Le célèbre pianiste suédois Bobo Stenson se produisait à l’Auditorium du Conservatoire de Caen le mardi 6 février. Jean-Louis Libois n’a pas manqué ce rendez-vous.
Connu et réputé comme pianiste, par son trio et par ses enregistrements chez ECM, y compris aux côtés de Don Cherry, Charles Loyd… peut-être Bobo Stenson l’est-il moins comme soliste. Nous le découvrions pour notre part, ce mardi 6 février 2018, seul sur la scène de l’auditorium du Conservatoire de Caen. Il proposait une longue suite interrompue faisant montre de tout son art.
Quelle différence existe-il entre un pianiste classique et un pianiste de jazz seul sur scène devant son piano à queue ? L’improvisation. Les premières mesures affichent une ligne mélodique claire, une unité rythmique, un certain lyrisme mais quelques mesures plus tard, le pianiste laisse échapper quelques accords sortis tout droit de son imagination immédiate. Et c’est parti pour une heure de musique improvisée. Avec son flot continu certes mais aussi ses bifurcations impromptues. Introvertie pour certains, intimiste pour d’autres, cette musique dans tous les cas invite à la rêverie. Comme on le ferait devant un tableau tout juste figuratif, à la limite de l’abstraction. Ou mieux encore comme entraîné dans un courant qui emporterait les songes du rêveur dans son sillage. Musique séduisante mais musique exigeante. Pour notre part, nous avons une faiblesse pour la division en chapitres, le découpage en mouvements… Question d’aération de l’ensemble et de respiration du lecteur/auditeur... Est-ce à dire que ce long voyage musical ne comportait pas de scansions ?
Si les paysages traversés sous les doigts du musicien semblent couler de source, en apparence sans grandes aspérités, ce flux entraîne dans son sillage aussi bien thèmes classiques, airs populaires, compositions personnelles avec des incursions rythmiques qui n’oublient pas le jazz. "Libre et mélodique avec un swing suggéré par touches" écrivait Thierry Giard à propos d’un enregistrement du pianiste en trio (CultureJazz, 2008). On ne pouvait mieux dire ! Une seconde composition plus resserrée ainsi que celle du bis ont eu le mérite de le rappeler aux nombreux spectateurs présents.
Le discours au total incite, disions-nous, à la rêverie et si l’attention de l’auditeur se fait parfois flottante, cela fait partie aussi du voyage.
Mardi 6 février 2018 - 20h00
Conservatoire de Caen (14)