Caravansérail, maison de thé, bistrot ouvert à touvents, aire de repos au bord du désert, réunion de lettrés, … on a le choix du lieu.
Hubert DUPONT, compositions et contrebasse, Ahmad AL KHATIB oud et Youssef HBEISCH riq, bendir, derboukas et percussions nous y accueillent avec Two rivers ; à peine terminée la courte intro, solo de contrebasse. Le message est clair : on joue du jazz. Mais tout de même, pas que : HBEISCH au riq et grosse caisse soloïsent et ça ne ressemble pas du tout à une batterie jazz. Puis le oud, histoire qu’on ait bien repéré qui fabrique quels sons. Donc, qu’on se dit, melting pot musical, coît trans-culturel, chacun-chez-soi-ensemble.

Les rejoignent Naissam JALAL et sa flûte, Matthieu DONARIER et sa clarinette métal, Zied ZOUARI et son violon.
Avec « Accept the changes  », Donarier développe un solo majestueux, sur une jambe mais pas sur une seule note ; le percussionniste sans baguette prend la suite et hop hop, tchatche avec le oud. Lui, il commence façon mille et une nuits revisitées « il était une fois... », relancé par Hbeisch et ses « Ah oui ? Et puis ? Non j’y crois pas … alors ? ». Et le violon qui n’en peut plus amène son point de vue : « hé les mecs, attendez attendez, qu’il dit, n’oubliez pas ce qui s’est passé ..... ». Une assemblée de causeurs qui, après une journée de labeur, de voyage, de solitude, prend le temps de l’entre-soi.
Ils vont persévérer dans les mélanges subtils avec Morning Promise. On a deux jazzeux costauds, qui, de rue des Lombards en 52è rue, viennent se mélanger aux pratiques orientales. Lesquelles ne s’en laissent pas conter. Les uns se libèrent des contraintes de la ligne mélodique quand les autres brodent des variations autour d’icelle, les uns se moulent dans le langage oriental et les autres posent leurs accentuations à des endroits inaccoutumés. Le premier set s’achève sur l’impression qu’ils nous ont montré que ça le fait, ce mix occident-orient mais sans totalement créer un team, le feu couve mais c’est quand l’embrasement ?
Après Turquoise où le oud fait entendre sa délicatesse tout en nuances ( une réminiscence de Oum Kalsoum et ses variations vocales d’un ou deux comas ? ), c’est Naissam JALAL, dans Elliptique, qui souffle sur les braises le temps d’un solo joué-vocalisé et amène ce supplément de folie. Le rythme tordu, l’incendie de la flûtiste, c’est beau et on reprendrait bien du thé avec un fond d’alcool de figues ( peu de thé, beaucoup d’alcool ).
On sent bien que la nuit va être chaude, ils prennent de plus en plus de temps pour exposer leurs idées, Dans Haïfa la nuit, Donarier peaufine ses arguments, les relie de cause en effets, Hbeisch donne des impulsions-pulsations qui feraient trébucher un chameau, Zouari tire un son à user la corde de son violon et Jalal ne refroidit pas.
On aimerait se trouver en été, sous la voie lactée, individus différents dans un monde unique. À deux pas, dans le froid, la rue du Faubourg Saint Denis sert d’oasis et d’abreuvoir à une multitude venue de partout. Orient, Occident, un joyeux melting-potes.

Mercredi 25 janvier 2017
New Morning
7 rue des Petites Écuries
75010 Paris


Le disque sur CultureJazz.fr :

Hubert DUPONT : "Golan – Al Joulan Vol.1"





> Ultrack - UTK1004 / Musea

Hubert Dupont : contrebasse, compositions / Youssef Hbeisch : riq, bendir, derboukas, percussion / Ahmad Al Khatib : oud / Naïssam Jalal : flûte / Zied Zouari : violon / Matthieu Donarier : clarinette.

01. Haïfa La Nuit - Pt.1 / 02. Haïfa La Nuit - Pt.2 / 03. Turquoise / 04. Tusi - Pt. 2 / 05. Morning Promise / 06. Pass Pass // Enregistré à Muisques au Comptoir, Fontenay-sous-Bois en octobre 2015.