de ne pas nous ennuyer une seule seconde. Les trois musiciens s’articulèrent avec une précision dévoilée, pour parvenir à mesure consentie, à ne rien regretter et ne rien perdre de ces échappées expérimentales, qu’ils venaient organiser dans cette toute première occasion.
Pour attiser cet attrape notes, ils durent partir du pré-subjectif conçu dans un autre lieu un autre ancrage contextuel, qui lie souvent le compositeur à ses affects personnels. Le saxophoniste Daniel Erdmann nous démontrera ce qui peut déclencher ce genre de processus. Pour sa part la simple vision d’un footballeur fut déterminante à elle seule pour se tailler une ritournelle et venir l’exploiter dans ses moindres détails.

La musique détient sa propre notion du temps. Celui-ci varie à l’initiative de ceux qui savent le faire fructifier, sans s’enchaîner pour autant à n’importe quelle valeur. Les instants de ce soir-là s’agripperont aux matérialisations ponctuelles. Elles apparaîtront à l’identique des bons mots que l’on perçoit dans un échange. Lorsque les protagonistes l’acceptent et savent accomplir cet exploit de communication. Fort heureusement nos trois énonciateurs surent très vite s’unir à cette conception quasiment acquise pour eux. Et l’enjeu est bien là dans ce genre de rencontre inédite, s’entendre avec sa propre formule langagière, comprendre celle de l’autre l’alter ego et ne rien renier de son authenticité. Cette notion traversera cet échange pour sentir au plus près et au plus juste l’acte intuitif délibérément accompli.

Cette salle de classe offre un perchoir à la hauteur du défi. Il consiste à amener un jeune public à y croiser le chemin du Jazz, cette musique marginalisée dans les médias nationaux. Le lieu n’a d’ailleurs pas d’importance. Il pourrait s’agir d’une salle dite de spectacle, une rue piétonne, une librairie de quartier, le résultat serait le même. Ce qui importe, relève des motivations intentionnelles de ceux qui colportent ce désir. Puisque d’après Paul Valéry « Il ne faut pas que les dieux demeurent sans toit, et les âmes sans spectacles ».

Lorsqu’on sent les musiciens disparaître derrière leurs instruments, c’est plutôt un bon signe de survie pour la musique. Cela veut dire qu’ils s’immergent en totalité en lui, pour s’y fondre et provoquer une unité. La notoriété de certains les amène à se réfugier dans un narcissisme débordant. Ils se placent au centre d’une plateforme mais refusent parfois qu’on les immortalise sur de la pellicule, c’est tout juste si l’on a le droit de respirer en les écoutant. Les photos accolées à la présente prétention textuelle témoignent qu’il n’en fut pas question dans l’heure que nous avons partagée avec nos passionnants développeurs d’idées.

Pour commencer chaque approche une phase embryonnaire sortait de la matrice instrumentale. Le développement s’accordait à la suite de ce processus pour répondre à des actions extrêmement diversifiées. Les résultats obtenus étaient véritablement dignes d’intérêt, dans la manière dont ils diffusaient les réflexions enrichies des thèmes, lorsque se fiabilisait l’intervention de chacun.

Il y avait entre Anne Quillier (claviers) Daniel Erdmann et Bruno Tocanne (batterie) une triple complicité d’échange incontournable, pour développer le frissonnement nécessaire aux modulations clandestines sorties du chapeau à malice, des cordes vibrantes, du tuyau respiratoire et des rebonds rythmiques. Ces trois effets réunis auront pour fonction de dénoyauter des captages en état de délivrances, sans susurrer sans extravaguer. Le propos ne se vouait pas à du remplissage pour occuper l’espace ou diffuser un brassage échappé d’un repli stratégique. Ils s’éviteront cet écueil pour nous conduire vers des impacts sensoriels, proches du point nodal musicalement densifié.