Quatre-vingt troisième étape

Ben Wendel

Septembre en jazz, à Lyon, c’est comme la vie après la mort. C’est mort. Ça tombe plutôt pas mal au final. C’est reposant. Et puis la révolution, c’est octobre sinon rien. Septembre, c’est juste bon pour le BTP, surtout le 11. Octobre disions-nous. Prêt à ferrailler avec on ne sait quoi en ce 8 octobre 2016 qui vit décéder Pierre Tchernia, nous allâmes à Mâcon, au Crescent. Il y avait quoi là-bas ? Ben Wendel quoi. Quoi ? Les chroniqueurs en disent du bien et c’est déjà pas mal. Il restait à vérifier de visu ce que le disque semblait auditivement augurer, à savoir une forme élaborée de post bop délivrée en terre mâconnaise par un quartet différent de celui qui enregistra le disque, à savoir Ben Wendel au saxophone, Taylor Eigsti au piano, Harish Raghavan à la contrebasse et Kendrick Scott à la batterie.

Il y a chez le saxophoniste natif de Vancouver, comme souvent, une connaissance approfondie des anciens auxquels il rend hommage. Cela ne suffisant pas pour un construire un musicien actuel, il a ajouté à sa palette ce que l’on trouve de manière itérative chez d’autres : un savoir-faire classique et une ouverture à la musique populaire, le tout intellectualisé ce qu’il faut pour être pris au sérieux. Sur scène, cela se traduisit par un jeu incisif et soutenu. Quelquefois touffu. Une symbiose de bon aloi entre les interprètes permit une exploration énergique du répertoire regrettablement mise à mal par des problèmes de son récurrent, notamment sur la contrebasse. Le swing tendu des premiers morceaux laissa place sur la ballade du set initial à une juste exposition de l’espace. L’on nota cependant une légère surcharge dans le discours de Wendel trahissant un reste de verdeur juvénile. Mais si nous devions lui faire un reproche, ce serait certainement de souffler un peu trop. Et, tout le monde le sait, souffler n’est pas jouer.

Nous évitâmes le second set pour deux raisons. En premier lieu, l’agencement lumineux n’était pas réellement propice à un exercice sérieux de la photographie et surtout, le solo de Kendrick Scott sur la dernière composition nous assomma pour un temps conséquent. Techniquement parfait, avec une once ténue d’originalité, Scott n’en martyrisa pas moins ses peaux et nos ouïes avec une violence indigne d’un batteur de jazz. Apparemment rassasié par sa débauche carabinée de frappes, il eut à l’évidence l’air satisfait et constata que le ravissement du public n’était pas feint (pas fin), si l’on excepte ma voisine de gauche qui, à mon humble avis, s’interrogeait philosophiquement, le regard perdu, sur la nécessité d’abrutir l’enclume et le marteau celés dans ses esgourdes. Rassurez-vous, quand nous quittâmes les lieux, elle respirait encore. Dehors, il faisait doux pour la saison.


Dans nos oreilles

Alexandre Tharaud - JS Bach, Variations Goldberg


Devant nos yeux

Alysia Abbott - Fairyland