Créer une musique originale n’est pas simple. Marthe Lea fait ça mieux que bien.
Mercredi 16 octobre 2024
Marthe Lea : saxophone ténor, flûtes, piano, voix
Andreas Røysum : clarinette
Hans Kjorstad : violon
Egil Kalman : contrebasse, électronique
Andreas Wildhagen : batterie
De retour au lyonnais Périscope pour une nouvelle saison ayant débuté sans moi, comme d’habitude, je fus heureux de découvrir les norvégiens du Marthe Lea Band, un beau quintet aux timbres multiples et à l’originalité flagrante. Mais de nos jours, c’est souvent le monde du jazz (et des musiques improvisées) septentrional qui me réserve les plus belles surprises auditives. Leur recette est la confrontation entre le mélange d’idiomes musicaux dissemblables et leur propre personnalité. Au premier rang, je constatai que le moins que je pusse dire, c’est qu’ils firent preuve d’une insolente maîtrise. Leur excellence instrumentale et l’ingéniosité compositionnelle de la (principalement) saxophoniste et leader donnèrent à ouïr aux spectateurs présents une musique plus souvent joyeuse qu’apaisée et nourrie d’une énergie salvatrice. En mêlant des thèmes folkloriques (norvégiens ou imaginaires, je ne sais) à des influences africaines, le tout savamment saupoudré de free, cet étrange club des cinq nordique déroula son répertoire et sa patente fraîcheur d’une seule traite et personne n’y trouva à redire, bien au contraire, tant les enchainements furent logiques. La rugosité saxophonesque très expressive de Marthe Lea (avec une once de Dewey Redman et d’Albert Ayler ici et là) fut un de ces petits bonheurs que l’on déguste sourire aux lèvres. Ses comparses étant tout aussi habités qu’elle par la musique, l’ensemble fut d’une impérieuse sincérité et la réponse du public fut à la hauteur de la démonstration. Je notai également, dès l’entame du concert, qu’il existe encore des artistes qui viennent sur scène sans partitions, eux en l’occurrence, et qu’ils portent chaque ligne tracée avec une spontanéité soleilleuse aujourd’hui presque insolite, voire anachronique. Et cela me fit le plus grand bien. C’était un 16 octobre, jour où, en 1793, la viennoise de naissance et néanmoins reine de France Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine vit son destin terrestre singulièrement raccourci par une guillotine révolutionnaire bien affûtée. Et bien qu’on dise que « quand on n’a pas de tête, on a des jambes » elle ne s’enfuit pas pour autant et finit, comme son Louis XVI de mari, dans un cercueil la tête entre les jambes et recouverte de chaux. Marthe Lea n’était pas aux funérailles, elle n’était pas née, moi non plus d’ailleurs.