Micah Thomas est l’une des nouvelles pépites du jazz new-yorkais. Je suis allé vérifier ces dires au Crescent, à Mâcon.
Samedi 19 octobre 2024
Micah Thomas : piano
Dean Torrey : contrebasse
Kayvon Gordon : batterie
De retour au mâconnais Crescent pour une nouvelle saison ayant débuté sans moi, comme d’habitude. Indécrottable je suis, indécrottable je reste. Qu’étais-je donc allé faire dans ce beau club à la convivialité enjouée ? Alors voilà, presque à la fin du premier quart de ce siècle bordélique, Micah Thomas et ses deux acolytes sont un trio piano/contrebasse/batterie qui fait du jazz d’aujourd’hui en s’appuyant sur des références anciennes pour mieux leur péter la tronche et les reconstruire à leur manière. Je ne dis pas réinventer car ils ont une approche très actuelle de ces mu-siques de l’autre siècle, que ce soit sur le plan harmonique ou sur la gestion de l’interplay qui est plus qu’étendue, voire généralisée jusqu’au possible ultime dans l’ensemble des titres qu’ils jouèrent sur scène, exception faite du rappel plus proche d’un post hard bop très lisible. Dans son jeu très intuitif, le pianiste a retenu de Monk la percussion, de Paul Bley une propension à l’abstraction exploratoire ; pour le reste il se montra suffisamment doué pour faire sa propre cuisine, triturer les accords, hacher les lignes et être, somme toute, assez économe de ses notes et doté d’une maturité précoce vu son jeune âge. Avec le contrebassiste (qui, sur un morceau plus expérimental, nous gratifia d’un solo à l’archet dont je pourrais parler aussi longtemps qu’il me sembla durer…), et le batteur, ils mirent en place un univers polyrythmique plutôt dense et globalement aqueux, flottant même, qui séduisit le public par son équilibre et sa justesse. A l’écoute de cette musique souvent magnétique mais rarement mélodieuse stricto sensu, j’eus quelquefois l’impression d’être enclos entre deux traditions, celle d’un jazz connu et d’un autre plus cérébral que le trio s’ingénia à lier pour mieux les dépasser. Était-ce original ? Je me questionnai sur le sujet et n’obtint pas de réponse univoque. Singulier peut-être. Novateur ? Pas autant que je l’eusse espéré. S’il fut évident que ces trois musiciens étaient maîtres de leur discours musical (avec les cursus qu’ils ont suivis, le contraire serait étonnant), ils eurent du mal à m’embarquer avec eux dans leur continuité discontinue, malgré une musicalité affirmée, fruit d’une esthétique élaborée par une indéniable recherche formelle. C’est ainsi. Je ne gagne pas à tous les coups et avoue volontiers qu’ils n’y furent pour rien. C’était un 19 octobre, jour qui vit trépasser Don Cherry (1936-1995), dont le cornet de poche m’émeut toujours autant, ou encore Jacqueline Du Pré (1945-1987) qui, comme son nom l’indique était anglaise, et pour finir Thomas Browne (1605-1682) qui eut, lui, l’audace de naître et mourir le même jour. Savez-vous que ce bougre d’auteur londonien (que l’on considère aujourd’hui comme le Montaigne anglais) inventa le mot electricity traduit chez nous par électricité ?