Vaulx-en-Velin (Rhône), le mercredi 20 mars 2013.

Le but de tout festivalier, en bon jazzman de cœur soucieux qui se respecte, reste de se vouer à cette tâche première de chercher "Le Jazz", pour le trouver incidemment après en avoir écarté les usurpateurs multiples. Bonne nouvelle dans cette dernière partie de soirée nous avons retrouvé le jazz. Il campait sous nos yeux avec une allure débonnaire, littéralement décomplexé. Sans se soucier de ceux qui veulent le maquiller d’appellations apocryphes. Le Jazz lui il en pouffe pas une miette de rictus, il sent trop son agonie arriver lorsqu’il n’est plus le bienvenu dans les festivals qui se prétendent très Jazz(s). En tous les cas, il fut accueilli durant cette soirée avec les honneurs dus à son rang

Pour ceux qui pratiquent vraiment cette musique ce n’est pas un vain passe-temps, son ouvrage reste une vocation permanente qui persiste à régner en profondeur comme une douce fureur. Cette intime conscience Paolo Fresu la porte en lui de manière quasiment innée. Son histoire nous dit qu’à 11 ans ses doigts se sont posés sur sa première trompette. Il en jouait au sein d’une fanfare et les choses lui paraissaient alors assez faciles. C’est ensuite, dit-il encore aujourd’hui, que tout se complique, quand on écoute des modèles du niveau de Miles Davis et Chet Baker.

Rien n’échappe à la verbalisation musicale de Paolo Fresu, dans son inhalation permanente d’où il organise une construction immanente, qui enchaîne des joutes sans trêve. Sa musique est dotée de caractères spatio-temporels multiples, dans lesquels nous plongeons, son éprouvé sensoriel apportant une instrumentation chevauchante étroitement enchevêtrée à ses partenaires.
Parfaitement liés les uns aux autres, Steven Bernstein à la trompette, Gianluca Petrella au trombone, Marcus Rojas au Tuba, venaient mordre une foire d’empoigne incessante sacrément étourdissante.
Nous étions bien loin du caractère de dilettantisme du Jazz sans rigueur. Il faut savoir qu’ils n’auront que cette hardiesse à la bouche de leur embouchure pour se faufiler dans ce labyrinthe de remue-ménage noblement affirmé. La bande des quatre de ce soir nous enrobait d’une tétraphonie irréfragable qui se transmuait allègrement, en combinant et en diversifiant à l’infini toutes les images à leurs portées pour un orgiasme sonore.
Si l’air qu’ils manipulaient apportait et ravivait du feu, ils pouvaient tout aussi bien nous régénérer d’une source fluide d’eau limpide, qui s’écoulait nécessairement pour combler notre soif de ce Jazz, qu’on aspirait bien enraciné en terre depuis notre tangibilité ordinaire.
Tirs croisés d’improvisations qui s’esclaffaient dans des tumultueux échanges. Telle une partie de trictrac dans laquelle ils lanceraient des dés, ils laissaient apparaître des échappées provisoires dans un brassage de détails. En plus l’imagination était au rendez-vous sans aucun moment de relâchement.
La bigarrure, la diversité colorée étaient présentes avec la précision et la netteté nécessaire, pour que jamais ne s’installe la routine. Ces quatre musiciens se laissèrent guider à l’instinct du bon sens, avec les signes structuraux qui fondent la cohésion d’ensemble. Ils passèrent ainsi, en dehors des compositions de Paolo Fresu (dont un hommage à Lester Bowie), par des alliances musicales variées. De Duke Ellington par le biais de Black and tan fantasy, à Georg Friedrich Haendel (Lascia ch’io pianga), pour conclure sur un morceau traditionnel sarde, No Potho Reposare.

Sur la photo vous pourrez observer avec quelle décontraction Paolo lit le magazine "Jazz News" en compagnie du batteur américain Sangoma Everett qu’il vient de croiser en le saluant de la façon la plus amicale. Ceci quinze minutes avant de rejoindre la salle comble du Centre Charlie Chaplin. Cette image est tellement révélatrice de l’état d’esprit de Paolo Fresu qu’il serait dommage de ne pas la partager. Elle démontre la sérénité avec laquelle il appréhende ce qui va suivre avec le contenu qu’il va produire.
La pluralité instrumentale en partage réel pour ces quatre sujets percutants qui allaient toucher à l’ultime. Chacun disparaissait devant l’intérêt groupal du quartet œuvrant communément à un élan d’une fraîcheur savante.

Festival A Vaulx Jazz 2013 - Centre Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin (Rhône), mercredi 20 mars 2013.


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