Un véritable homme de jazz

17 mars 2017 :

Christian Ducasse nous apprend la mort de Gérard Terronès. Il écrit :
"Terrible disparition que celle de Gérard Terronès, infatigable agitateur du jazz, trompe la mort clinique & économique.
Son œuvre est si vaste, de Irakli à Hal Singer en passant par James Spaulding ou Tony Malaby, Raymond Boni et autres objets sonores non vraiment identifiés ...
L’inventaire reste à faire, mais l’œuvre est disponible.
Ici un hommage du vivant de Gérard par Jacques Chesnel en 2006 (lire ci-dessous).
Un grand bravo à cet esprit non-violent & rebelle, fidèle en amitié mais si intransigeant sur ses valeurs.
Mille pensées à l’indispensable et patiente Odile Terronès.
"

Christian Ducasse.

Comme l’écrit Christian, il nous fallait naturellement remettre en avant cet article de Jacques Chesnel publié dans les pages de CultureJazz il y a plus de 10 ans.

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S’il existe quelqu’un à qui « tirer son chapeau », c’est bien lui… mais ne vous avisez surtout pas de lui retirer ce couvre-chef qu’il porte depuis toujours, comme Lester Young portait le sien… à cela près qu’il coiffe également nombre de « casquettes » réunies sous quarante années de professionnalisme en 2005.

À commencer par celle de créateur-fondateur de jazz-clubs (aidé en cela par Odile, son épouse, et par leur fils Éric), son premier métier, dès 1965 (à Paris, le Blues Jazz Museum, reprise du Gill’s Club, création du Totem Jazz Club et du complexe Jazz Unité à la Défense). Certains amateurs (dont l’auteur de ces lignes) se souviennent toujours avec émotion de quelques soirées devenues légendaires (Georges Arvanitas au Gill’s Club, Archie Shepp au Totem, Attica Blues Big Band au Palais des Glaces, Brotherhood of Braith de Chris McGregor et Hilton Ruiz au Jazz Unité), quelques-unes enregistrées. Tout cela suivi d’organisation et d’autoproduction de concerts (notamment à l’American Center, au Forum des Halles, au Palais de la Mutualité…) et festivals à Paris et région parisienne, dont à Massy le premier festival indépendant de jazz avec un concert somptueux d’Ornette Coleman, Skies of America avec orchestre symphonique (la liste, impressionnante, se trouve sur son site (futuramarge.free.fr) ainsi que des tournées d’artistes, en priorité les plus grands créateurs du jazz dit contemporain.

Gérard Terronès au Sunside.
Avec Ted Curson (tp), Gilles Naturel (cb), Pierrick Pédron (as) le 31 août 2006 - Photo by courtesy of Christian Ducasse.

C’est principalement en qualité(s) de producteur (celui qui prend des risques) que la carrière de Gérard Terronès est exemplaire à plus d’un titre ; producteur des disques Futura (création en 1969, 53 références) et Marge (1975, 37 références) qui sont (précision nécessaire) des entreprises officielles déclarées au registre du commerce à Paris (et non pas comme le croient encore certains médias une officine marginale invisible), auxquelles il faut ajouter Blue Marge (9 références), Impro (7) et Jazz Unité (4). Tous ces enregistrements ont été réalisés en France, dont ceux produits avec des musiciens ou groupes étrangers, souvent lors de tournées européennes organisées par Gérard Terronès. Nombre des vieux LP’s Futura et Marge (plus de cent albums) sont réédités en CD, tandis que se poursuit la production (avec la collaboration de Marianne Fernel) de nouveaux enregistrements (en cette année 2006, le saxophoniste James Spaulding, les trompettistes Ted Curson et Roy Campbell)…tout cela faisant de lui l’un des producteurs français indépendants les plus emblématiques de la profession.

Ces disques sont distribués en France par Socadisc, www.socadisc.fr (qui ne me fait pas de service de presse, d’où, hélas, aucune chronique).

Suite à un grave conflit juridique avec un photographe (la genèse de l’affaire est sur le site du label), il a pu évaluer la sympathie et apprécier l‘appui actif tant des musiciens que des amateurs à son travail par les souscriptions d’aide et le concert de soutien qui s’ensuivirent.

G.T. anime depuis vingt-quatre ans l’émission Jazz en Liberté sur Radio Libertaire (il est membre de la Fédération Anarchiste). Toujours très actif et innovant, il travaille actuellement sur un projet de musique en ligne pour 2007.

À l’égal de ses grands confrères américains mais avec des moyens beaucoup plus modestes, Gérard Terronès fait honneur à une profession méconnue ; il a donné et donne encore intensément de sa personne pour le jazz français, européen et américain dans sa forme traditionnelle et ses mouvances contemporaines ; qu’il en soit ainsi remercié.

Chapeau Gérard !

Gérard Terronès, rue Saint André des Arts - juillet 2006 - Photo by courtesy of Christian Ducasse