Le quartier de Lyon Perrache est un morceau de voyage à lui tout seul. Entre le va-et-vient des trains et celui des bagnoles roulant sur l’autoroute du Sud à vive allure, il y a ce petit Club à l’aspect de bouchon lyonnais vu de l’extérieur. Il s’y ébauche de la musique innovante et/ou du Jazz, dans les différentes plongées que s’autorise ce sous-marin, lorsqu’il laisse émerger son Périscope, un tantinet voyeur en temps de guerre froide.
Nous n’y rentrons pas innocemment puisque cet effort de présence s’accompagne d’une intention bien réelle d’écouter ce soir-là le Trio SAN composé de Satoko Fujii (piano), Taiko Saito (vibraphone) et Yuko Oshima (batterie).

L’entrée en matière se répartit sur une déambulation méthodiquement échelonnée. L’axe triangulaire place sa concentration, avant que ne viennent se déposer les parties robustes où se joueront des mises en perspectives promptes à prendre des initiatives intentionnellement, propices à l’épanouissement de la triade. Le piano, le vibraphone, la batterie ne sont pas épargnés par la rigueur et la précision avec lesquels ils se retrouvent mis à l’épreuve. Cet ascenseur imaginaire de trois étages s’enroule dans les maillons d’une chaine purement inspirée par sa contemporanéité, habilement entrainée par une sorte de maitrise décomplexée. Parfois il y a du feu dans la pièce par des emportements malgré tout contenus où elles s’évitent tout risque d’empiétements de piétinements inappropriés. Les impressions auditives les conduisent à la sensation tactile, vers quelque chose à l’esprit froissé de plus granuleux ou à l’inverse pincé à la surface lisse. Une possibilité de converser volontairement avec son instrument, d’y tracer des formes du doigt, de la main, de l’archet, des figures sonores à la manière d’un jeu comme s’il s’agissait d’un bloc de pâte. Une attitude d’auto-observation mutuelle participe à se convaincre de la dimension du volume intermittent irrégulier où se déploie du bruissement écrasé, rapetissé, pour finalement rejoindre la transition suivante.

À la toute fin en guise de rappel elles entonnent un chant de ralliement, dans lequel elles semblent fêter la victoire du combat ancestral incessant, aux frontières des servitudes vouées à l’art vocal par cette émancipation patrimoniale.
Moment d’une exceptionnelle richesse qui nous place en présence d’un contenu à mi-chemin de l’objectif et du subjectif avec la texture esquissée au plus profond des notes dont le pouvoir s’empare de nous. Louis-Ferdinand Céline ne disait pas autre chose à ce sujet : "Quatre notes lumineuses, c’est le don de courage, des forces d’espérance que le talent donne à ceux qui ne savent pas...qui ne sont pas assez joyeux, assez croyants, assez sincères, assez forts...pour être heureux."


Le Périscope
13, rue Delandine
69002 Lyon


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