Trente-sixième équipée

Souvent, je m’épate moi-même. Ça c’est de l’incipit de tueur ! Et un pérégrin de sortie avec boitier et objectifs dans le cadre des lyonnaises et électro Nuits Sonores, si ce n’est pas un événement, mais qu’est-ce donc ? Une soirée qui met à l’honneur les labels Carton rds, pour la France, et Hubro pour la Norvège. Là, c’est la réponse à ma question. Sur scène, un solo de Kim Myhr qui, comme son nom ne l’indique pas, n’a rien à voir avec la Corée du Nord ou la conquête spatiale soviétique. J’en veux pour preuve qu’il est guitariste et norvégien. Et c’est pour l’écouter que j’étais venu. Armé d’une Gibson ES 335 12 cordes et, posé sur une table devant lui, d’un ensemble de pédales et autres effets, il livra un set assez cours. Ce qui ne m’empêcha pas de l’écouter avec attention. En un long morceau hypnotique, j’écoutai une forme d’exploration orchestrale ancrée dans la recherche sonore. La guitare, dans ce contexte, fut l’outil dont le créateur se joua plus qu’il n’en joua. Les nappes soniques transformées par les effets multiples furent le résultat concret. Je ne me posai pas la question de savoir si c’était ou non de la musique. Assurément, ce fut un temps de prospection, pour lui comme pour les quelques auditeurs présents, un acte créatif à l’ambiance typiquement nordique d’étirement temporel à même de dérouter l’amoureux transi de la chansonnette qui veut des couplets et un refrain. Cela commença dans un calme presque étale, façon fjord au petit matin, avant de progresser en puissance dans des brumes embrouillées de résonances troubles en quête de contrées éthérées sur un de ces rythmes récurrents propres à agacer un comateux ou un aliéné bon teint. Ce fut, dirais-je, humide et venteux. Pas angoissant pour autant. Juste un paysage noyé dans un isolement interrogatif, proie d’un doute septentrional. Ou non. Le truc, c’est que cet objet sonore inidentifié me chopa insidieusement et m’embarqua vers un territoire énigmatique que mon imaginaire peupla de moulins (c’était venteux, je vous le rappelle), de mots, de couleurs ; en somme, d’un mélange de riens indéterminés agissants comme un tout inorganique dont seul l’équivoque souffle évasif m’atteignit par les ouïes. C’est indolore, je vous rassure, et pas attentatoire (j’étais consentant). Après cet épisode (musical) expérimental, il me vint à l’esprit que l’illimité qui fait rêver l’humain pour finir le perdra surement. A moins qu’il y ait encore autre chose à glaner au-delà de l’illimité précité. Ce qui embarquerait hypothétiquement dans un autre voyage, un voyage autre (une voie entre les âges), les aventuriers dont je suis. Vous constatez que ce fut à l’évidence un début de soirée à tout le moins différent. C’était un samedi 31 mai, jour qui vit naître en 1819 le poète Walt Whitman que je considère, en accord avec les spécialistes, comme le pilier de la poésie américaine du XIXème siècle. Le second étant bien évidemment Emily Dickinson. J’aurais d’ailleurs plaisir à m’appesantir sur le sujet. Pas Emily voyons, la poésie, la sienne. Pff ! Pour la peine, prenez-ça dans les chailles :

Though the great Waters sleep,
That they are still the Deep,
We cannot doubt –
No vacillating God
Ignited this Abode
To put it out –


Dans nos oreilles

Julie London - Julie at home


Devant nos yeux

Alexandre Diego Gary - S. ou l’espérance de vie


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