Where is there ?

La Belgique traverse une zone de turbulences ces temps-ci mais Myriam Alter a trouvé sa solution : elle s’évade de son petit pays à travers des compositions qui font fi des problèmes linguistiques et communautaires. La musique de cette diplômée en psychologie est une invitation au dialogue, aux échanges, à des conversations toutes en douceur, précieuses mais enjouées tout de même.

En se positionnant exclusivement comme compositrice, Myriam Alter n’en est pas moins présente tout au long de l’album comme en témoignent les photos du livret. Elle a réuni une formation en accord avec un projet basé sur une relative économie de moyens et une palette sonore volontairement limitée : un sextet où chacun se consacre à un seul instrument. D’où l’importance d’un assemblage de timbres plutôt réussi autour d’une voix à peine dominante : le violoncelle du brésilien Jacques Morelenbaum [1]. Pour renforcer les couleurs boisées et rondes, s’ajoutent la clarinette de John Ruocco (qui délaisse ici son saxophone ténor) et la contrebasse de Greg Cohen (le contrebassiste du Masada de John Zorn, par ailleurs).

Myriam Alter - "Where is there"
Enja records - distribution Harmonia Mundi

La musique de ce nouvel album [2] se veut tranquille, naturellement ondulante, entre des ambiances qui inspirent le "saudade", cette douce mélancolie familière des portugais et des brésiliens (la mélodie de Still in Love, en quintet, énoncée par le violoncelle, où chante ensuite la clarinette...). On y trouve aussi des allusions aux mélodies italiennes (le piano de Salvatore Bonafede retrouve dans "In Sicily" dans un univers familier) et des couleurs chaudes de musiques du soleil. L’ambiance générale se veut en demi-teinte, comme une musique de chambre délicatement esquissée plus qu’écrite. Elle se réveille en conclusion du disque pour Catch me There, plus enlevé et joyeux.

On gardera le meilleur pour la fin. Ce disque aurait pu n’être qu’une agréable musique jouée avec beaucoup de cœur s’il n’y avait la présence de Joey Baron qui enveloppe ce disque d’un écrin rythmique d’une intelligence rare. Privilégiant les balais et très souvent ses mains et ses doigts sur le toms et les cymbales, il impulse un swing délicat et sa présence dynamise l’ensemble. Ses interventions dans Come with me et It could be there sont remarquables. On soulignera que Walter Quintus, ingénieur du son de grand talent, a su rendre magnifiquement les ambiances de ce disque et en particulier la finesse de la percussion (peut-être un peu trop présente parfois au mixage).

Myriam Alter compose comme une aquarelliste. Sa musique fine, ouverte, très mélodique mérite de nombreuses écoutes pour révéler des richesses et une certaine gravité (September 11 et sa bouleversante introduction où se succèdent clarinette et piano). Un disque qui ne manque ni de charme ni de classe. Un vrai disque de jazz où chacun dispose d’espaces pour l’improvisation... N’est-ce pas déjà une réussite dès lors qu’on apprécie ces couleurs ?


> Myriam ALTER - Where is there - Enja ENJ-9513 2 - distribution Harmonia Mundi (parution le 29/11/2007)

Jaques Morelenbaum : violoncelle / John Ruocco : clarinette / Pierre Vaiana : saxophone soprano / Salvatore Bonafede : piano / Greg Cohen : contrebasse / Joey Baron : batterie /
Myriam Alter : compositions

enregistré en août 2007 par Walter Quintus.

1. Was It There 04:38 | 2. Still In Love 06:20 | 3. Come With Me 07:21 | 4. In Sicily 06:53 | 5. I’m Telling You 07:56 | 6. It Could Be There 04:44 | 7. September 11 08:01 | 8. Catch Me There 03:56


> Liens :

[1Violoncelliste, compositeur et arrangeur, souvent associé aux noms d’Egberto Gismonti, de Caetano Veloso ou même d’Henri Salvador dans son dernier album !

[2Le précédent chez ENJA, "IF", réunissait en 2001 Myriam Alter, composition ; Dino Saluzzi : bandoneon ; John Ruocco : clarinette ; Kenny Werner : piano ; Greg Cohen : contrebasse et Joey Baron : batterie.