Au vert, jazz au verre !

JAZZ SUR LIE

LE PALLET (vignoble nantais - Loire-Atlantique) - Festival du 19 au 22 août 2004

"Jazz sur Lie", est un festival modeste et authentique, chaleureux et vivant. Là, la musique se fait et s’épanouit dans les saveurs du terroir, entre muscadet-sur-lie (produit local !) et grillades sur ceps de vigne, sur la place ou dans les bois, à l’ombre d’un chêne, d’un cèdre ou sous le chapiteau au bord de la rivière... Un régal, quoi !

Un cadre magnifique ( le petit village du Pé de Sèvre sur la commune du Pallet et ses petites maisons mitoyennes au milieu du vignoble) une association très structurée et efficace (Jazz sur Lie) pour une organisation sans failles, un groupe de vignerons impliqués et un noyau de musiciens nantais (creuset bouillonnant pour le jazz) pour la programmation. La formule est simple mais robuste comme un fût de chêne !

"Jazz sur Lie" accueille ses spectateurs comme on recevrait des amis. Tout est prévu, même le verre de dégustation et son porte verre parce que le muscadet ne doit pas se boire dans des gobelets en plastique : on tient aux vraies valeurs ! De plus, avec 250 bénévoles, on est paré à toutes les éventualités !

Musiciens et public se mêlent. La plupart prennent le temps de rester pour jouer, écouter, parler, partager ces moments si particuliers et si favorables à l’épanouissement de la belle et bonne musique. On apprécie tout particulièrement les escapades champêtres mêlant marche à pied, jeux sur les sens (l’odorat et le goût à la fête eux aussi !), les concerts (gratuits) dans les domaines viticoles, dans les bois ou en bord de rivière. Tous s’y retrouvent, fans de marche ou de jazz, gens du coin ou touristes, seniors et bébés en poussettes. Une belle harmonie !
Bien sûr, il est des festivals plus grands, plus gros, plus prestigieux, plus ambitieux. Ils rivalisent de programmations alléchantes... mais combien de fois décevantes ? Les stars s’y succèdent, façon "fast-food" parfois ? Les places se paient au prix fort, éliminant du même coup les moins fortunés.
Et il y a les petits, les modestes, les "festivals d’en-bas", ceux qui ne meublent pas les soirées de France-Inter. Mais, en fin de compte, l’essentiel n’est-ce pas la musique, autant que ceux qui la font. Combien de fois est-on allé VOIR des stars en concert pour entendre ce qu’on attendait d’eux ? A-t-on bien écouté la musique ? Objectivement ?

A "Jazz sur Lie" (comme aux N.P.A.I. de Parthenay), la musique fut souvent belle, toujours jouée avec enthousiasme et passion, jamais abaissée au rang de produit de consommation... La culture vivante et fertile devient une réalité dans ce type de manifestation.

TEMPS FORTS (il faudrait citer tout le monde, pardon à ceux qu’on oublie) :

Un coup de chapeau aux jeunes comparses de Skyzofriends, pour leur fougue juvénile et leur aisance à jouer le jazz sans œillères et avec une énergie sympathique et roborative.

Le Gros Cube avec Philippe Katerine

Énergie qu’on a retrouvé ensuite dans la superbe prestation du big-band du saxophoniste Alban Darche, le Gros Cube. Une pléiade de jeunes (et moins jeunes) talents, habitués des grandes formations hexagonales mais capables de donner le meilleur d’eux mêmes dans tous les projets, pourvu qu’ils en vaillent la peine. Cette création visait à établir des ponts entre le jazz et la chanson. Trois invités pour trois climats différents autour des chants basques avec Christophe Hiriart, du rap avec Dgiz et de la chanson "à textes" avec Philippe Katerine (rien à voir avec le guitariste belge). Initiateur et maître d’œuvre du projet, Alban Darche s’est effacé pour mettre en valeur les talents de ses invités et des solistes de l’orchestre.
On a remarqué en particulier la suite de compositions de Katerine arrangée par le trompettiste Geoffroy Tamisier qu’on a retrouvé en seconde partie de soirée dans le contexte plus ethno-jazz du groupe Mukta autour du contrebassiste Simon Mary. Un exotisme bien intégré dans un répertoire convaincant pour cette formation vedette de la scène nantaise qui clôturait le programme de cette soirée encore un peu humide du vendredi 20 août.

Frasques... dans la nature.

Soleil de retour le samedi pour le Parcours des Sens à travers le vignoble depuis le village du Pé de Sèvre jusqu’au domaine de la Mercredière pour une succession de concerts sur trois scènes rustiques.
On a pu remarquer tout particulièrement la prestation du sextet Frasques sur les compositions du pianiste Guillaume Hazebrouck qu’on sent imprégné d’une culture musicale très vaste où on note une influence certaine de "l’école française" (Poulenc et Satie entre autres). Les deux contrebasses (dont l’incontournable et talentueux Sébastien Boisseau) et la voix de Christophe Hiriart donnent une couleur singulière à cette formation qui mérite une écoute attentive.

Airelle Besson Quartet avec Nelson Veras

Plus strictement "jazz", la trompettiste Airelle Besson a montré avec son quartet que sa réputation grandissante n’est pas usurpée. D’où sa présence dans nombre de formations actuelles dont le nouveau Pandemonium de François Jeanneau.
La prestation improvisée de Philippe Katerine (voix, texte spontané !) et Francois Ripoche (machines et sax) apportait une touche délirante à ce bel après-midi...
A l’heure de l’apéro, après un retour à travers bois malicieusement balisé par des organisateurs qui ne manquent pas de goût pour le loufoque (tant mieux), c’est le quartet Thôt qui devait remettre les esprits en place à grand renfort de rythmes enchâssés et de sons acérés. Un travail d’écriture et de mise en place tout à fait respectable mais qui tient souvent de la déclinaison d’un procédé qui peut devenir lassant.

Gilles Coronado, Stéphane Payen, Christophe Lavergne, Hubert Dupont : Thôt

À la nuit tombée, sur la place du village, c’est le trio de Marc Ducret qui électrifia l’atmosphère. Musique incandescente et superbe à laquelle nous consacrons un peu plus de place... (lire la page qui lui est consacrée)

La journée se terminait par l’inévitable petit bal du samedi soir, impeccablement musette avec le trio de François Parisi. Ça valsait allègrement sur la piste du chapiteau !

Marc Ducret et ses stagiaires... dans les vignes !

Le festival s’achevait, le dimanche 22 par la prestation de la grande formation des stagiaires réunis autour de Marc Ducret. Élèves comblés d’avoir travaillé de façon aussi constructive en compagnie d’un musicien dont ils louaient les compétences de pédagogue, tout autant que de compositeur ou d’instrumentiste.

Cinq kilomètres à pied dans la vallée de la Sanguèze (et les vignes, encore) pour le plaisir de la balade et des pauses musicales en compagnie du beau duo formé par Olivier Thémines (clarinette) et Sébastien Boisseau (contrebasse), tout acoustique, sous un chêne, le rêve !

Olivier Thémines et Sébastien Boisseau

Plus loin, c’est le Jazzophone Quartet d’Alban Darche qui invitait Steve Potts en bord de rivière pour un moment de complicité à quatre et cinq saxes.
La fin du festival, dans le jardin du Plessis-Guéry, fut confiée à deux orfèvres : Zool Fleisher au piano et Denis Leloup au trombone soit le duo Zooloup.
Ces deux là jouent à faire de la musique. Fleisher s’affirme de plus un plus comme un héritier impertinent de Martial Solal : même goût pour les phrases musicales syncopées et malicieuses, une profonde culture du jazz et un même humour dans les intitulés avec un goût prononcé pour le jeu de mots. Denis Leloup, toujours impeccable et impassible maîtrise quasi scientifiquement les phrasés fluides et limpides. Le duo tourne comme une horloge mais sans accorder une seule seconde à l’ennui : de grands professionnels, certes, mais musiciens avant tout et ce n’est pas si fréquent !

Steve Potts + le Jazzophone
Zool Fleisher et Denis Leloup

Thierry Giard / © 2004