Retour sur le concert du 31 janvier au Triton

Sylvain Cathala fait partie de la grande famille des fidèles musiciens du Triton, scène parisienne reconnue pour sa volonté et sa capacité à laisser la possibilité à de nombreux projets de naître sous forme de créations, précédées de résidences pour ensuite émerger sur les scènes françaises de jazz. Certains afficionados du saxophoniste se rappelleront sans doute ses passages en trio, septet (qui fit l’objet du disque Hope enregistré live) et plus récemment en quintet.

Depuis près de vingt ans, ce saxophoniste très inspiré du mouvement M Base de Steve Coleman s’est fait remarquer au sein de son quartet Print, dans lequel il s’entoure de musiciens particulièrement inventifs, aux personnalités musicales affirmées et marquantes. Stéphane Payen, leader des groupes Thôt, The Workshop et Morgan The Pirate ; garde son côté aérien et habile qu’il sait pleinement mettre en avant dans ses envolées improvisées. Il assure une voix de saxophoniste complémentaire à celle de Sylvain Cathala. Jean-Philippe Morel, contrebassiste fougueux à l’origine du duo Bands of Dogs aux invités multiples, leader des formations Docteur Knock et United Colors of Sodom ; nous donne à entendre un jeu très personnel, puissant, sachant mêler avec brio la profondeur du son boisé et la précision du phrasé. Franck Vaillant, compagnon de route infatigable de Laurent Dehors, Sarah Murcia et auteur des différents répertoires originaux de ses groupes fétiches Benzine et ThisIsAtrio, est toujours un batteur époustouflant, à nous scotcher le regard pendant tout un concert, même si pour ce contexte son jeu reste plus simpliste que dans d’autres formations où il excelle. Cerise sur le gâteau : Print accueille désormais dans ses pupitres le pianiste Benjamin Moussay, déjà présent dans les programmes Transformations et Hope. Fidèle de Louis Sclavis, Vincent Courtois et Claudia Solal, ce pianiste actif et reconnu de la scène française est très à l’aise avec l’univers de Sylvain Cathala, grâce à sa facilité à tisser des trames sonores de fond sous forme d’accords plaqués qui servent de support fertile aux improvisations de ses compères. Cet aspect donne à la musique un côté inachevé, en construction et remise en cause permanente.

Après cinq albums de Print aux formes variables (quartet, quintet, nonette), Sylvain Cathala ne semble aucunement s’essouffler et présente une musique plutôt cérébrale, loin de tout cliché et toute facilité. Il renouvelle son répertoire, sur base de compositions à l’écriture ciselée et murement réfléchie, très ouverte aux improvisations, auxquelles chacun peut mettre en avant ce qu’il est dans son intégrité, sans se renfermer dans un maillage écrit trop contraignant qui pourrait limiter le savoir être musical de chacun. Le quintet donne à entendre un groupe à part entière, avec une dimension qui va bien au-delà de la somme de ses individualités musicales fortes, qui se complètent et se comprennent pour servir cette musique délicate et audacieuse, qui nécessite de ne jamais perdre l’état d’esprit, le phrasé, les ambiances rythmiques et sonores voulues par le compositeur.

Print nous prouve qu’un groupe peut encore exister sur scène et renouveler son propos après une vingtaine d’années d’existence, alors que, par souci de renouvellement constant et parfois par peur de lassitude, nous avons souvent tendance à entendre des programmateurs qu’une formation ayant deux à trois ans d’existence qui ne propose pas de nouveau répertoire thématisé n’a plus lieu d’être sur les scènes. A bons entendeurs…


https://sylvaincathala.bandcamp.com/
http://www.letriton.com/