Thierry Maillard et Yoann Schmidt présentent un premier album imprégné du bouillonnement parisien.
Mercredi 4 juin 2025
Thierry Maillard : claviériste
Yoann Schmidt : batteur
A Montmartre, prendre une petite ruelle, à peine décentrée de la butte, suffit parfois pour s’extraire du flot continu des touristes. A l’angle de l’une de ces rues, le bar « Chez Clint » accueille trois fois par semaine les amateurs de musique en tous genres. Quelques guitares accrochées au mur font le pendant des ardoises ; près de l’entrée, dans les courants d’air vespéraux, désormais adoucis, sont entreposés les instruments des musiciens. Le quartier montmartrois, creuset artistique et musical historique, semble particulièrement bien choisi pour présenter un premier album intitulé « Paris », d’autant plus pour le duo Avenue Wagram, nommé d’après une des artères principales du quartier des Batignolles. Peu à peu, le public s’installe dans une ambiance décontractée : on a d’abord l’impression de faire intrusion au milieu de ces habitués du quartier et des amoureux du jazz qui semblent se connaître de longue date. Puis la conversation se lie, discrètement les musiciens s’installent, font quelques essais pendant que des gourmands font une dernière descente au buffet. Les sonorités électroniques qui s’élèvent rappellent Air, tant par l’association entre multipad électronique et batterie traditionnelle que par la reverb et la rondeur du son de Thierry Maillard. Chaque proposition est solide, aussi cool que la veste multicolore du claviériste, à l’aise, faisant ses réglages entre deux développements de thèmes. Les musiciens s’amusent, les changements de signature soudains amènent une délectable succession de séquences polyrythmiques. Ombre (ténue) au tableau : les percussions ont tendance à recouvrir les claviers, les frappes de Yoann Schmidt, qui s’en donne à cœur joie sur son set, étant amplifiées par l’acoustique. Une chose est sûre : cela fait du bien de retrouver enfin, après une trop longue période d’examen, l’ambiance des concerts, avec des musiciens ingénieux et au talent évident. Un miroir, placé, m’ouvre un angle avantageux sur les mains de Thierry Maillard. Orgue, cloches, saxophone… le mélange des couleurs et des sonorités donne parfois l’impression de plonger dans un film futuriste des années 70. C’est généralement le scintillement de la batterie qui nous en sort : le batteur a un jeu fin, personnel, précis et contrasté. Entre les deux sets, le public fait ses retours au duo, le patron vante sa terre natale et sa charcuterie corse, raconte l’histoire du bar qu’il a repris quelques mois auparavant. Plusieurs photographes circulent parmi nous, capturant l’éphémère des conversations, le plaisir partagé, les liens tissés… Les voisins sont à la fenêtre, et l’on se croirait un instant sorti du réel quand reprennent les mélodies éthérées. L’avouerai-je ? Je me débats honteusement avec une tranche de jambon corse - délicieuse par ailleurs - quand la deuxième partie, plus fougueuse, est amorcée. Les ajustements ont été faits, et les deux musiciens, dont manifestement l’un des mérites est de savoir écouter les retours du public, donnent libre cours à leur fantaisie pour construire une atmosphère nouvelle. Les basses se révèlent, les harmonies s’étoffent, et le dernier morceau nous offre un savoureux solo de batterie. Quand le claviériste le rejoint, c’est avec une basse continue que l’on croirait écrite par Pink Floyd, une mélodie digne des meilleures scènes de discothèques mises en musique par François de Roubaix (d’ailleurs lui aussi installé dans le 17e arrondissement pendant sa trop courte mais prolifique carrière…).