L’orage vient de s’arrêter quand Manu Guerrero entre sur la scène du Teatro Sucre à Cuenca, Equateur. Dans le centre historique, le théâtre, un peu vieillot, est beau, comme le piano installé, seul, au milieu de la scène. Dans la salle le public est venu nombreux pour le spectacle.

Manu Guerrero est un pianiste franco-péruvien né à Toulon. Très jeune, il a accompagné les têtes d’affiche de la chanson française : Michel Sardou, Jean-Jacques Goldman ou Céline Dion. Ce moment passé, il se tourne définitivement vers le jazz qu’il n’avait jamais perdu de vue. La pandémie le surprend dans son petit appartement parisien. Il se pose la question de son avenir comme musicien. Après quelques semaines de réflexion et surtout de réécoute de disques qui provoquent un sursaut, il réalise que c’est bien comme musicien pianiste de jazz qu’il veut continuer dans le monde d’après, même si ce n’est pas la voie la plus sécurisante financièrement. Il décide de retourner à Toulon et de se remettre à étudier les fondements du piano jazz. Il s’inscrit à des master class en ligne avec Chick Corea, Herbie Hancock, Fred Hersh, Kenny Werner et Aaron Parks. Il s’impose une discipline de fer car dit-il, il a une tendance à la procrastination. « Je travaillais cinq à six heures par jour, j’avais installé des tableaux aux murs avec les emplois du temps. » Ses maîtres : Monk, Chick Corea, Herbie Hancock, Fred Hersch ou Brad Mehldau. Il veut s’inspirer de leur philosophie de l’improvisation mais pour créer une musique à sa manière. Deux ans de ce régime lui ont permis d’améliorer sa technique et sa connaissance du jazz. « J’ai franchi une étape ! »

Manu Guerrero est à Cuenca, au milieu d’une tournée « piano solo » à travers les Alliances françaises d’Equateur : 5 concerts en 10 jours de voyage. Dans ce théâtre, le temps semble suspendu et le public attentif. Le concert commence par une improvisation totale, ce qu’a particulièrement travaillé le pianiste sur le modèle d’un Keith Jarett ou d’un Brad Mehldau en partant, sans plan préconçu, sur une note ou un accord. Puis, il interprète une série de standards toujours à sa manière, ce soir-là, Monk et Chick Corea. Son interprétation est libre et personnelle mais on reconnaît au gré des morceaux, le phrasé de Monk ou la syncope du second. Dédiée au Consul du Pérou, Il va jouer “Fresia”, une de ses compositions, tirée de son disque Nuevo mundo et inspirée par sa grand-mère péruvienne. Il s’agit d’un thème qui mêle subtilement jazz et valse péruvienne. Puis, on reconnait Armando’s rhumba. Manu Guerrero estime que Chick Corea est moins cité que Bill Evans ou Hancock dans les influences des pianistes actuels alors que c’est pour lui une grande source d’inspiration. Il a même fait une tournée l’été dernier en quartet : « Hommage à Chick Corea ». Pour le rappel, c’est « La nadita » d’Atahualpa Yupanqui qui terminera cette grande soirée. Mais, aucun folklore dans l’interprétation, seulement l’hommage à la musique du guitariste argentin. « J’adore Atahualpa, je l’ai redécouvert pendant la pandémie et j’aimerais mener un projet autour de sa musique ».

Marc Criado : texte
Kan : photographie


www.manuguerrero.com