Novembre puis le nouvel ONJ empoignent l’oeuvre d’Ornette : subjuguant et réjouissant.
Première partie : NOVEMBRE Ornette/Apparitions »
Le quartet piano-basse-batterie-sax alto démarre à fond : de l’Ornette pur et dur que tu te demandes si tes oreilles vont résister. Rien à comprendre, tout à ressentir. Là, tu te dis, une plombe à fricoter free, ça va pas le faire. Et puis, ça doit être ça le sens de Apparitions, voilatipas qu’on entend sans les voir une trompette et peut-être un sax avec elle. Cékikijoue ? Oukisonplanké ? Le tempo rapide laisse à penser que ces jeunots jogguent au lever du jour et le soir aussi, qu’ils ont les poumons adhoc et le souffle aussi. Une seconde pièce plus calme, solo aux trois claviers poussé par le batteur dans une musique d’opposition, de rupture et de redites. Une chanteuse les rejoint, en bord de scène, avec son petit matos électro à chanstiquer la voix ; mais alors, dis-moi, issonkombien-entout ? Du fond tout là-bas, dans une obscurité telle qu’on ne distingue que des formes fantomatiques, arrive un solo de batterie dru comme un tir de canons Caesar à usage défensif, intense, massif, compact du genre béton précontraint avec du quartz inside. Donc deux de plus. Issokombien-entout ? Chacun se fabrique son tableau mental à x entrées : qui j’entends sans le voir, qui je vois sans l’entendre, qui je vois que j’entends...
La voix seule et ses bidouilles pointées dans un faisceau de lumière bleue amène une petite cuiller de calme avant d’être rejointe par les souffleurs puis les autres. On a oublié le quartet du départ, les ajouts progressifs, les apparitions, le tout s’avère sophistiqué, élégant, surprenant, excitant, subjuguant : swing versus arythmie, électro vs pas électro, boucles-pas boucles, voix, claviers, l’effet d’emballement est total. Pas au sens de emballer le public ( c’est fait depuis longtemps ), au sens de emballement-accélération-augmentation-ajouts.
Un mec s’en vient souffler-improviser dans un flûtiau genre pipeau métallique, c’est beau, puis s’en retourne. Céki ? Doukivien ?
On vit une musique de l’intranquillité, un entre deux incertain, instable et millimétré, libre et contraint, une seule question vaut : keskivaspasseraprès ?
Des souffleurs ( tp et clarinette basse ) grimpés dans les coursives au ras du plafond envoient quelques phrases-des citations ?- la mise en espace, la mise en lumière, ils osent tout. Histoire que, pour une fois, l’esprit sorte des limites osseuses du cerveau et s’expanse au volume conséquent du lieu. La contrebasse soloïse, rejointe par le piano, le quartet de départ se retrouve ; la fin et l’origine, un message philosophique ? Mais non, il en vient de partout ( neuf, finally, ils sont neuf ), avant de s’en retourner jouer depuis les coulisses. Apparitions/disparitions, reste un son du piano qui s’étire et s’éteint. Un concert jubilatoire qui invite à ré-écouter Ornette Coleman en boucle.
Merci le nonet, fort de : Antonin Tri-Hoang sax alto, Romain Clerc-Renaud piano et claviers, Thibault Cellier contrebasse, Elie Duris batterie, Isabel Sörling voix, Aymeric Avice trompette, Pierre Borel sax alto, Geoffroy Gesser sax ténor, Yann Joussein batterie et flûte à bec.
En seconde partie, l’ONJ version 2019 et +, rend hommage à Ornette Coleman et pas que, avec Dancing in your head(s), La galaxie Ornette.
L’ONJ, c’est : Fred Maurin dir et g, Fabien Norbert tp, Susana Santos Silva tp, Daniel Zimmermann tb, Judith Wkstein tb basse, Mathilde Fèvre cor, Jean-Michel Couchet sax soprano et alto, Julien Soro sax alto, Anna-Lenna Schnabel sax alto et flûte, Fabien Debellefontaine sax ténor et flûte, Morgane Carnet sax bar, Pierre Durand g, Bruno Ruder Fender Rhodes et Clavia Nord, Sylvain Daniel g basse, Rafaël Koerner batterie.
Des les premières notes, ça saute aux oreilles : cet orchestre sonne et rappelle le PING Machine du même Maurin. D’ailleurs tiens, le premier solo revient à Couchet, autant dire une valeur sûre du Ping. Long solo survitaminé. La marque de Ping : donner aux solistes le temps de développer leurs idées avec l’appui du band qui envoie ici ou là, riffs sauvages, contrechants sinueux, aide à l’effort.
Puis Julien Soro, autre valeur sûre d’avant pour un solo déchiré comme souvent. Là, les riffs passent en mode turbo, gros son qui ricoche comme une moto rugissant à fond à deux heures du matin entre les immeubles. Sur les thèmes Una muy bonita et Street woman arrangés par Fred Pallem.
Avec Dogon AD, un solo de musicienne, Susana Santos Silva. Parce qu’il faut le noter, ce nouvel ONJ compte cinq musiciennes dans ses rangs, autant dire une présence massive, des musiciennes, pas des figurantes. Et comparer les soli des uns et des unes n’est pas inintéressant : d’un côté, une appétence pour les furieuses enfilées de notes, de l’autre, une économie de moyens qui ne masque pas la force des idées.
Zimmermann fait monter les larmes aux yeux avec un solo anthologique sur Something sweet something tender : son et silence, virtuosité masquée, rondeur moite, un bonheur.
Le solo à suivre de Debellefontaine est un brin étouffé par la guitare de Durand et les riffs magnifiques des deux pupitres : ce tout nouveau grand format pète le feu.
Lonely Woman nous offre une intro délicieuse, progressive : la guitare basse et le Fender, puis le sax baryton et le cor puis tout l’orchestre avec un solo de Schnabel, têtu, tenace, teigneux le solo.
Theme for a symphony clôt ce concert inaugural qui a mis en valeur et le collectif et les solistes, tous pour un, un pour tous, quinze mousquetaires dont on ne peut que se réjouir ( et attendre !! ) les prochaines productions.
MC 93-Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
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