recension de trois concerts en deux jours à Jazz Campus en Clunisois
Lunid 19 août 2024
Hirsute
Anne Quillier : piano composition
Damien Sabatier : saxophone
Pierre Horckmans : clarinette
Michel Molines : contrebasse
Guillaume Bertrand : batterie
Le quintet d’Anne Quillier qui propulse le projet Hirsute ébouriffe (c’est marqué dans le titre) le spectateur. La complexité opime des compositions saute aux yeux de prime abord, puis vient l’alliage des timbres, les dialogues multiples autour de mélodies oscillant de la fureur à quelques intervalles apaisés, assez rares tout de même, et une place non négligeable ouverte aux soli. Ce ne fut pas une surprise pour moi qui suit le travail de la pianiste depuis presque une décennie. Je notai cependant plusieurs dérapages quasi free qui titillèrent avec bonheur mes pavillons. Quant aux saynètes additionnées qui composent le projet, elles furent agitées par une forme de compulsion musicale assez farouche qui ne me laissa qu’une place restreinte pour respirer ; une façon de dire que la densité peut avoir des effets pervers allant du coruscant à l’étouffant, du lyrisme chaotique à la douce péripétie. Je le répète, il eut été utile que j’alimentasse en air mes poumons avant ; je m’en aperçus tardivement, pris par le maelstrom musical catapulté dans le théâtre. Fut-ce désagréable pour autant ? Non. Ce fut même à bien des moments assez jouissif. En ce 19 août, jour qui vit naître quelques milliards d’individus depuis que le monde est monde, notamment Madame Du Barry (1743-1793) qui finit raccourcie d’une tête, une évidence demeura : l’univers éminemment personnel de la pianiste ne tolère pas les compromis et il est bon de le signaler car l’originalité est à ce prix ; elle ne court d’ailleurs plus vraiment les rues celle-là.
Mardi 20 août 2024
Adèle Viret Quartet
Adèle Viret : violoncelle
Oscar Viret : trompette
Wajdi Riahi : piano
Pierre Hurty : batterie
Une soirée et deux concerts au lieu d’un, histoire de changer la donne ? D’un côté la jeunesse du quartet d’Adèle Viret, de l’autre l’expérience des trois protagonistes du trio Les Jours Rallongent.
Avec une instrumentation atypique le jeune quartet qui débuta la soirée emmena les auditeurs dans un univers relativement chambriste, bien ancré dans la mélodie et bien construit. Souvent débutés dans la douceur, les titres eurent une tendance à l’enthousiasme sonore plutôt récurrente. Chacun des musiciens put livrer des soli de belle facture au bon moment, histoire de démontrer la cohérence d’un projet qui, selon les dires de la leader, tournait autour du thème de l’eau. J’avoue volontiers ne pas avoir saisi le lien entre ce que j’écoutai et l’évocation aquatile ; j’entends par là que mes ouïes firent preuve de réticence ou d’incompétence, allez savoir. Toujours est-il que je trouvai l’ensemble un peu trop sage à mon goût et n’adhérai que modérément à ces petites fugues exécutées avec un talent certain mais qui ne réussirent pas à capter mon attention sur le moment. Comme en sus au premier rang le son du violoncelle était auditivement reçu avec une réelle faiblesse, cela ne me permit pas de profiter pleinement des finesses de jeu de l’instrumentiste, ce qui est contrariant, n’est-ce pas ? J’attendis donc la suite.
Les Jours Rallongent
Christiane Bopp : trombone, voix
Denis Charolles : batterie
Sophia Domancich : piano
Après le 15 août il est coutumier d’entendre dire que ce n’est plus l’été. Mais avec ce trio, les jours rallongent, du moins le pensent-ils. Ce que je constatai dès les premières notes de leur concert fut une élévation substantielle du niveau de jeu. Avec leurs trois entités clairement définies et une hauteur de vue unique, le trio sut développer un interplay alchimique qui me baigna dans un de ces bonheurs auditifs tels que je les affectionne. En matière d’équilibre, ces trois funambules firent de leurs créativités réunies un exemple réussi de maîtrise absolue du discours musical. Évidemment imaginatifs, astucieux, intelligents et subtils, ils peignirent des miniatures mélodiques ouvertes qui, même dans le moment improvisé, étaient compréhensibles, abouties avant d’être achevées, au point que je me demandai s’ils n’étaient pas les jouets de leur propre aventure complice, de simples passeurs (c’est déjà beaucoup) d’un univers dense et perceptible dans son entièreté au creux de l’instant créatif. Christiane Bopp, Denis Charolles et Sophia Domancich procurèrent à l’auditoire une vision lumineuse de l’expression jazz, avec une maestria faite d’habileté et de fantaisie, de savoir-faire souverain et d’inspiration couplée à une stupéfiante ingéniosité. En trois mots : un moment précieux. C’était un 20 août, jour où naquit Salvatore Quasimodo (1901-1968), poète transalpin majeur du vingtième siècle qu’on ne lit pas assez de ce côté des Alpes. Mais il n’est jamais trop tard ; commencez donc par le début !
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