1er juillet 2022

Du côté de l’abbaye de Puypéroux (16190), on sniffe le jazz le cul sur le foin ; c’est le Respire Jazz Festival, c’est écologique, les produits sont locaux, c’est convivial et les bénévoles sont légion. En ce 1er juillet qui vit par le passé les princes du royaume élire (désigner) Hugues Capet roi de France (987), mais qui vit également naître Diana Spencer (1961, savait-elle déjà qu’elle allait finir le nez contre le béton parisien ?), je m’assis face à la scène champêtre pour écouter/voir Over The Hills, projet de Bruno Tocanne et Bernard Santacruz autour d’Escalator Over The Hill, grand œuvre de Madame Bley et disque culte que, comme la majorité des disques cultes, plus personne n’écoute. Et je ne parle pas de ceux qui ignorent tout du triple album hormis le titre et de la pléiade d’artistes emblématiques qui laissèrent une trace sur l’enregistrement… Environ quatre années après sa création et avec une équipe légèrement remaniée afin de suppléer à la défection de la pianiste et au décès brutal de Jean Aussanaire, les deux leaders et leurs acolytes firent résonner dans la verdure charentaise leur vision exploratoire de l’opéra, une sorte de théogonie athéiste où les dieux sous acide s’échappent de l’hôtel sans payer la note, devant un public qui adhéra pleinement ou non, la programmation du lieu étant d’habitude plus consensuelle. L’aventure n’en demeura pas moins belle et je compris que le bébé du bébé de Carla grandissait bien. Je constatai qu’il était toujours aussi foutraque et niché entre les ombres et les cris (mais sa prédestination l’oblige un peu, n’est-ce pas), qu’il ne marchait pas au pas et moins encore pas à pas, qu’il clamait ses désirs et son affliction, ses extases et sa désespérance avec la vigueur de l’éternelle jeunesse, vivant donc son futur un pied dans le souvenir et l’autre prêt à botter le cul des conventions comme de sa passagère époque. Les musiciens qui le représentèrent sur scène surent le faire vivre dans sa contemporanéité avec des partis-pris redoutables d’efficacité et de poésie sans néanmoins méconnaître l’original ; un subtil équilibre qu’ils rendirent possible par leur clairvoyance, leur ingéniosité et leur inventivité : en peu de mots, leur talent. Ceci écrit, et pour tout dire, je m’étonnai que ce concert dense fût donné en début de soirée à l’heure où la lumière du jour défaille quand celle des projecteurs est encore inopérante. Un écrin nocturne m’eut nettement plus comblé car, en sus, Agathe Iracema, nonobstant son talent inné, ne me convainquit qu’à moitié, notamment par la forme de nonchaloir qu’elle affecta, quelle que soit la valeur évidente de ses accompagnateurs qui tinrent avec assurance et bon goût sur son assise l’édifice. D’autres que moi prirent du plaisir à l’écouter et je n’y vis aucun inconvénient, bien au contraire, car comme on dit « tous les goûts sont dans la nature ». Et la nature est bien faite, surtout au Respire Jazz où l’on s’évertue à ne pas la déranger, ce qui est louable.


Bruno Tocanne : batterie
Bernard Santacruz : contrebasse & basse
Sophia Domancich : piano
Rémi Gaudillat & Fred Roudet : trompette & bugle
Olivier Thémines : clarinette basse
Jean Cohen : saxophone ténor
Alain Blesing : guitare


https://www.respirejazzfestival.com/