Le pianiste Sultan Stevenson, prince héritier de la scène jazz londonienne, parcourt l’Europe et fait une escale à Paris.
Vendredi 20 juin
Sultan Stevenson : piano
Jacob Gryn : contrebasse
Joel Waters : batterie
Dans le légendaire club du « Duc des Lombards », devenu refuge contre la chaleur assommante, quoique déjà vespérale, trois jeunes musiciens venus de Londres traversent la salle parisienne, décontractés. Emmené par Sultan Stevenson, le trio britannique marque de nouveau un bref arrêt en France, cette fois-ci au cours de sa tournée européenne qui suit la sortie de son second album, « El Roi ». Sans innover outre mesure, il livre un jeu personnel, frais et inventif ; les trois musiciens ont beaucoup de charme, jouent avec sincérité et simplicité. Blagueur, le pianiste présente avec candeur ses albums, mais aussi ses chapeaux, dont le design révèle la créativité joueuse que l’on retrouve dans sa musique. Inversement, si ma vue est partiellement bloquée, je n’ai pas besoin de le voir entièrement pour apprécier le jeu de Jacob Gryn quand il lance un morceau plus mystérieux : après Unspeakable Happiness, To be seen est une occasion de profiter pendant quelques instants de l’élégance du contrebassiste. Deux titres qui laissent transparaître une certaine tendresse, une douceur vers laquelle tendent Sultan Stevenson et ses acolytes. Au-dessus d’un jeu quelque peu brumeux de Joel Waters, un piano délicat, aux sonorités proches de celles d’Ahmad Jamal, révèle l’une des influences majeures du trio, leur attachement à la culture jazz dont ils héritent et qu’ils s’approprient. Ils explorent par ailleurs une rythmique plus hip-hop et soul, notamment avec Summer was our holy place, titre tout à fait de saison issu du premier album « Faithful One », sorti en 2023. C’est donc un état d’esprit particulier, marqué surtout par la gratitude, qui semble dominer la production musicale du trio et s’exprime à nouveau avec He has made me whole, présenté comme un hymne à la paix et que le pianiste entame avec quelques doux accords, pensifs et tendres. Mais c’est surtout la versatilité des musiciens qui est évidente ici, la contrebasse étant mise en valeur par des développements plus mélodiques et grâcieux, le batteur substituant à ses roulements virtuoses un accompagnement plus discret, et à ses baguettes des mailloches du bout desquelles il fait sonner les cymbales. Dernière invitation au voyage, Safe passage reprend des éléments de musique caribéenne : ce morceau dynamique, plein d’entrain, est une dernière chance pour donner au public une preuve de leur énergie communicative. On en retient surtout un dernier solo puissant de Joel Waters qui en met plein la vue et les oreilles d’un public conquis ! Un jeune trio de talent donc, dont le bel équilibre et la présence scénique expliquent le succès… hat-trick !