Opéra Jazz par l’ONJ

Vendredi 11 janvier 2020

Après l’ONJ et l’ONJ des Jeunes, voici l’ONJ pour jeune public. Le projet en cours de Fred Maurin prend l’allure d’un nénuphar qui colonise sa mare, projet intergénérationnel, pédagogique, cultureux, exemplaire. Quelle bonne idée !! Ainsi que celle de revisiter l’histoire de Dracula en faisant coîter musique, texte, chant, danse ( on a échappé à la vidéo : ouf ). Avec ce soir : les comédiennes Manika Auxire-Dracula et Camille Constantin-Mina sont accompagnées par les musiciens-animaux-valets de Dracula Fanny Ménégoz flûte), Julien Soro saxophone alto et clarinette, Guillaume Christophel saxophone ténor et clarinette basse, Christelle Séry guitare électrique, Rafaël Koerner percussions, Raphaël Schwab contrebasse, Fabien Norbert trompette et bugle, Mathilde Fèvre au cor et Christiane Bopp trombone.

Les spectateurs s’installent, deux musiciennes sont déjà à l’ouvrage, la flûtiste et la guitariste, pour des broderies aériennojazzeuses. La salle du Dunois, dénuée de tout artifice : praticables, taps, rideaux.... paraît immense. Une coursive galope à mi-hauteur et c’est d’elle que Mina se présente à nous avec son sac à dos et sa quête. Il était une fois.... Elle chante aussi, accompagnée par un quartet formé furtivement : guitare, flûte, contrebasse et batterie. Sa voix ronde, pleine, on croirait Jeanne Moreau... Elle cherche sa mère, bat la campagne, traverse les forêts. Pendant ce temps, le nonet définitif s’est installé : flûte, sax et clarinettes à gauche, trombone, trompette, cor à droite, guitare, batterie et contrebasse au fond. Avec le public en façade, aucune échappatoire pour les comédiennes. Apparaît Dracula ; on dresse une table, nappe rouge, potage rouge, boisson rouge : « faut qu’ça saigne » aurait murmuré Boris Vian. Il raconte sa bio, Dracula, une valse l’accompagne. Aux lumières, une artiste fait des merveilles pour varier l’espace de la scène du focus sur les deux convives au largo panoramique.
On se dit : ah, fini les niaiseries de Pierre et le loup, enfin du saignant, du contemporain à sa place au milieu des éborgnés, des mutilés des mains, des fracassés du crâne et autre fracturé du larynx.
On se dit : opéra jazz. Parce que ça sonne comme dans un club dédié à la chose. On se dit aussi : opéra rock quand les lumières, les rythmes et les riffs se mêlent hardammant et que ça déchire sa race.
Quelques spectateurs sont mis à contribution, l’orchestre emmusique leurs propositions : des chevaux au galop, les crabes au fond de la Mer du Nord, un lion féroce dans la savane un poulpe à six pattes à 12 h 15. Il est question de la mort, de la vie éternelle ( ou pas ), d’amour impossible ( ou pas ). Parce que Dracula pique sa crise quand Mina lui demande à entendre « le bruit de votre coeur quand vous aimez  », elle doit fuir, il doit la retrouver. La tension s’exacerbe, la musique combuste sans jamais couvrir les propos des comédiennes à la diction épatante. Et puis, tout s’arrange : on prépare les noces, quelqu’un vêt Mina de sa robe blanche, ça sent le happy end... Et l’opportunité pour le nonet de donner à entendre sa puissance : son plein, rond, dense, unanime, unité-bloc du nonet, le standardissime Misty, magnifié par la trompette, un thème sublime à la manière des big band swing, le nonet transformé en choeur et avec les deux comédiennes en duo vocal, on croirait une comédie musicale. Petits et grands sont scotchés, penchés vers l’avant : attention totale. Il n’aura pas échappé aux plus grands que ce Dracula vampire incarne à merveille l’ultra-libéralisme macroniais de La République en Marché.
Les profs qui auront eu la bonne idée de faire vivre ce spectacle à leurs élèves ont des pistes de boulot pour le semestre. Le format, 55 mn, épatant pour un jeune public, donne envie de plus, encore plus, beaucoup plus. Allez, Maurin et Letouvet, au taf !! Encore !! Encore !!

Évidemment, cet opéra jazz ne serait pas possible sans :

Frédéric Maurin direction artistique, et composition
Grégoire Letouvet conception et composition
Julie Bertin conception et mise en scène
Yan Tassin collaboration artistique
Estelle Meyer et Milena Csergo textes
Louise Douet-Sinenberg scénographie et costumes
Gwladys Duthil assistante costumière
Guillaume Jay au son
Leslie Desvignes aux lumières.


Théâtre Le Dunois
7, rue Louise Weiss - 75013 Paris