Le pianiste Manuel Rocheman et l’harmoniciste Olivier Ker Ourio entretiennent une belle complicité depuis longtemps. Ils ont ravi le public du 7 de Jazz à Saint-Pair-sur-Mer. Nous y étions.
Finie la chape de grisaille imposée par un anticyclone d’automne avare en lumière. C’est au clair de la lune presque pleine que nous nous rendons à Saint-Pair-sur-Mer pour le second concert de la saison 2 du 7 de Jazz.
Sept concerts au rythme d’un par mois de septembre à avril s’installent dans la discothèque du Casino. Les chaises envhahissent le dance-floor, en grand nombre car ces soirées connaissent un franc succès en affichant complet à tous les coups ! Une réussite à souligner.
Cette fois, c’est un duo piano-harmonica qui est à l’affiche. Pas n’importe quel duo ! Au piano, Manuel Rocheman et à l’harmonica Olivier Ker Ourio, deux musiciens de renom qui se sont trouvés il y a belle lurette autour d’une référence commune : le disque Affinity du pianiste américain Bill Evans et de l’harmoniciste belge Toots Thielemans enregistré en 1978. En conséquence, ils se plaisent à intituler leur duo Affinities/Affinités.
Les deux musiciens ont en commun une grande connaissance des codes et de l’esprit du jazz, cette manière joyeuse, joueuse et intrépide de s’emparer de mélodies issues de divers registres, standards du jazz ou de la chanson française, pour leur donner une nouvelle vie dans les couleurs de leur duo insolite. Il y a une vraie complicité (bien plus que de simples affinités) dans leur manière de réveiller une chanson de Paul Simon (I Do It for Your Love, qui ouvrait d’ailleurs l’album de Evans-Thielemans), de faire fredonner dans les têtes Syracuse la Javanaise ou Sous le ciel de Paris.
Qu’on ne voie pas là une volonté de séduire l’auditoire car il n’y a jamais de facilité dans la manière dont fonctionne leur duo. La routine, ce n’est pas leur truc !
Évidemment, on perçoit la filiation tant de fois évoquée qui fait de Manuel Rocheman un digne héritier du style de Martial Solal. On retrouve cette manière de jouer en séquences contrastées, brisures rythmiques et mélodiques, comme ces mesures de stride qui viennent bousculer un cheminement "à la Bill Evans". Aujourd’hui, comme nombre de grands musiciens, Manuel Rocheman s’est forgé son propre style en se nourrissant de l’héritage des maîtres.
Il en va de même pour Olivier Ker Ourio qui a grandi avec les musiques de la Réunion, puis s’est nourri des styles créés par les grands harmonicistes du jazz, Toots Thielemans en tête... mais pas que. Ainsi, cet hommage au saxophoniste Wayne Shorter à travers une belle interprétation de Aung San Suu Kyi (en référence à la femme politique birmane), composition qui figurait dans l’album 1+1 du duo Wayne Shorter-Herbie Hancock en 1979.
Tout au long des deux généreux sets offerts par les deux compères, l’attention de l’auditoire n’a pas faibli, preuve que ce duo a offert un beau moment de musique partagée. Difficile pour eux de quitter le petit bout de scène du club sous des applaudissements aussi fournis... Nouveau rappel avec un standard généreusement offert de tout cœur (Body and Soul me semble-t-il...) pour conclure ce beau concert. Du jazz, tout simplement, sans tambours ni trompette mais avec une âme.
Olivier Ker Ourio : harmonica chromatique
Manuel Rocheman : piano
Le 7 de Jazz,
Casino de Saint-Pair-sur-Mer (Manche),
Jeudi 13 novembre 2024 - 20h30