Cent vingt septième épisode

Avant toute chose, le pérégrin que nous sommes tient à remercier le Rhino Jazz qui vient de s’achever car il attend encore une réponse à sa demande d’accréditation. Il aurait pourtant suffi d’une réponse, même négative. Nous ne sommes pas compliqués. Était-ce si difficilement envisageable d’avoir cette politesse, cette élégance ? Tout fout le camp, mon pauvre monsieur ! Mais les dés sont jetés, la messe est dite et c’est l’heure de faire à manger. Alors on passe aux choses sérieuses.

Crescent Jazz Club

Le 28 octobre 1791, Olympe de Gouges présentait la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne à l’Assemblée nationale. Cela ne fonctionna pas comme elle le prévoyait. Aujourd’hui nous le savons. Et en ce 28 octobre 2017, sur la scène du Crescent (qui répond toujours à nos courriers électroniques), cela ne fonctionna pas comme nous l’avions pensé. Pourquoi ? Parce que dans le quintet du batteur Enoch Jamal Strickland, s’il y avait son Frère Marcus aux saxophones, ce qui était prévu, il y avait Godwin Louis au saxophone alto, en lieu et place de Jaleel Shaw annoncé sur le site, et Taber Gable au piano, en lieu et place de Luis Perdomo annoncé sur le site. Enfin le contrebassiste Josh Ginsburg était là en lieu et place de Linda Oh annoncée sur le site et qui aurait pû brillamment représenter l’autre moitié de l’humanité. Il n’y a déjà pas beaucoup de femmes dans le jazz, alors si l’on nous en prive sauvagement, où allons-nous, on vous le demande ? Ah, ce n’était pas vraiment ce pour quoi nous avions décidé de faire des kilomètres ! La qualité de l’ensemble n’en souffrit pas trop cependant ; ces hommes-là firent de la musique, du jazz plus précisément, et c’était la raison première de notre venue en terre mâconnaise. Mais force est de constater que nous fûmes néanmoins frustrés par ce line up un ton en dessous, notamment à la contrebasse où Josh Ginsburg, avec un jeu sans trop de relief, ne nous emballa pas. Il n’en demeure pas moins que ce jazz new-yorkais fut très écoutable. L’approche complexe et dynamique du batteur et leader, sa propension à définir les climats musicaux choisis, la qualité de jeu de son frère aux saxophones (quel son !) et de son collègue altiste très incisif dans ses interventions, suffirent à emporter la mise. Le jeune pianiste, fraîchement diplômé de la Julliard school, fit le job avec application et savoir-faire, mais nous ne nous souvenons pas particulièrement d’un solo qui nous aurait émus. C’est là tout ce que l’on peut écrire à propos du premier set de ce concert. Le second, nous l’avons laissé au public mâconnais car nous étions frustrés quoi... Et puis nous avions à remettre les pendules à l’heure, comme tout le monde.

Pour finir et afin de retrouver notre bonne humeur, laissez-nous tout de même vous signaler que le 28 octobre est également le jour de naissance de Julia Roberts. Merde ! Elle aussi n’était pas au Crescent... Mais « où sont les femmes, avec leurs gestes pleins de charme ? » Autre question : est-il encore vivant Patrick Juvet ?


Cent vingt huitième épisode

James Cammack

A la Clef de Voûte pour changer, sur les pentes de la Croix-Rousse, et un dimanche ! Quelle mouche nous avait donc piqués en ce 29 octobre qui célèbre la journée mondiale de l’accident vasculaire cérébral (cela nous fait bien rire) ? James Cammack bien sûr. Que le pianiste Antoine Bacherot et le batteur Josselin Hazard ne soient pas offensés car nous avons profité de l’occasion pour les découvrir et les apprécier. Le trio, en ordre de marche depuis trois ans, venait de passer une semaine à Jazz en tête et on le perçut d’entrée avec un «  In your own sweet way » relevé qui définit toute la suite du concert, tant sur l’esprit mainstream que sur le parti-pris moderniste de l’exercice. Josselin Hazard, notamment, aux mailloches sur la ballade de Billy Strayhorn « Chelsea bridge » surprit les auditeurs, hélas peu nombreux en cette soirée dominicale. Le trio convoqua également Hancock, Monk et quelques autres et, dans cet environnement musical fort apprécié, le contrebassiste James Cammack fit parler sa science. Toujours à l’affût, en symbiose avec ses comparses et son instrument, il délivra quelques soli de caractère en virtuose inspiré et inspirant qu’il est. Avec ce sens du swing qui lui est propre et cette verve musicale issue de son long compagnonnage avec Ahmad Jamal, il imposa tout au long des deux sets une présence forte mais pas envahissante, donnant à écouter la sonorité profonde de ses racines en toute contemporanéité. Il n’en fallut pas plus pour nous satisfaire en ce dimanche.

Notez enfin qu’en 1787 Don Giovanni fut donné pour la première fois un lundi 29 octobre, au théâtre Nostitz de Prague. C’est Wolfgang Amadeus lui-même qui tenait la baguette.


Dans nos oreilles

Dorantes trio - Il tiempo por testigo


Devant nos yeux

Robert Lalonde - Le diable en personne