Cinq hommes pour un duo augmenté

Mercredi 20 novembre 2019

Le son arrive du fondu au noir, là-bas, au-delà de l’obscurité, un son étrange qui tient de la trompette bouchée et de la trompette débouchée. Puis apparaît l’homme qui souffle dedans, Laurent Blondiau, il porte l’instrument à sa bouche et à deux mains, comme un objet précieux, une corne de licorne, un troisième oeil coulé dans la résine. Oui, sa trompette trompe, elle dispose d’un double système de pistons et nécessite d’en jouer à deux mains. L’homme des lumières, Sam Mary, chasse l’obscurité peu à peu et l’aubade continue à nos pieds.
Avec Gabor Gabo et sa guitare avec pédale, le duo nous emmène, via une pièce mélodique, mélodieuse, tranquille, dans un univers qui évoque Barry Lyndon et la sarabande de Haendel.
Entre Sébastien Boisseau, l’homme à la contrebasse et le trio continue le voyage dans des temps d’avant. Le son doux et soyeux du bugle, la contrebasse à peine effleurée, la guitare aux accords étirés par le jeu de la pédale, est-ce un menuet ? Une danse de cour ?
Le quintet enfin rassemblé, avec Will Guthrie à la batterie, s’engage dans une pièce longue très écrite, les accords étirés de la guitare installent un côté faussement planant que le solo de trompette rompt. Gabo, debout, tricote des accords alambiqués qui ponctuent, scandent, soutiennent, prolongent les idées de Blondiau d’une manière inattendue et intrigante. S’installe peu à peu une sensation de musique sans rythme, sans début ni fin, qui flirte avec l’atonal avant de revenir à la mélodie. Gado impulse une conversation soutenue avec la contrebasse, il initie les entrées et sorties des uns et des autres ; d’un regard, il signifie au batteur de ranger ses balais, d’un hochement de tête, il ramène tout son petit monde au thème. Entre l’absence de rythme marquée, les longs accords à la guitare et les mélodies mémorisables, on se sent en suspension, envoûté, intrigué, curieux du coup d’après. Si ce n’est pas de l’ambient music, c’est une musique atmosphérique qui crée concomitamment et l’environnement et son contenant. Des circassiens parleraient d’une musique de funambule qui fait les pieds légers et le corps tiré vers le haut. Boisseau fera entendre le son délicat, plein et rond de sa basse, Blondiau sololiloquera sans véhémence inappropriée, le tout produisant une musique belle, surprenante et intense.


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