Un big band fort de quatorze musiciens à l’Atelier du Plateau, lieu à la jauge intimiste, c’est aussi rare et gonflé que les trente-cinq musiciens d’UMLYWOOD ORCHESTRA à la Générale, il y a quelques années. Donc quatorze musiciens installés en cercles concentriques au centre du lieu : à la guitare et à la direction Paul JARRET entouré de Fabiana STRIFFLER violon, Maëlle DESBROSSE alto, Bruno DUCRET violoncelle, Alexandre PERROT et Étienne RENARD contrebasse, de Fabien BELLEFONTAINE et Fanny METEIER tuba, Jules BOITTIN trombone, Hector LENA-SCHROLL trompette, Élodie PASQUIER clarinette basse, Maxence RAVELOMANANTSOA sax ténor, sans oublier deux instruments rares : l’harmonium avec Thibault GOMEZ et un nyckelharpa ténor avec Éléonore BILLY.
Concert acoustique ni binaural ni stéréo mais acoustique de partout et qui commence sans qu’on s’en aperçoive parce que les musiciens glissent imperceptiblement d’un moment pour s’accorder à l’intro a capella de l’alto en mode échauffement avant le bal folk. Alto rejoint par le violon puis les autres, sans se presser, en prenant tout le temps nécessaire et en suivant une courte ligne mélodique répétitive, comme une comptine ressassée et jamais oubliée, le son qui enfle comme une houle surgie du fond de la baie, les deux tubas poussent, poussent puis la houle reflue, s’efface, disparaît. Silence.
Nous sommes en pleine découverte du son d’un orchestre acoustique préoccupé de ce qu’il produit : son filé, étriqué, épaissi, son tressé, son dodu, enflé, grumeleux, râpeux, fondant comme un beurre tiédi, son vibrant, vibré, ténu. Inépuisables nuances.
Le violon file son son, son ténu, son de rouet, on a le temps de le disséquer, d’en explorer l’anatomie ; l’entrée du tuba et de la trompette ne le dérangent pas et tous se fondent dans cet unisson. De très légères dissonances l’épaississent, le son vrombit comme une ruche aux abeilles stakhanovistes et un brin de polyphonie mélodieuse repose nos ouïes. L’harmonium balbutie, réitère, fouine, s’acharne. Légère évocation de l’inoubliable Persian Surgery Dervishes, le temps passe et dure et s’étire comme un fil de chewing-gum ; s’installe une scansion aux cordes et au tuba, la guitare place un air tout simple au-dessus de la nappe des cordes, un air répété, répété, répété. C’est beau, intense, inattendu, surprenant. Pas sûr que cette musique subjugue les fous de techno et ici, à cet instant, humains stressés, pressés, impatients, passez votre chemin !!
Le public est libre de vagabonder à sa guise : bande-son d’une toile abstraite, disons une variation sur le jaune livrée à sa libre exploration-interprétation, conte où l’harmonium raconte sa version, augmentée de celle de la guitare, avec le choeur qui envoûte et la chute morale : "non, les enfants, pas ça !!"
Un morceau ouvert par les contrebasses, tubas, trombone et clarinette nous plonge dans la noirceur d’une nuée orageuse, enflée jusqu’au bout du ciel, son gonflé, densifié, énormes masses sonores avant que l’harmonium ne résolve la tension du moment et que la guitare ne mélodise. Un dernier sursaut de l’orage qui s’efface avec le trio des grosses voix retenues des contrebasses et du cello.
Une pièce construite autour des variations du tempo, un hommage à l’impermanence des choses de la vie ? secoue nos habitudes d’un beat stable, homogène et durable avant une pièce conclusive minimaliste, simple, autour d’une phrase de neuf notes répétée à l’envie.
Il convient de saluer l’extrême humilité de chacun-e, occupé-e à co-tisser et non à déchirer la toile commune, tout au long de cette première Avant-première ( la seconde demain, la Première en octobre prochain ).
On les rappelle bien sûr.


https://atelierduplateau.org/
Atelier du Plateau
Rue du Plateau, 75020 PARIS