dimanche 02 mai 2021

Ce qui va suivre est encore dans le domaine du jazz et, de toute façon, du domaine des possibles, ce qui demeure la meilleure manière d’attester que la réalité d’aujourd’hui sera peut-être encore celles des semaines à venir. Le doute est un hommage rendu à l’espoir. Il a bien raison Lautréamont. Ceci dit, je me souviens qu’en mai, fais ce qu’il te plaît. Et il n’y a pas de mais qui tienne. Non mais. Et long may you run. D’ailleurs, si j’en crois le petit élyséen, le 19 mai de l’année en cours (à la saint Yves, veuillez noter) il se pourrait que je pusse aller au concert faire des photographies. Vite les clubs et autres salles, programmez-moi quelque chose de consistant. De bien éclairé aussi ; pour un retour aux affaires, je ne voudrais pas me retrouver dans la peau d’un galérien du clair-obscur jamais assez clair et toujours trop obscur, si voyez ce que je sous-entends. Telle est ma requête. Humble mais précise. Sauf que trois jours après l’annonce faite au peuple (pour Marie, voyez avec l’ange Gabriel en mars prochain), de site en site, je ne vois rien venir (pour Anne ma sœur Anne, relisez votre Perrault). Et cela m’agace… Je peste, je fulmine. L’impatience m’atteint. Je ronge mon frein. Je grince des dents. Et je m’inquiète. Aurai-je un putain de concert à me foutre devant les lentilles ce mercredi-là ? Aurai-je des musiciennes et des musiciens pour me chauffer le capteur ? Saint Pixel, priez pour moi. Saint Compact Flash, Saint plein format, Saint Iso, aussi. Depuis plus d’un an, je mesure le blues du photographe aux nombres de vestes qu’il prend (ce ne sont pas des blouses). Et comme tout le monde dans le champ artistique, je suis habillé pour plus d’un hiver. Mais j’ai ce virus : la déclenchite autofocus. C’est un variant de la vieille souche argenticus Tri X Pan. Son effet le plus marquant, c’est le déclenchement hasardeux de sourires intempestifs ; peuvent se produire également des étincelles dans les yeux et des bouffées de chaleur. Moi qui suis infecté, je vous assure que c’est pour une longue, longue, longue durée. Je pense même que c’est incurable et, ne vous en déplaise, je n’en mourrai pas pour autant, la vie est là pour ça, pas la javanaise. Bref, capter une expression sur un visage de jazz, improviser un portrait, s’occuper d’un détail anodin, faire un beau flou, cadrer au poil et trouver l’angle : que du bonheur qui attend encore. Je suis d’accord avec Balzac (assez rare) : l’espoir est une mémoire qui désire. A la sauce 24x36, je désire toutefois que ma carte mémoire ne vive pas que d’espoir et d’eau fraîche car même si mon appareil est étanche, je ne suis pas un risque-tout. Dans les faits, je veux photographier des jazz(wo)men. N’importe lesquels. Bix Beiderbecke, Paul Chambers, Lennie Tristano, qui vous voulez. Je ne suis pas difficile. Tiens, même Mehldau, Zorn et Keith Jarrett, je veux bien faire un effort. C’est vous dire si je crie famine et hurle avec les loups. Entre collègues, nous pourrions monter une chorale avec au moins 80-200 personnes. Enfin là, je tire un autre plan. Pas la comète.