“MILLE SAXOPHONES S’INFILTRENT DANS LA VILLE”[Bob Kaufman, “Bulletin opérationnel” in Solitudes, trad. Claude Pélieu et Mary Beach, Paris, 1967, p 15]

Gary Smulyan - Paris, octobre 2013
© Philippe Paschel
© Philippe Paschel

Gary SMULYAN (Bethpage, Rhodes Island, 1956) aux trois quarts caché derrière son saxophone baryton, déborde d’énergie. Venant de Hambourg après une longue tournée au Royaume-Uni et sur le chemin de Turin, il a donné une master class l’après-midi au Sunside : pas un seul instant la musique ne s’en ressentira.
C’est un musicien du mainstram moderne, jouant avec un son acéré et une attaque toujours franche, aimant les tempos rapides, dans lesquels interviennent des moments de virtuosité et des citations de standards. Il est soutenu par un batteur impeccable - habillé d’un costume cravate trois pièces !- avec lequel il échangera des 4/4, jouera sans le reste de l’orchestre et dont il ponctuera les solos, ainsi que d’un bassiste jouant imperturbablement sur les quatre temps.
Le pianiste pratique un jeu original, marquant fortement les accords de la main gauche pendant que la droite improvise vertigineusement, plutôt dans l’aigu de l’instrument, provoquant un grand contraste et un déséquilibre fécond par des accentuations qui relancent la mélodie.

A la fin du deuxième set, Frédéric Couderc, le multi-saxophoniste, vint se joindre au groupe au baryton, donnant une grande puissance aux exposés de thème. Couderc, musicien véhément, est pourvu d’un son rond, qui faisait contraste avec celui plus tranchant de Smulyan.

Au début du 3ème set, le public était clairsemé, malgré l’heure peu tardive [23.50, le concert se termina vers 0. 30, heure à laquelle il y a encore des métros, puis ce seront les bus de nuit], une dizaine d’enthousiastes, qui furent récompensés par la permanence de Couderc et l’arrivée de Fabien Mary, trompettiste à la belle sonorité claire et au style d’une rare élégance, qui ont donné à cette soirée l’ambiance d’une jam session, longue discussion sur le choix des thèmes et les tonalités, musiciens s’asseyant dans la salle quand ils ne jouent pas. Sur Oleo, nous avons entendu un sextet dont les souffleurs ont interprété la mélodie dans différentes tonalités, à la suggestion du lideur.
Après quoi, on pouvait partir dans la nuit tranquille la tête pleine d’harmonies.

Gary Smulyan (saxophone baryton) ; Olivier Hutman (piano) ; Michel Rosciglione (contrebasse) ; Bernd Reiter (batterie) + Frédéric Couderc (saxophone baryton) et Fabien Mary (trompette).
Sunside, 16 octobre 2013. 21.20- 0.30, trois sets.-

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Ken VANDERMARK (Warwick, Rhode Island,1964) et Paal NILSSEN (Molde, Norvège,1974) forment un duo que l’on a pu voir souvent. Ils pratiquent une musique d’improvisation libre dans une structure que l’on peut facilement suivre. Le saxophoniste joue dans un style free jazz, déluge de notes et sons divers, son embouchure restant un peu indécise ; le batteur n’est pas de reste, frappant très fort, brutalement, sans guère de nuances. Les tempos ne sont pas rapides, c’est l’emploi de doubles, triples ou quadruples croches qui provoque cet effet vertigineux.
Un percussionniste, dont je n’ai pas saisi le nom, se joignit à eux à mi-concert, pourvu de sortes de timbales auto-produits, il augmenta considérablement le volume des rythmes alla africana, couvrant le saxophone, placé au fond de la salle et mal insonorisé, alors qu’il ne possède pas naturellement un volume puissant.
Beaucoup d’applaudissements, un rappel, mais pas de bis, juste un salut.

THE LANGSTON PROJECT est une création subventionnée par un organisme officiel.
On a entendu des musiques variés, du rock à la chanson, le lien avec le jazz n’étant que des tics -solo de batterie, bruitisme de la chanteuse (peut-être en référence à Abbey Lincoln dans la Freedom suite de Max Roach, 1960). Hasse POULSEN (Copenhague 1956), le lideur du groupe, a déclaré au début du spectacle qu’il était facile de mettre de la musique sur les poèmes de Langston Hughes (1902-1967), mais cette prétention s’est révélée bien vaine, aucune mélodie ou arrangement ne retenant l’ouïe. Lors des premières vingt minutes, la musique semblait même être faite pour que l’on ne puisse pas entendre la chanteuse, qui m’a semblé excellente, comme tout le monde d’ailleurs. Il faut aussi déplorer une sonorisation de la voix calamiteuse, saturant dans les forte.
Quelques applaudissements plis et le silence, alors que les musiciens étaient encore en ligne sur la scène. Un flop.

1) LOVE DUO : Ken Vandermark (saxophones ténor et baryton, clarinette), Paal Nilssen (batterie) + percussionniste inconnu.

2) THE LANGSTON PROJECT : Elaine Mitchener (Voix), Hasse Poulsen (Guitare), Luc Ex (Guitare Basse), Mark Sanders (Batterie).
Dynamo, 17 octobre 2013 20.30.


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