| 00- RUDRESH MAHANTHAPPA’S HERO TRIO . Animal crossing- OUI !
| 01- SØREN KRISTIANSEN & THOMAS FONNESBÆK . The touch : plays the music of OP & NHØP
| 02- KIT DOWNES . Vermillion
| 03- HEALING ORCHESTRA . Free jazz for the people- OUI !


  RUDRESH MAHANTHAPPA’S HERO TRIO . Animal crossing

Whirlwind Recordings

Rudresh Mahanthappa : saxophone
François Moutin : contrebasse
Rudy Royston : batterie

E.P - Sortie numérique uniquement

Drôle de titre. Animal Crossing fait référence à un jeu vidéo très prisé durant le confinement et le saxophoniste, qui est aussi un père de famille, a eu vent du réconfort par la connexion que ce jeu a apporté à bien des personnes isolées durant cette période. Si le premier morceau est une relecture du thème du jeu vidéo, les trois titres suivants viennent des répertoires de Pat Metheny, Chuck Mangione et George Michael. Éclectique. Ce que font les trois protagonistes de ces musiques n’appartient néanmoins qu’à eux car, dans ce trio époustouflant, c’est l’énergie créatrice qui repousse les limites et transcende les compositions. La plasticité virtuose du saxophoniste s’exprime pleinement, remarquablement soutenue par la puissance du contrebassiste et le jeu véritablement pulsatile du batteur. A l’écoute, l’on est tenu en haleine par la dynamique du trio et la présence qu’il impose. Qu’elle s’exprime dans l’urgence ou la lenteur, elle dénote d’une cohésion entre les musiciens qui fait plaisir à entendre. Tout paraît simple, évident, et l’on oublierait presque qu’ils ne jouent pas des originaux bien que ces derniers soient tout de même reconnaissables. En un mot : réjouissant. Et si l’on doit apporter un bémol à cet enregistrement très haut de gamme, c’est sa brièveté et la frustration qu’elle engendre. En attendant plus, vous pourrez toujours vous tourner vers le premier disque du trio, sorti en 2020, dans lequel le saxophoniste indien reprend certains thèmes des musiciens qui l’ont aidé à construire son propre jeu.

Yves Dorison


rudreshm.com


  SØREN KRISTIANSEN AND THOMAS FONNESBÆK . The touch : plays the music of OP & NHØP

Storyville Records

Søren Kristiansen : piano
Thomas Fonnesbæk : contrebasse

Nous qui avons découvert le jazz avec Oscar Peterson et par ricochet avec Niels Henning Ørsted Pedersen qui l’a accompagné (il y a longtemps), nous n’allions pas bouder ce disque ou deux disciples prennent le risque de se frotter aux répertoires respectifs de deux des géants du jazz mainstream. Les tatillons diront que ces deux musiciens étaient plus des interprètes que des compositeurs. De fait, Peterson a peu composé mais l’on doit admettre que ses thèmes proposent des mélodies qui restent bien dans le crâne, si je peux me permettre. Et il en va de même du danois plus rapide que son ombre dont la discographie personnelle est nourrie des compositions elles aussi parfaitement mélodiques. Et nous le savons, ce qui valide dans la durée une composition, c’est sa mélodie, l’assemblage magique de quelques notes qui se démarque et s’impose. Or donc, dans cet enregistrement, si nous connaissions bien Thomas Fonnesbæk, il n’en allait de même du pianiste. Rassurez-vous, il tient la dragée haute à son collègue et l’entente clairement perceptible entre eux deux fait de leur collaboration une incontestable réussite. Ils ont en outre, sur les 88 touches comme sur les quatre cordes, ce truc qui fait la différence et qui donne son titre à l’album, cette « touch » qui donne ce groove si particulier que possédaient en partage Peterson et Ørsted Pedersen et dont on profite régulièrement et sans honte encore aujourd’hui. Il nous a souvent semblé en écoutant Kristiansen et Fonnesbæk que les fantômes existent bel et bien. Est-ce un signe ?

Yves Dorison


https://storyvillerecords.com/


  KIT DOWNES . Vermillion

Ecm

Kit Downes : piano
Petter Eldh : contrebasse
James Maddren : batterie

Dans ce nouvel album en trio du pianiste anglais tout n’est que cisèlement et concision. Chaque pièce apparaît travaillée par un orfèvre, un artiste à la patience d’émailleur, et l’aboutissement de chacune prend la forme d’un objet d’art précieux. Les musiciens s’inscrivent dans la lignée des trios postmodernes où la liberté d’être soi se construit en regard des autres dans une gestion de l’interaction auditive qui cimente leur expression musicale. Souplesse rythmique et soli délicat sont au rendez-vous, lueurs percussives insoupçonnées et assonances singulières aussi ; l’ensemble élabore une sorte d’aérosphère musicale au service d’un propos touffu qui aime à échapper aux linéarités convenues pour me se réinventer sur le fil de l’improvisation. Si l’on se réfère à la couleur du titre (et pourquoi pas ?), ce disque ne situe pas dans l’éclat formel de la couleur mais plus dans les nuances qui vont de l’orangé au rouge. Quoi qu’il en soit, Kit Downes et ses complices savent user d’une théâtralité discrète et efficace construisant un univers musical propice à la libération de l’imaginaire des auditeurs attentifs.

Yves Dorison


https://www.kitdownes.com/


  HEALING ORCHESTRA . Free Jazz for the People

LFDS Records

Paul Wacrenier : direction, composition, piano, vibraphone
Sylvain Kassap : clarinette, clarinette basse
Fanny Ménégoz : flûtes, chant
Sarah Colomb : violon
Xavier Bornens : trompette
Léo Jeannet : trompette
Arnaud Sacase : saxophone alto
Jean-François Petitjean : saxophone ténor
Jon Vicuna : saxophone baryton
Victor Aubert : contrebasse (the fraternity suite)
Blaise Chevalier : contrebasse
Mauro Basilio : violoncelle
Benoit Raffin : batterie
Sven Clerx : percussions

Ne nous mentons pas ! Nous aimons ce double album qui renoue avec un genre assez ignoré de nos jours : le grand ensemble free dans la grande tradition du workshop de Mingus ou du Liberation Music Orchestra, la liste n’est pas exhaustive. Furieusement sympathique, le groupe traverse les temps passés pour mieux prendre à bras le corps les temps présents. L’écriture est ciselée et la part d’improvisation grande ouverte sur l’exploration. Les musiciens plongent dans les courants du jazz jusqu’à l’avant-garde, avec une implication non feinte tout comme ils s’ébattent dans les chants de lutte et d’espoir. C’est donc autour d’un engagement humaniste que la musique du groupe se déploie, tour à tour explosive ou intime. Les sonorités massives tournoient dans un chaos organisé et c’est assez jouissif. En profondeur et à la surface l’expressionnisme emprunte des chemins détournés, avance et louvoie, sans se départir de ses fondations. Ici, l’on gratte jusqu’à l’os entre deux silences et ailleurs on récupère un swing parfait ne tardant pas à subir les débordements exaltés d’un free jazz pétillant. Un disque spontané à ne pas manquer.

Yves Dorison


http://www.paulwacrenier.com/