Le Globe Unity Orchestra est une "institution" essentielle du (free)jazz européen : internationale, composite, audacieuse... depuis 40 ans ! Écouté par Jean Buzelin,
Avant de devenir l’une des grosses machines qui ont marqué, depuis plus de quarante ans, la nouvelle musique européenne et, au-delà, le jazz contemporain en grand orchestre, Globe Unity fut le titre d’une suite présentée au Berlin Jazz Festival en décembre 1966 par un imposant rassemblement de jeunes improvisateurs européens réunis par le pianiste et compositeur Alexander von Schlippenbach.
Premier ensemble de free jazz de taille aussi imposante, le Globe Unity Orchestra allait s’affirmer, sous la double direction de Schlippenbach et de Peter Kowald, mort en 2002 [1], comme l’une des formations marquantes qui ont contribué à l’émancipation du jazz européen. Réuni de façon intermittente, mais suffisamment régulière pour lui assurer une pérennité, le GUO évolua au fil des temps entre libre improvisation (longues pièces aléatoires) et compositions apportées par divers participants.
Ce qui apparaît en perspective au travers de ce disque anniversaire, c’est, contrairement à ce que pourrait laisser penser la fidélité de ses plus anciens membres — Manfred Schoof et Gerd Dudek étaient présents à Berlin en 1966, Evan Parker, Kenny Wheeler, Paul Rutherford [2], Paul Lovens étaient déjà là en 1970 —, l’incroyable fraîcheur et jeunesse d’esprit qui anime l’ensemble. À côté des “anciens“ se sont joints quelques figures majeures et dynamisantes de la scène européenne actuelle comme Rudi Mahall, Axel Dörner et Jean-Luc Cappozzo [3]. Tout cela crée une formidable osmose et conduit à une magnifique explosion musicale, forte et joyeuse, qui n’a rien à voir avec toutes ces reconstitutions d’orchestres mythiques qu’on nous présente comme “évènements“ et qui font l’affiche de nombreux festivals. Ainsi l’écoute, particulièrement jubilatoire, est également révélatrice si elle s’accompagne d’une comparaison entre les pièces jouées sur ce disque et les enregistrements originaux [4].
En aucun cas, il ne s’agit de “reprises“, mais de nouvelles interprétations enrichies de stimulantes improvisations. Judicieusement choisies pour leur caractère affirmé, elles sont précédées par un Globe Unity Forty Years, clin d’œil et rappel en contrepoint de l’œuvre originale.
Peu de grands orchestres, dans l’histoire du jazz, ont connu une existence aussi longue, et encore moins gardaient leur jeunesse 40 ans après leur création… à part Duke Ellington, bien sûr !
> Alexander von Schlippenbach - Globe Unity Orchestra : « Globe Unity - 40 Yeras » - Intakt CD 133 - distribution Orkhêstra
Kenny Wheeler, Manfred Schoof, Jean-Luc Cappozzo (tp, flh), Axel Dörner (tp), George Lewis, Paul Rutherford, Jeb Bishop, Johannes Bauer (tb), Evan Parker (ss, ts), Gerd Dudek (ss, ts, cl, fl), Ernst-Ludwig Petrowsky (as, cl, fl), Rudi Mahall (bcl), Alexander von Schlippenbach (p), Paul Lovens, Paul Lytton (dm).
01. Globe Unity Forty Years / 02. Out of Burton’s Songbooks / 03. Bavarian Calypso / 04. Nodago / 05. The Dumps / 06. The Forge.
Enregistré à Baden-Baden et au JazzFest Berlin les 1, 2 et 4 novembre 2006.
> Liens :
[1] La place est restée vacante depuis le décès des deux contrebassistes originels, Bushi Niebergall et Peter Kowald.
[2] C’est le dernier disque où apparaît Paul Rutherford, mort en août 2007.
[3] On peut regretter que les musiciens français n’aient guère été concernés par cette aventure, hormis une participation ponctuelle de Bernard Vitet en 1970, et a contrario se réjouir de la présence actuelle de Cappozzo au sein de ce brillant aréopage.
[4] Out of Burton’s Songbooks (Willem Breuker) et Bavarian Calypso (Schlippenbach) ont déjà été enregistrés en 1973, Nodago (Wheeler) et The Forge (Schlippenbach) en 1979.