Le trio Courtois Erdmann Fincker, Néon et Unfolding de Maria Laura Baccarini et François Merville
Jeudi 22 août 2024
Vincent Courtois : violoncelle
Daniel Erdmann : saxophone ténor
Robin Fincker : saxophone ténor, clarinette
Vincent Courtois, Daniel Erdmann et Robin Fincker jouent ensemble depuis une douzaine d’années et cela s’entend dès les premières notes. C’est un trio d’affranchis, bien timbrés dans les médiums, qui ne se refusent rien. Ils tissent de projet en projet un univers marqué par l’originalité et l’amour des jazz et autres musiques connexes. Merde ! En moins de sept lignes j’ai tout dit ou presque… En ce 235ème jour de l’année bissextile en cours qui vit disparaître Fragonard (1732-1806) et naître Debussy (1862-1918), les trois complices étaient de retour à Jazz Campus pour présenter « Lines for Lions », leur dernière création même pas encore enregistrée. Oui, ces trois-là peuvent se permettre de jouer avant même de sortir le disque. J’entends déjà les jaloux dirent : « et pourquoi eux et pourquoi pas nous ? La réponse est simple. Il ne suffit pas d’être au sommet de son art, il faut avoir des idées. Et chez eux, les idées sont grandes et consubstantielles à leurs créations. Cela permit donc aux spectateurs du Théâtre des Arts d’écouter un must musical de notre époque (loin, très loin du tout venant). Les trois électrons se parlèrent avec les yeux, échangèrent avec les notes, se nourrirent de leur liberté première, sonnèrent et résonnèrent autour de ce concept jazz West Coast à la cool, un son et une ambiance, à la base de ce nouveau répertoire et du titre de Gerry Mulligan indiqué plus haut (j’aime bien la version enregistrée en 1974 au Carnegie Hall avec Chet). L’intention ne faisant pas le larron, elle ne fut que fugacement évoquée car ils laissèrent, comme à l’habitude, une large place à la triple créativité qui les caractérise, tout comme à l’énergie foncière qui leur est propre. Deux rappels furent requis avant que le public acceptât de les laisser filer. À l’ouest, qui sait ? Peut-être trouveraient-ils de quoi s’y amuser. Et ne me demandez pas pourquoi je pense au titre d’Ellington « I’m gonna go fishin » interprété par Mulligan et son Concert Jazz Band (1960, Verve).
Vendredi 23 août 2024
Néon
Mathias Lévy : violon, composition
Camille Maussion : saxophone
Pierre Tereygeol : guitare, voix, composition
Eric Perez : batterie, sampler, human bass
Unfolding
Maria-Laura Baccarini : chant
Bruno Ruder : piano
Bruno Ducret : violoncelle
François Merville : batterie
En ce 23 août 2024 qui vit disparaître la passionaria rouge Catherine Ribeiro (1941-2024) et naître le fabuleux Martial Solal (1927-), il y eut deux concerts au Théâtre des Arts de Cluny. Le premier avec le quartet nommé Néon, le second, Unfolding, un autre quatuor dont le projet centré sur des faits divers, dont les victimes sont féminines, extraits de textes écrits par la dramaturge Dorothée Zumstein (1969-), fut porté par la voix de Maria-Laura Baccarini. Accompagnée brillamment par deux Bruno, un Ruder au piano et un Ducret au violoncelle, avec François Merville derrière ses fûts, la chanteuse déploya un art vocal chaleureux, nuancé et précis, partie d’un tout musical particulièrement abouti qui fit l’unanimité dans la salle. Ayant pris soin d’expliquer au public les trois histoires chantées en anglais, elle permit à tous de profiter pleinement du travail artistique accompli par le quartet. Je notai avant toute chose que les rouages du projet, malgré sa jeunesse, étaient bien huilés et qu’à aucun moment l’évocation de ces histoires douloureuses de femmes broyées, jetées en pâture au reste du monde par un emballement médiatique aussi sordide que vénal, ne fut fade, bien au contraire. Ce fut conséquemment un moment musical privilégié achevant une soirée que j’avais débuté pour le moins dubitatif avec le quartet Néon. Les concernant, je ne dirai rien de particulier si ce n’est que leur univers me resta hermétique. Que voulez-vous, on ne gagne pas à tous les coups et ils n’y sont pour rien. C’est juste votre serviteur qui resta, malgré ses efforts, à la fenêtre, incapable d’entrer dans leur maelstrom sonore. Une autre fois peut-être.