dimanche 03 janvier 2021

Afin de coller au choix fait par le gouvernement inculte en place dans ce pays qui consiste grosso modo, grâce à la pandémie, à niquer la créativité sous toutes ses formes, et notamment celle du jazz, j’ai osé regarder le concert du nouvel an à Vienne, Autriche, sur la deuxième chaîne de la télévision française. Muti le Riccardo, un peu à l’étroit dans son joli costume de chef, dirigeait donc à la baguette l’orchestre philharmonique de Vienne depuis le fameux Musikverein, lieu symbolique et kitsch aux ors d’un autre espace temps. La salle était vide. Pas une tronche de cake endimanchée à zieuter, que des fleurs et des sièges orphelins des culs compassés qui d’habitude les satisfont rituellement une fois l’an sur les airs guillerets de la famille Strauss et paillettes et compagnie. Fort heureusement les danseuses et les danseurs quasi virtuels, éparpillés ci et là, dedans et dehors, le rictus souriant bien accroché aux lippes, n’avaient pas déserté l’annuel événement. C’eut été le drame absolu. Sans robes d’apparat et entrechats, jamais ne m’en serait remis… Mais ce qui fut bizarre dès le début, c’était une sorte de modernité étrange, inhabituelle, dans les sonorités de l’ensemble. J’ai pensé, le tout petit espace d’un tout petit instant, qu’une révolution était à l’œuvre (en marche, ce n’est pas ce qu’on fait de mieux par l’étang qui coule…). Il faut dire que je regardais la télé sur mon ordinateur et que, n’ayant pas stoppé l’écoute de In a Silent way sur le site d’à côté, il advint une singulière et intempestive création musicale, une collaboration inédite à faire baver n’importe quelle maison de disque, entre Johann Strauss le père et Miles Davis. Sur le coup, j’eus l’oreille qui légèrement dévissa. Mais une fois le premier étonnement passé, ce fut comme avec les choux de Bruxelles ou le foie de génisse, je m’habituai presque. J’écoutai cette nouvelle chose hybride quelques interminables minutes avant de conclure par et pour moi-même qu’il était vital de revenir de manière silencieuse à Miles et j’envoyai valser l’autrichien qui aboie car Caravan le dépasse. Et parce que je méfie des miracles dominicaux, ils sont à n’en pas douter douteux, je choisis in fine la réalité davisienne et m’en repus coincé entre Frelon brun, Go ahead John et Right off. Au dessert je pris une dose de Zimbawe, histoire de vérifier mes capacités digestives et sortis rasséréné : même s’il était encore et toujours impossible d’aller au concert, je pouvais encore écouter de la musique live (la dernière fois, c’était le 21 août 2020). Je ne savais si l’année débutait bien mais j’eus le vague pressentiment que les grincements d’avenir allaient s’amplifier, comme une vague à la Miles du côté d’Osaka en février 1975. Aussi incongru que cela puisse paraître, j’eus le sentiment de prendre contraint et forcé moi le Don Quichotte du dimanche sans Pancho, l’ascenseur pour l’échafaud, abandonnant sur les plateaux les moulins de mon cœur. Et merde Legrand, qu’est-ce que tu fous là ?