Dimanche 09 mai 2021

Comment dire ? Et comment l’écrire ? J’ai beau croire qu’un jour, à l’aube des débuts du commencement, les moulins ont projeté dans le ciel les étoiles, il m’arrive d’être, entre deux soupirs, dubitatif. Je doute donc je suis. Imaginer ces grandes ailes en mouvement fouillant le sol et l’eau à la recherche de pépites à projeter au firmament, c’est un luxe de paresseux ou le fait d’une âme perdue, ou encore la réalité du chroniqueur jazzeux interrogeant sans trêve Internet dans le but toujours problématique de trouver un concert à écouter et photographier. Alors en ce dimanche 09 mai, 1er jour de grande pompe pour Claude Piéplu (1923) et dernier jour explosif pour Ulrike Meinhof (1976), j’écoute un disque sorti en 1999, une galette pur swing, d’Herb Ellis car ce gars-là, en toute occasion il m’apaise. Il est accompagné par deux Marty : Ballou à la contrebasse et Richards à la batterie. Inconnus. Le quatrième larron se nomme Terry Holmes et le dernier, celui dont la présence peut sembler incongrue dans cet environnement musical s’appelle Duke Robillard. Vous en bouche-je un coin ? Le bluesy Duke possède donc des talents cachés et un goût sûr. Dans cet album où l’insulaire Ellis déroule en souplesse, Robillard joue avec les bandes. Complémentaires et, à l’oreille, heureux de la rencontre, ils ne font rien de confondant ni de saisissant. Ce n’est pas incomparable et moins encore miraculeux. Je conviens toutefois (un mot que j’affectionne) et sans me forcer que cette musique est exemplaire de swing souriant. Si un auditeur ne bat pas la mesure avec son pied en l’écoutant, il est cul-de-jatte ou sourd. Un drame, au minimum. Je reviens à mon propos initial car je m’aperçois soudain que le Robillard Flesh and blood du blues aime bien l’Herb du jazz, tendance pater groovy : les couleurs de l’ailleurs s’attirent. Je viens de trouver ma réponse. C’est un disque dominical rosbif haricots verts avec un petit coup de Beaujolais village. Du simple oui, mais une valeur sûre pour échanger et rire entre vieux amis. Ce genre d’album possède une odeur de salle à manger, un goût de salade de fruits et de café coincé dans les volutes du tabac. Il a la chaleur tiède et rassurante. C’est aussi vrai qu’un buisson de genet en fleur au printemps. Les notes se passent comme le sel et le pain. C’est du partage sensible, la représentation d’une conversation humaine privilégiée, éloignée des errements de la foule et des incompréhensions qu’elle engendre. Les rythmes utilisés sont les métaphores d’une pompe à vivre, ils irriguent en profondeur, bien en dessous du derme. Ils propulsent les mélodies et elles se répandent, se glissent et se lovent dans l’intérieur du vivant, jusqu’au bout des ongles (les ronger, c’est bon pour les rats). C’est très flesh and blood, finalement. Herb Robillard et Duke Ellis ne font qu’un. Maintenant, la vaisselle attend qu’on la fasse et demain c’est lundi.


DUKE ROBILLARD & HERB ELLIS . Conversations in swing guitar

Stony Plain Records

Duke Robillard : guitare (à droite)
Herb Ellis : guitare (à gauche)
Terry Holmes : guitare rythmique
Marty Ballou : contrebasse
Marty Richards : batterie


Post Scriptum

Curtis Fuller a laché son trombone le 08 mai dernier. Je n’ai pas vu un article dans la presse. Est-ce normal ?