Trois fois : Patrice Grente Daniel Givone Romain Baudoin

Musée des Beaux Arts de Caen
16 octobre 2020 20 h 00

Minimaliste est le maître mot de cette nouvelle édition tant par la forme choisie de solo que par les contraintes sanitaires réductrices d’espace et de public. Là encore, le projet avait établi d’emblée avec les responsables du musée des Beaux Arts de Caen qui accueille le festival, une forme itinérante des concerts. Un solo par salle avec une visite de l’exposition Les villes ardentes en sus. Non que le l’environnement pictural soit en adéquation avec la musique entendue puisqu’il s’agit de tableaux représentant les couches laborieuses de la fin du 19ème siècle mais ce dispositif place ainsi les musiciens devant le tableau de leur choix et les spectateurs au centre de l’exposition. L’écart est maximum et pourtant ce décalage est plutôt réjouissant pour l’œil tout en influençant l’écoute. Le jazz au travail peut-être ?

En tous cas ce premier solo largement motorisé avec l’archet du contrebassiste Patrice Grente a eu pour effet de recouvrir l’espace d’une nappe sonore intense et quasi univoque. Prestation électronique et pour le moins expérimentale. Les peintres en bâtiment du tableau d’Antan (tel est le nom de son auteur)qui voisinait ont dû vibrer sur leurs échelles, et tout comme le public être médusés. On peut retrouver le contrebassiste Patrice Grente dans un climat plus apaisé en compagnie de la chanteuse Bettie Jardin, du pianiste François Chesnel et du trompettiste Pierre Millet à l’occasion du récent CD Décorum.

Plus ouvertement jazzy, le guitariste Daniel Givone en dépit de ses fréquents séjours au Népal n’en a pas pour autant trouvé la sérénité, si on croit sa profession de foi inaugurale. Qu’importe, la musique est d’autant plus nerveuse et le musicien ,tout en retrouvant son passé de du trio familial manouche du même nom et les influences qui vont avec, sonne moderne. Plus précisément les airs populaires qu’il convoque, servent de support à son imagination improvisatrice et on peut ainsi mesurer dans ses entrelacements savants aussi bien qu’impromptus, la part de son invention au bras de sa guitare à sept cordes.

Au seul solo de jazz proprement dit succédait dans une troisième salle le joueur de vielle à roue Romain Baudoin. Voyage relatif dans l’espace mais voyage assuré dans le temps : là, pas de problème, l’instrument précède le siècle évoqué sur les cimaises. Et pourtant. Si on reconnait le son naturellement obtenu à partir de cet instrument familier du répertoire folklorique, c’est sans compter sur la régie portative électronique et son usage constant par un musicien très concentré. Il transporte son auditeur dans un univers musical inédit aussi bien qu’intemporel. Pas de répertoire non plus ici puisque c’est l’improvisation qui prime. Une vraie étrangeté !
Les trois coups frappés, place à la prochaine édition : Pan l’hiver, comme il se doit, aura lieu en décembre avec Hand Five et Pipon Garcia Trio 2.0… si le confinement n’en décide pas autrement.


Patrice Grente : contrebasse
Daniel Givone : guitare
Roman Baudoin : vielle à roue


Photographies copyright Lucie Thibert