Grâce à l’horaire-16h un samedi après-midi- qui tombe pile poil entre la fin des Feux de l’amour et le retour à l’EHPAD (18h), le public est venu pour cet extraordinaire duo : Christophe Monniot, sax alto et sopranino et Didier Ithursarry accordéon, dans le cadre du festival Au Sud du Nord, festival cousin de la Hestejada de las Arts d’Uzeste musical et qui s’acharne, année après année à promouvoir, faire vivre et faire goûter la culture plurielle en Essonne.
S’il fallait retenir un seul morceau de ce concert, ce serait Passion, écrit par Tony Murena, qu’ils interprètent dans une version d’anthologie donc inouïe. Et qui rend évidente l’extraordinaire liberté dont ils font preuve : le thème ultra connu disparaît sous leurs variations extravagantes, les défis à l’harmonie qu’ils remportent allègrement (cette longue phrase au sax qui débute à des années lumière de la grille harmonique pour la retrouver par un chemin de traverse qu’aucun topo-guide ne peut décrire) et le solo d’accordéon d’une limpidité et d’une clarté éblouissantes. C’est tout simplement beau à pleurer et à ranger à côté de La valse pour Alex, autre valse sublime du même duo enregistrée en une seule prise sur le CD MIR.
Mais avant, parce qu’il y a un avant, il y a eu ce premier morceau à l’intro au sopranino a capella, d’abord tendre puis d’une hallucinante virtuosité : Moniot n’est pas venu pour faire de la figuration, lui c’est à donf tout de suite. Et on perçoit vite que les rôles sont clairement répartis : Ithursary s’occupe de la base, des fondamentaux ( et pas que... ) et Moniot des volutes sublimes.
Dédé (compo d’Ithursary) confirme que Moniot joue sans aucune retenue, la poignée dans le coin, les regrets il ne connaît pas, ne veut pas en entendre parler donc il donne tout et Ithursary prend sa suite pour un solo dans un mood plus sombre.
Une pièce dédiée à Bernstein (West Side Story) vaudra un CD à la gagnante de la question (un seul CD à gagner, les deux lascars font savoir que, devant changer de voiture, les autres CD sont à vendre) et à nous, une impro à l’alto qu’aucun algorithme ne pourra jamais copier. On goûte les mouvements entre exubérance et retenue, flamboyance et humilité. Sans penser un instant à la somme de travail nécessaire pour afficher une telle aisance, une telle facilité. Une danse basque, une pièce sans titre puis une habanera : aucun des deux ne s’est cassé la gueule pour excès de vitesse. On les rappelle, ils osent La foule de Piaf. Autant dire que n’importe quel standard revisité par ces deux lascars devient un chef d’œuvre à même de faire oublier l’original. Est-il raisonnable de rêver d’une guinguette où ils viendraient faire entendre les plus patrimoniaux des morceaux du répertoire du bord de l’eau et les plus osées des pièces contemporaines ? Rêvons, rêvons.


3 septembre 2022
Festival Au Sud du Nord
Salle G. Brassens
91760 Itteville