Lundi 15 novembre 2021

« Quand j’entends le mot métissage, je me méfie ». Dixit Jean Buzelin, illustre collaborateur de Culture Jazz. Il n’est pas le seul. Venant de chroniquer un disque agglomérant plusieurs musiques méditerranéennes, je n’ai pas senti qu’elles se mélangeaient au point de se fondre les unes dans les autres, quitte à s’annuler ou presque. J’ai par contre perçu que leur combinaison éveillait en moi un sentiment de nouveauté musicale, de création, qui n’affadissait en rien les identités multiples se côtoyant dans cette rencontre. De fait, si le métissage existe, c’est dans la tête d’esprits obtus sur de leur supériorité culturelle (et plus si affinité) sur telle ou telle autre partie du monde. Quant au jazz, si je ne m’abuse, il n’est pas sorti de la côte d’Adam ou de la cuisse de Jupiter ou du café de la place. Il est juste un des résultats d’une traite négrière organisée par chez nous au temps passé par des peuples qui s’étaient bien emmêlé, et pas que les pinceaux. Subséquemment, il est difficile de lui attribuer un lieu de naissance précisément défini. Sachant qu’en outre ses créateurs présumés avaient, eux aussi, pratiqué l’arrangement biologique entre individus de tout horizon (contraints ou non, soit-dit en passant), a priori dans le sud des actuels États-Unis, il est manifestement « bâtard » comme disent si joliment les tenants de la pureté. Chez nous, Hugues Panassié fut à son époque le chantre d’un jazz qui n’était finalement que le sien et celui de quelques affidés. Vian le contradicteur et ses amis lui faisaient face et prêchaient pour une autre paroisse, si je puis me permettre. Tous deux étaient dans l’erreur. Sous quelque angle que l’on aborde le sujet, dès qu’il y a une chapelle, toute forme de vérité palpable disparaît. Écouter Tony Malaby et Paco De Lucia, Kenny Burrell et le Vienna art orchestra, Solal et Ella, Giuffre et Nat King Cole, démontre auditivement que la vérité est ailleurs, ici et là, si tant est qu’elle existe, je vous laisse le choix. Et comme il est entendu que le métis est, je cite, « moitié d’une chose, moitié d’une autre  » et que les deux parties prenantes, en amont, sont potentiellement et/ou historiquement croisés porte et fenêtre, je vous pose la question : qu’est-ce qu’un disque pur jazz ? La somme d’un tout pur et exempt de toute trace d’accouplement défaillant ? A ce rythme, certains croient peut-être que le jazz est de droit divin (qui divin dit perte de repères et approximation). Au mieux, le jazz est tout au plus un pur bâtard et c’est déjà beaucoup. Trop pour les uns, pas assez pour les autres. Et moi qui peste contre les programmations jazz qui mélangent les genres, je m’irrite uniquement contre le but lucratif avilissant mis en œuvre par les tenants du cordon de la bourse qui son maîtres en jazz comme je le suis en point de croix ou en canevas. Pour faire court, j’aime la bâtardise du jazz car elle le rend unique dans son expressivité multiple et illimitée, celle-là même capable de déstabiliser les esprits étroits, nombrilistes médiocres, béotiens à la va comme j’te pousse et tutti quanti. En ces temps troubles où la démocrature pointe le bout de sa connerie, c’est une chance d’avoir du jazz dans tout ses états, que cela plaisent ou non. « And the rest is silence  » comme disait le William d’outre-Manche.