26 mars 2025

John Scofield : guitare
Bill Stewart : batterie
Vicente Archer : contrebasse

Le New Morning, salle mythique du jazz parisien, faisait salle comble la semaine dernière pour accueillir le non moins mythique John Scofield. Le guitariste américain monte sur scène avec un sourire taquin, accompagné du batteur Bill Stewart et du contrebassiste Vicente Archer. D’un naturel déconcertant, il emmène brillamment le trio dans un premier morceau ; l’acoustique de la salle est exceptionnelle, et les musiciens en profitent pour livrer avec passion des airs pénétrants. Les harmonies, les sonorités propres aux trois instruments sont utilisées à fond pour proposer un mariage fascinant. Vicente Archer se lance le premier dans un solo impeccable, précis, intelligent, et reçu avec enthousiasme par le public : si les musiciens sont manifestement heureux d’être là, l’audience ne l’est pas moins, en témoignent les marches d’escaliers sur lesquelles je suis assise, et qui résonnent du rythme marqué à l’unisson par mes voisins. Le batteur, très décontracté, s’affaire, l’air de pas y toucher, et épouse savamment les lignes mélodiques que construisent ses comparses. Son premier solo tire à son tour un sourire aux deux autres musiciens. Tous trois rivalisent de finesse dans leur jeu, et l’on ne sait où regarder, tant chacun impressionne : chaque musicien sait aussi bien se démarquer au moment opportun que se fondre dans une formidable et libre union du rythme et de la mélodie.

John Scofield prend le temps d’adresser quelques mots au public et annonce quelques morceaux, « oubliés et retrouvés », qui seront présentés au cours de la soirée, à commencer par Yawn (Bâillement), ballade audacieuse durant laquelle le guitariste s’abandonne à quelques licks impressionnants. Si le public se fait discret, ce n’est pas par indifférence : il s’enivre des délicates notes que tire le contrebassiste du bout de l’index. Un regard complice, un sourire d’intelligence et les voilà de nouveau unis. Un véritable rugissement jaillit du public ravi à la fin de ce morceau où s’est exprimée une certaine tendresse, où sont devenues évidentes la maîtrise et la profonde compréhension qu’ont les musiciens de leurs instruments respectifs. Des morceaux aux tempos plus soutenus se succèdent, et avec eux les preuves de la virtuosité du trio, dans des compositions originales ou des reprises, notamment de Miles Davis, avec qui le guitariste a eu une collaboration durable et féconde.

Bill Stewart est phénoménal. La salle est transportée par une énergie particulière, fait l’expérience précieuse d’un instant de poésie et de joie partagée. John Scofield sait exactement où il va et s’amuse, joue avec les harmonies ; il fredonne une ligne, compte : quelques secondes suffisent pour qu’une idée esquissée, à peine audible du public soit transformée en un moment d’invention où technique et musicalité trouvent un équilibre juste et chantant. Jusqu’aux derniers morceaux, l’on apprécie la combinaison des différents genres déployés par le guitariste qui puise notamment dans les sonorités du blues et du swing, et dont le toucher subtil laisse transparaître une sensibilité et une douceur hors pair.


https://www.johnscofield.com/
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