| 00- WILL VINSON . Four forty one - OUI !
| 01- JON BOUTELLIER . On both sides of the atlantic
| 02- BLEY / SHEPPARD / SWALLOW . Life goes on - OUI !
| 03- JOEY ALEXANDER . Warna
| 04- TOKU . In Paris
| 05- JULIE CAMPICHE QUARTET . Onkalo
| 06- BRECKER BROTHERS . Live and unreleased
| 07- MARC BENHAM . Biotope
| 08- CLAUDE TCHAMITCHIAN . Poetic Power - OUI !
| 09- ERLEND APNESETH . Fragmentarium
| 10- ODED TZUR . Here the dragon - OUI !
| 11- LUDIVINE ISSAMBOURG . Outlaws
| 12- PERRINE MANSUY - CHRISTOPHE LELOIL - PIERRE FENICHEL - FRED PASQUA . Les Quatre Vents
| 13- PIERRE DE BETHMANN TRIO . Essais, Volume 3
| 14- ANGLE 10 9 . Today is better than tomorrow
| 15- OZMA . Hyperlapse
| 16- ERROLL GARNER . Up in Erroll’s room
| 17- RHODA SCOTT . Movin’ blues
| 18- ROBIN MCKELLE . Alterations
| 19- RP3/REMI PANOSSIAN TRIO . In odd we trust


  WILL VINSON . Four forty one

Whirlwind recordings

Will Vinson : saxophone alto
Sullivan Fortner, Tigran Hamasyan, Gerald Clayton, Fred Hersch, Gonzalo Rubalcaba : piano
Matt Brewer, Matt Penman, Rick Rosato, Larry Grenadier : contrebasse
Obed Calvaire, Billy Hart, Eric Harland, Clarence Penn, Jochen Rueckert : batterie

L’altiste anglais Will Vinson fait son best of. D’habitude, le musicien choisit ses morceaux préférés et les enregistre. Lui, il a convoqué les musiciens qu’il aime et il a enregistré avec eux au gré des possibilités du calendrier entre 2015 et 2018. On retrouve donc sur ce disque une bonne partie du gratin du jazz actuel et, si chaque formation possède une identité propre, l’on note immédiatement que le jeu de Will Vinson est l’élément fédérateur indispensable pour que l’ensemble cet enregistrement kaléidoscopique soit homogène. A son habitude Will Vinson sait être savamment sinueux. Ainsi, il approche ses propres compositions toujours en équilibre entre un feeling chaleureux et l’abstraction formelle qu’il apprécie de construire. Sa finesse, tant dans l’expression que dans la composition, son lyrisme discret, lui permettent quel que soit le trio avec lequel il s’exprime d’exposer une ligne personnelle caractéristique qui le place parmi les altistes les plus intéressants de sa génération. Son sens de la retenue l’autorise en outre à se fondre dans le groupe qui l’accompagne de la façon la plus juste qui soit. Avec chaque pianiste présent sur le cd, il exécute des duos qui sont tous, sans exception, magnifiques de musicalité et démontre l’écoute attentive dont il fait preuve et toute l’étendue de son talent. Dans ce très beau disque où sont présentes de fortes personnalités musicales, du début à la fin, c’est avant tout chose la musique que l’on retient. Pari gagné.

Yves Dorison


https://www.willvinson.com


  JON BOUTELLIER . On both sides of the atlantic !

Gaya Music

Jon Boutellier : saxophone tenor
Alexander Claffy : contrebasse
Kyle Poole : batterie
Kirk Lightsey : piano
Celia Kameni : chant
Jean-Paul Estievenart : trompette

Élevé au jazz à Vienne, Jon Boutellier embrasse la cause d’un jazz classique depuis ses débuts en lui imposant sa relecture actuelle et personnelle. Ceux qui cherchent des références ne manqueront pas de noter que cet enregistrement peut évoquer aussi bien le Jazztet de Benny Golson ou les Jazz Messengers que Thad Jones et quelques autres dans cette lignée. Avec ou sans le piano tutélaire de Kirk Lightsey, les jeunes musiciens de ce disque impétueux démontre qu’une bonne connaissance des fondamentaux et une technique irréprochable ne représentent que peu de chose sans le plaisir de jouer. Et c’est bien par ce biais que Jon Boutellier et ses coreligionnaires font monter la sauce et emballent l’auditeur. Sur une playlist de connaisseur pointu, les musiciens occupent savamment l’espace et démontrent en toute occasion et avec autorité l’étendue de leurs qualités. L’on éprouve aucune lassitude à l’écoute de cet album plein de fraîcheur et d’enthousiasme qui met en avant une esthétique jazz encore et toujours très pertinente dans le fond comme dans la forme. Jon Boutellier et ses collègues portent haut l’étendard d’une musique aux couleurs élégantes, intelligente mais jamais chiante, et arrangée avec le brio de jeunes musiciens déjà parfaitement matures.

Yves Dorison


www.jonboutellier.com


  CARLA BLEY / ANDY SHEPPARD / STEVE SWALLOW . life goes on

Ecm

Carla Bley : piano
Andy Sheppard : saxophone
Steve Swallow : basse

Avec un trio 25 ans d’âge, que peut-il arriver à Carla Bley ? Rien. Juste l’occasion de faire une fois de plus un disque inspiré et inspirant où s’étale en long, en large et en travers, le talent illimité : le sien et ses particularismes inimitables, celui, soyeusement profond, de son compagnon, Steve Swallow et celui d’Andy Sheppard le mélodiste ultime qui n’est pas là pour tenir la chandelle. Les trois réunis semblent faire la nique au silence en posant autant de notes que de respirations. La musique louvoie dans cet espace incongru et s’épanouit paisiblement en marquant au passage les états d’âme de la compositrice qui aime à évoluer entre la facétie, le sarcasme et l’équanimité que procure une vie bien remplie. Les improvisations de chacun sont simplement naturelles : elles s’imposent comme des évidences dans le continuum mélodique de l’ensemble. Nous n’avons pas de mots pour les décrire correctement. Ce trio est un monde en soi d’équilibre, un monde qui fricote avec une forme de perfection belle à faire pleurer les musiciens qui en rêvent et les auditeurs trop sensibles, un monde musical qui laisse au temps tout son temps. Aussi actuelle qu’intemporelle la musique de Carla Bley, portée par ce trio de télépathes alchimiques, touche au sublime.

Yves Dorison


http://www.wattxtrawatt.com


  JOEY ALEXANDER . Warna

Verve Records

Joey Alexander : piano
Larry Grenadier : contrebasse
Kendrick Scott : batterie
Luisito Quintero : percussions

Pianiste prodige né en 2003 en Indonésie, Joey Alexander s’offre sur cet album une rythmique de luxe, Larry Grenadier et Kendrick Scott, auquel il ajoute le talentueux percussionniste vénézuélien, Luisito Quintero. Cela suffit amplement pour faire un bon disque de jazz. L’on note, et c’est toujours bluffant, que du haut de ses 16 ans, le jeune artiste possède déjà une maîtrise du clavier hallucinante ; que l’on apprécie ou non son style et l’univers musical dans lequel il évolue, force est de le constater. Il semble connaître l’idiome comme le fond de sa poche et se permet des audaces qui n’ont rien de juvéniles. Solidement soutenu par ses collègues, il offre à l’auditeur un jazz à la percussivité certaine, coloré et somme toute assez agréable à écouter. Également à l’aise sur les morceaux plus lents, il évite les poncifs, les excès de la jeunesse virtuose et démontre un réel savoir faire, notamment dans l’expressivité. Comme en sus il compose des pièces originales assez denses, l’on se dit, à tout le moins, qu’il a de l’avenir dans le métier ; à condition bien évidemment de ne pas se perdre en route dans les méandres infernaux du business. A suivre avec attention.

Yves Dorison


www.joeyalexander.com


  TOKU . In Paris

Jazz Eleven

Toku : Trompette, bugle, chant
Pierrick pedron : saxophone
Giovanni Mirabassi : piano
Laurent Vernerey : contrebasse
Thomas Bramerie : contrebasse
André Ceccarelli : batterie
Lukmil Perez : batterie

Invitée : Sarah Lancman : chant

Figure emblématique du jazz japonais, Toku s’exporte de plus en plus en Europe où il apprécie de tourner avec des pointures, pas des moindres, afin de délivrer sa vision classique du jazz. Trompettiste à la sonorité précise et chanteur inspiré au timbre profond et légèrement voilé, il défend une musique qui ne manque aucunement de nuances. Lyrique bien sûr, mélodique évidemment, Toku fait vivre ses compostions dans la mouvance bop avec un aplomb certain. Lui qui a fréquenté Kenny Barron, Ron Carter, Chris Cheek, Lew Soloff ou encore Philip Catherine a acquis une stature internationale sans faire de bruit, avec persévérance et bon goût. Parfaitement accompagné par deux rythmiques d’excellence, porté par la piano harmonieux de Giovanni Mirabassi, soutenu de manière épatante par le saxophone de Pierrick Pedron en tête de gondole, Le presque cinquantenaire japonais offre à qui voudra l’écouter un de ces disques de jazz que l’on pense avoir toujours eu dans la cédéthèque, un de ces disques américains plaisants des années cinquante et soixante, dans lequel se serait glisser en douceur une certaine contemporanéité.

Yves Dorison


http://toku-jazz.com


  JULIE CAMPICHE QUARTET . Onkalo

Meta Records

Julie Campiche : harpe et Fx
Léo Fumagalli : saxophone et Fx
Manu Hagmann : contrebasse et Fx
Clemens Kuratle : batterie et Fx

La jeune génération helvète aime l’aventure. Julie Campiche, harpiste sans frontière formée à Lyon et à Lausanne, au sein de son quartet, apprécie de naviguer entre les genres et fait du mariage entre l’électronique et l’acoustique une sorte de mantra au service d’un univers musical doté d’une forte personnalité. Dans un style assez unique, elle et ses acolytes font montre d’un lyrisme qui s’adapte à chaque climat parcouru dans cet album. Quelquefois intrigante et presque organique, leur musique côtoie la profondeur et ses zones d’ombres. A d’autres moments, exubérante, elle éclate en gerbes sonores denses et non dénuées d’obsession. Dramaturgique par essence, elle installe l’auditeur dans une forme douce de transe en clair obscur. Si la thématique du Cd aborde des sujets contemporains épineux, Julie Campiche se défend cependant de faire une œuvre politique. Elle préfère penser que sa musique est propice à la rêverie, au décrochage quant à l’instantanéité de notre temps. Nous sommes entièrement d’accord avec elle ! A écouter donc pour toutes les qualités évoquées ci-dessus entre les lignes

Yves Dorison


https://www.juliecampiche.com/fr/Quartet


  BRECKER BROTHERS . Live and unreleased

Leopard Records

Randy Brecker : Trompette & chant
Michael Brecker : saxophone tenor
Mark Gray : claviers
Barry Finnerty : guitare
Neil Jason : basse & chant
Richie Morales : batterie

Quitte à exhumer un enregistrement live des frères Brecker, autant faire ça bien. Mettez-nous donc un double Cd afin de dignement célébrer le son d’une époque ! Et paf dans les dents. Enregistré le 02 juillet 1980 à Hambourg au fameux Onkel Pô’s Carnegie Hall, le sextet n’y va pas par quatre chemins. A fond le funk et l’électronique aujourd’hui vintage. Plein d’une exubérance festive, le groupe fait chauffer le moteur, et ce n’est pas celui d’une mobylette… Les brecker occupent largement le devant de la scène, et notamment le regretté Michael dont le jeu de trompette caractéristique fait des merveilles dans cet univers dansant où ses notes claquent et tranchent dans le vif d’un groove obsédant. Bon, soyons honnêtes, son frangin ne laisse pas sa part aux chiens et en met quelques couches conséquentes. Si le guitariste a de belles opportunités qu’il sait saisir, les autres musiciens font le job avec application et supportent le tandem de Philadelphie sans faillir. Pas de problème donc. Pour nous si car quel que soient le brio, la virtuosité et l’engagement de l’ensemble, au bout de quelques morceaux, on se lasse un peu de cet univers. C’était déjà le cas à l’époque et cela n’a pas changé aujourd’hui. Mais les aficionados des frères Brecker trouveront là un très bel exemple, bien juteux, de cette musique qu’ils aiment. D’ailleurs, on n’en dit aucun mal.

Yves Dorison


http://randybrecker.com


  MARC BENHAM . Biotope

SteepleChase Records

Marc Benham : piano
John Hébert : contrebasse
Eric McPherson : batterie

Nous avions découvert le pianiste Marc Benham lors du duo Gonam City avec le trompettiste Quentin Ghomari, un enregistrement qui avait retenu toute notre attention. Un pianiste qui nous semblait sans limites techniques et surtout au savoir encyclopédique. Aujourd’hui c’est dans une formule si on ose dire plus classique et peut être encore plus risquée celle du trio piano, contrebasse, batterie, qu’il a choisi de s’exprimer, formule royale certes mais ultra rabâchée. Encore faut il trouver le frisson qui peut nous attirer et c’est toute la magie de la musique. Marc a profité de la venue de Fred Hersh à Paris pour convier sa rythmique à une séance d’enregistrement impromptue. La fraicheur des rencontres a cette particularité de nous proposer ce qui peut parfois ne pas s’expliquer, reprendre des standards est un pari ici rempli pour les raisons ci dessus évoquées. La liberté, l’humour certes mais aussi le sérieux dont fait preuve Marc n’est pas sans nous rappeler la science d’un Martial Solal, ou dans la conduite des phrases la filiation d’avec Lennie Tristano et comme il l’a lui même montrer dans un disque précédent sa capacité à se plonger dans l’histoire et de reprendre The Jitterburg waltz de Fats Waller lors d’un duo piano, batterie plein de verve avec Eric McPherson. Ainsi on peut dire que Marc a su incorporer dans son jeu le sens de l’histoire, de l’harmonie, une technique instrumentale exceptionnelle, une science rythmique sans faille mais tout cela au service du swing et de la musique et c’est essentiellement cela qui nous touche…

Pierre Gros


http://marcbenham.com/


  CLAUDE TCHAMITCHIAN . Poetic Power

Label Emouvance

Christophe Monniot  : saxophones
Claude Tchamitchian : compositions et contrebasse
Tom Rainey  : batterie

Le trio saxophone, contrebasse, batterie fait partie des formules classiques du jazz depuis au moins Sonny Rollins bien que l’on trouvât quelques prémices de la chose chez un saxophoniste comme Don Byas ou d’autres encore. Beaucoup s’y prêtent avec plus ou moins de bonheur et si nous devions rapprocher cet enregistrement d’un autre nous irions chercher pour l’esprit la Freedom Suite de Rollins ou Le magnifique Voyage de Paul Motian. Certes mais les musiciens à qui nous avons affaires ne sont nullement du genre à s’enfermer dans un modèle aussi pour décrire au plus près ce que l’on trouve ici nous dirons que nous nous rapprochons plus du coté passionnel et du feu de la latinité plutôt que des grands espaces glacés. Comme bien souvent chez Claude Tchamitchian la modalité donne ses couleurs aux compositions. Le coté transe y joue aussi un rôle primordial il est vrai accentué par un Christophe Moniot dont l’expressivité atteint pour nous quelques sommets et la batterie de Tom Rainey qui donne sa pleine mesure à l’interaction inhérent à une petite formation dont la force et la légèreté nous ravit d’écoutes en écoutes. Vous l’aurez compris un enregistrement hautement recommandable ce d’autant plus que la prise de son réalisé au studio de La Buissone est ici des plus remarquables.

Pierre Gros


http://tchamitchian.fr/


  ERLEND APNESETH . Fragmentarium

Hubro

Erlend Apneseth : violon Hardanger
Stein Urheim : guitare, bouzouki, électronique
Anja Lauvdal : piano, synthé, électronique
Hans Hulbaekmo : batterie, percussions, guimbarde, flûte
Fredrik Luhr Dietrichson : contrebasse
Ida Lovli Hiddle accordéon

Le violoniste Erlend Apneseth a réuni dans ce disque une équipe de rêve avec des cadors de la scène expérimentale norvégienne. Il leur a confié ses morceaux et ses idées en leur laissant la possibilité d’intervenir dans les arrangements et la liberté de s’exprimer en personne avec leurs talents particuliers, leur originalité. Le résultat de leurs efforts donne une musique étrange aux reflets médiévaux qui tendent vers un improbable futur. Alliage de sons, de sonorités contradictoires, presque antinomiques sur le papier, chaque thème joué et largement improvisé possède une texture qui lui est propre. Mais la force du collectif cimente un ensemble au final parfaitement homogène. Il arrive souvent dans ces chroniques que l’on parle d’ambiance et de climat. L’on ne manquera pas d’y faire référence ! C’est presque une marque de fabrique chez Hubro. On ajoutera cependant que cette musique nous a donné l’impression d’avoir des humeurs, qu’elle était au plus près des miasmes humains. Quoi qu’il en soit, indéfinissable par définition, c’est une musique qui ne laisse pas de marbre et qui demande une écoute renouvelée pour être pleinement appréciée.

Yves Dorison


http://erlendapneseth.com


  ODED TZUR . Here the dragon

Ecm

Oded Tzur : saxophone tenor
Nitai Hershkovits : piano
Petros Klampanis : contrebasse
Jonathan blake : batterie

Oded Tzur est un nouveau venu chez Ecm, mais il y a fort à parier qu’il y reste longtemps. Sa musique, marquée par l’enseignement du maître du bansuri, Hariprasad Chaurasia, est un éloge permanent de la mélodie. La chaleur et la fluidité du saxophone d’Oded Tzur la pare d’une douceur lyrique entièrement éprise d’introspection susceptible de s’ouvrir à plus d’expressivité d’un moment l’autre. Chaque musicien possède un discours aussi précieux que léger et une aptitude à faire résonner dans l’improvisation les échos subtils des compositions contemporaines de l’auteur. Il y a quelque chose de Charles Lloyd dans l’esprit du saxophoniste israélien et un climat à la chaleur méditerranéenne dans les arabesques lentes qu’il dessine avec ses condisciples. Il est d’ailleurs clair que ces quatre-là se sont véritablement trouvés et qu’il forme un quartet ayant un bel avenir. Espérons qu’ils ne nous feront pas mentir. En attendant, ce disque est une pépite à la délicatesse tout à fait apaisante. Il devrait par l’ensemble de ses qualités séduire un vaste public.

Yves Dorison


https://www.odedtzur.com


  LUDIVINE ISSAMBOURG . Tribute to Hubert Laws

Heavenly Sweetness - L’autre distribution

Ludivine Issambourg : Flûtes (ut, alto, basse)
Eric Legnini : Direction artistique et Fender Rhodes
Laurent Coulondre : Orgue Hammond, Clavinet
Julien Herné : Basse
Stéphane Huchard : Batterie
Christophe Chassol : Fender Rhodes( track 10)

Pourquoi faut-il que deux « airs » -appelons les ainsi- de la moitié de la décennie précédente résonnent encore dans nos oreilles sans véritable autre lien qu’un goût certain pour l’électro jazz, qui ont pour nom Luna et Gold junkies et pour auteurs, respectivement la flûtiste Ludivine Issambourg et la chanteuse (flûtiste aussi à l’occasion) Mélanie de Biasio.
Bref, c’est toujours ce double sentiment - déjà éprouvé avec Antiloops- de sons nouveaux venus d’ailleurs qui persiste avec le dernier enregistrement Outlaws de Ludivine Issambourg, pour l’occasion descendue de son vaisseau spatial, flûte à la main telle une héroïne sortie de la BD Valérian. Mais sons aussi venus d’un autre temps puisqu’il s’agit, en effet, d’un hommage au flûtiste américain des années 70 Hubert Laws, side man renommé (pop avec le groupe Earth, Wind And Fire, classique avec Bach, Debussy, jazz enfin aux côtés de Chick Corea, Herbie Hancock….) et inspirateur de toujours de notre flûtiste. Superbe hommage qui puise dans les enregistrements parus sur le label CTI pendant les années 70 et qui est à la fois l’occasion de réentendre le répertoire d’un musicien de talent et de mesurer la qualité de la relecture-comme on disait dans la même décennie - de la flûtiste. Il en va ainsi du premier titre Guatemala Connection qui donne le tempo mais il faudrait aussi citer les formidables I had a dream, Down river… Musique vivante qui fait basculer l’univers de Ludivine Issambourg de l’électro au funk tout naturellement. Avec une belle énergie, une conviction de tout instant, confortée par de superbes arrangements servis par des musiciens dont la subtilité contribue aussi largement à en faire un disque « coup de coeur ». Ces musiciens parmi les meilleurs ont pour nom Eric Legnini au Fender Rhodes, Laurent Coulondre à l’orgue Hammond, Julien Herné à la basse, Stéphane Huchard à la batterie et enfin Christophe Chassol au Fender Rhodes.
Ludivine Issambourg signe un superbe disque qu’on écoute sans modération !

Jean-Louis Libois


https://www.facebook.com/ludivineissambourg/


  PERRINE MANSUY - CHRISTOPHE LELOIL - PIERRE FENICHEL - FRED PASQUA . Les Quatre Vents

Perrine Mansuy : piano
Christophe Leloil : trompette
Pierre Fenichel : contrebasse
Fred Pasqua : batterie

Laborie Jazz

Respirer, se délier, se relier àl’essentie l : tout un programme ! C’est celui que se pourtant sont fixés la pianiste Perrine Mansuy et le trompettiste Christophe Leloil, habitués à jouer ensemble ainsi que le bassiste Pierre Fenichel et le batteur Fred Pasqua pour ce tout récent CD. A défaut d’être une oeuvre entièrement collective,une inspiration commune indéniablement parcourt l’ensemble des titres. Un même souffle les réunit et la complicité piano trompette fonctionne à merveille en parvenant à tisser subtilement une trame commune. Subtilement puisqu’en effet le parti pris du quartet est sinon l’intimisme ou le minimalisme du moins celui d’un certain impressionnisme. Eloge de la lumière autant que de l’air. Un parti pris qui vaut aussi pour les balais du batteur et pour les cordes du bassiste. Et dont les titres se référant à la lumière témoignent tout autant:Prima Luce, The Bright Suite, First Light on Muskoka. Elle dissipe ce qui pourrait être un certain flou artistique et est l’occasion de faire le point qui du piano, qui de la trompette. Equilibre savant au total entre le domaine de la rêverie et celui du mouvement et de l’énergie, entre l’écriture et l’improvisation. Dont témoigne de façon exemplaire la composition Libeccio. Contrastée, enlevée et imprévisible comme le vent corse qui lui donne son nom.
Il suffit de se laisser emporter.

Jean-Louis Libois

* Hommage à la poétesse anglo-française Renée Vivien très connue à son époque et très oubliée depuis (1877-1909) et à son poème Les quatre Vents ? Poème cité par Gaston Bachelard dans l’Air et les songes :“Laisse moi t’emporter vers les neiges” dit le vent du nord au rêveur tandis que le vent du sud lui propose : “ Laisse moi t’emporter vers le sud”.


http://www.perrinemansuy.com


  PIERRE DE BETHMAN TRIO . Essais / Volume 3

Label Alea

Pierre de Bethmann : piano, Fender rhodes
Sylvain Romano : contrebasse
Tony Rabeson : batterie

Infatigable, le pianiste Pierre de Bethmann enchaîne concerts et projets divers. Est paru ainsi au dernier trimestre 2019, un enregistrement Essais / Volume 3 qui fait suite –comme il se doit- à Essais / Volume/1 paru en 2015 auquel avait succédé Essais / Volume 2 en 2017. Le point commun , outre le titre : l’éclectisme du répertoire et le plaisir à composer avec, si l’on peut dire. De Gabriel Fauré à Herbie Hancok en passant par Charles Trenet à Serge Gainsbourg pour l’opus 1 ; de Maurice Ravel à Eric Dolphy via Laurent Voulzy pour le 2 et enfin un volume 3 inauguré par La cane de Jeanne de Brassens et conclu par I can’t help it de Stevie Wonder via Que sera sera (popularisé par Doris Day dans L’Homme qui en savait trop d’A.H) et Dark blue de John Scofield.
Ce goût pour l’éclectisme que certains, en français moderne traduisent, par cross-over n’est pas nouveau en soi mais tend à se généraliser dans le domaine du jazz. Panne d’inspiration des musiciens compositeurs ? Recherche d’une assise populaire élargie ? Ou bien encore véritable goût et curiosité pour les répertoires non pas cousins mais voisins ? Tout cela à la fois ou séparément, selon les cas plus certainement. Les standards ont été largement visités par les musiciens de jazz qui, à défaut d’en créer de nouveaux, se doivent de composer avec le répertoire de toutes les musiques confondues, y compris non occidentales. Le jazz se se dilue un peu, est-on tenté de penser, mélangé à toutes ces sources/sauces musicales. Le résultat, dans ce cas précis du trio de Pierre de Bethmann, n’en demeure pas moins convaincant et tout aussi plaisant à l’oreille. Sans excès mais sans retenue non plus, il rend clairement hommage, en faisant une large part au Fender Rhodes, à ces musiques venues d’ailleurs que du jazz et qu’on redécouvre sous un jour nouveau. L’ornementation doit aussi beaucoup à ses complices Sylvain Romano( contrebasse) et Tony Rabeson (batterie).

Jean-Louis Libois


http://pierredebethmann.fr/fr/


  ANGLE 10 9 . Today is better than tomorrow

Underflow records

Johan Berthling : contrebasse
Magnus Broo : trompette
Eirik Hegdal : saxophone baryton
Goran Kajfeš : cornet
Martin Küchen : saxophone alto, compositions
Kjell Nordeson : batterie
Mattias Ståhl : vibraphone
Andreas Werliin : batterie
Alexander Zethson : piano
Mats Äleklint : trombone

Nous avons tous les droits. Et notamment celui d’être à la bourre. Ce disque a paru le 25 décembre 2019 mais nous l’avons reçu un peu plus tard. Peu importe. Sorti sur un label grec qui est aussi un magasin de disque, une galerie d’art et un lieu de concert, voici donc un Cd enregistré en concert en deux endroits différents : le premier en 2013 avec un tentet en Autriche et le second avec un nonet en Hollande en 2018. En fait, il y a juste un batteur en moins, les autres musiciens sont identiques. Le groupe existe depuis 2007 et propose un jazz qu’il qualifie lui-même de silence mélodramatique expérimental teinté de rock et autres maladies hyper modernes. Sic. Et vous savez quoi ? Nous sommes d’accord avec eux. Leur musique est gentiment foutraque et par contre, il est difficile dans le faire rentrer dans une catégorie (ce qui, de notre part, est un compliment). Qu’ils soient neuf ou dix, ils ne manquent pas d’une belle énergie avec une tendance marquée pour l’obsessionnel à vertu mélodique. Cela pourrait peut-être s’assimiler aux « Social studies » de Dame Carla, mais dans une version bourrée de psychotropes plus ou moins mal dosés. Ceci dit, ils ont en commun avec elle tout un pays, la Suède. De bout en bout, ce disque est perclus d’inventivité. La sonorité des cuivre est d’un rauque qui gratte agréablement les os de l’auditeur, la rythmique cogne là où ça fait mal et l’ensemble aime à fréquenter l’excessif, quitte à frôler la sortie de route. Ah j’oubliais, nous avons trouvé cela presque joyeux et jamais ennuyeux.

Yves Dorison


https://underflowrecords.bandcamp.com/album/today-is-better-than-tomorrow


  OZMA . hyperlapse

Cristal Records

Stéphane Scharlé : batterie, compositions
Édouard Séro-Guillaume : guitare basse, claviers
Julien Soro : saxophone, claviers
Guillaume Nuss : trombone, fx
Tam de Villiers : guitare

Avec une musique jubilatoire, le groupe Ozma fait un disque dédié à dix villes qu’il a traversé durant une tournée en 2018. Ancré dans des sonorités résolument modernes, leur travail transcrit les émotions d’une vie de musicien sur la route. Comme toujours avec eux, les compositions sont tirées au cordeau et Stéphane Scharlé, seul compositeur en l’occurrence, ne manque pas d’idées. Néanmoins, la forme de fusion que prend leur musique dans ce nouvel opus ne nous a pas vraiment convaincus et, pour tout dire, nous restés à la porte. Non pas que ce ne soit pas parfaitement réalisé, non. Simplement, nous ne sommes pas entrés dedans. D’autres que nous le ferons certainement et avec raison. D’ailleurs ce sera amplement mérité pour ce groupe constitué de musiciens bourrés de qualités et toujours en recherche. Sur ce dernier point, c’est déjà assez rare pour être signalé.

Yves Dorison


http://www.ozma.fr


  ERROLL GARNER . Up in Erroll’s room

Mack Avenue Records

Erroll Garner : piano
Ike Isaacs : contrebasse
Jimmy Smith : batterie
Pepper Adams : saxophone baryton
Jerome Richardson : saxophone ténor, flute, flute piccolo
James Cleveland, Wayne J. Andre : trombone
Bernie Glow : trompette
Marvin Stamm : trompette, flugelhorn
Don Butterfield : tuba

Suite de l’entreprise de remastérisation et de réédition des disques du sieur Erroll Garner par Mack Avenue. Si le trio des deux sessions d’enregistrement nécessaire à ce disque diffère des disques précédents, il est accompagné en sus par un brass band de six soufflants au sein duquel on note la présence de Pepper Adams. Réalisé en novembre 1967, cet album pêchu est une ode à la musicalité. Rien moins. Certaines des standards abordés dans cette galette sont dans toutes les mémoires, notamment « Groovin’ high » et « The girl from Ipanema » ou encore un « Cheek to cheek » si dansant qu’il aurait en son temps pu faire gigoter un Alain Decaux ou deux. Notez aussi qu’en janvier dernier c’est l’album « That’s my kick » qui a été réédité. Aussi énergique qu’à l’habitude, Erroll Garner intègre à son trio (Milt Hilton à la contrebasse, Herbert Lovelle et George Jenkins à la batterie selon les titres) les percussionnistes José Mangual et Johnny Pachecco et les guitaristes Wally Richardson et Art Ryerson. Vous dire qu’on les connaissait serait mentir…


https://www.mackavenue.com/store/store-filtered-by-artist/erroll-garner


  RHODA SCOTT . Movin’blues

Sunset Records

Rhoda Scott : orgue Hammond
Thomas Derouineau : batterie

Un collègue nous disait il y a quelque temps avec un bémol dans la voix que Rhoda Scott faisait du Rhoda Scott. Allons donc ! Nous fûmes entièrement d’accord d’accord avec lui mais ajoutâmes illico qu’elle était (et est toujours) la seule à pouvoir le faire. Et c’est bien la raison pour laquelle elle officie encore et ce, depuis 1963. La dame aux pieds nus et à la mémoire musicale invraisemblable (plus de mille morceaux dans sa tête) poursuit donc sa route avec le même appétit que par le passé. Dans ce nouvel enregistrement, en duo avec le batteur Thomas Derouineau, la native du New Jersey fait donc ce qu’elle sait faire et nous livre une douzaine de titres parmi lesquels on retrouve des incontournables du great songbook. Un » Caravan » par ci, un « Honeysuckle Rose » par là, un « Come Sunday » et quelques autres titres dans la même veine suffisent amplement à démontrer qu’elle est toujours mue par ce swing joyeux et cette profondeur mystique qui l’on rendue célèbre de par le monde. Alors pourquoi se priver ? Je vous pose la question.

Yves Dorison


https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhoda_Scott


  ROBIN MCKELLE . Alterations

Doxie Records

Robin McKelle : chant
Nir Felder : guitare
Shedrick Mitchell : piano, claviers
Richie Goods : basse
Charles Haynes : batterie
Keith Loftis : saxophone
Marquis Hill : trompette

La puissance et l’expressivité de Robin McKelle au service de compositions toutes écrites par des musiciennes, telle est la matrice de cet album où elle est accompagnée par des musiciens à la mesure de son talent. C’est dans cet esprit qu’elle assure une autre vie à des thèmes bien connus. Elle le fait avec finesse et à propos dans un écrin musical à l’opulence certaine. C’est jazz, un peu plus qu’à l’habitude. C’est groovy le plus souvent avec ce qu’il faut de pulsation pour que votre jambe s’agite malgré vous. Cela demeure cependant plutôt feutré sans être totalement intime. Bien évidemment, c’est la voix éloquente et expérimentée de contralto de la chanteuse qui porte l’ensemble avec une belle énergie et un désir d’appropriation des thèmes notable. Malgré quelques petites exagérations musiciennes dans l’interprétation, le disque s’écoute sans déplaisir. Nous n’en ferons pas pour autant un disque de chevet, ce qui ne signifie pas qu’il faut l’éviter. Faites-vous donc votre propre idée.

Yves Dorison


http://robinmckelle.com


  RP3/REMI PANOSSIAN TRIO . In odd we trust

Add fiction / L’autre distribution

Rémi Panossian : piano
Maxime Delporte : contrebasse
Frédéric Petitprez : batterie

Avec ce cinquième album, le trio soudé de Rémi Panossian continue d’arpenter les routes qui font son succès à l’étranger depuis dix ans. Une bonne dose de groove, une énergie renouvelée et une capacité à se poser, le temps d’une ballade, sont des atouts évidents auxquels il faut ajouter un art consommé de la mélodie accrocheuse. Avec une base aussi solide, le trio peut tout se permettre et il ne s’en prive aucunement. Avec leur jazz d’aujourd’hui à l’esprit pop-rock, les trois musiciens explorent pertinemment les facettes du genre et s’attachent avec succès à surprendre l’auditeur. Inventifs et malicieux, ils n’ignorent pas pour autant la profondeur et une forme de lyrisme poétique très actuelle. Hybride donc, tonique et encline à fondre les références musicales en un bloc compact et renouvelé, la musique de RP3 s’écoute sans déplaisir aucun. Sérieux sans se prendre au sérieux, les trois trentenaires savent qui ils sont musicalement. Ils le démontrent avec brio et un goût marqué pour le second degré qui devrait suffire à leur assurer l’assentiment de tous.

Yves Dorison


https://www.remipanossian.com