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  Kenny BARRON Quintet : "Concentric circles"

On connaît plus sans doute le pianiste Kenny Barron (Philadelphie 1943) pour sces enregistrements en duo, comme l’historique People Time, dernier disque de Stan Getz (1991), ou ceux très nombreux en trio, comme le remarquable Book of Intuition (2016), mais il a souvent souvent joué et enregistré dans le très traditionnel format du quintet bop.
Barron présente ici deux solistes excellents, inconnus en France, mais qui sont dans une pleine maturité, Mike Rodriguez, trompette (1979), qui enregistre pour la première fois avec lui, et un saxophoniste, Dayna Stephens (1978), qu’il connaît bien.
La musique est solide, soigneusement construite et fort belle dans sa réalisation, grâce à des improvisations pleines de souigne et de vitalité. Un excellent disque dans un des grands genres que peut donner aujourd’hui le jazz américain -expression qui n’est plus un pléonasme-, qui manifeste la continuité d’une musique dont l’histoire semble s’être arrêtée et revenir en arrière, aujourd’hui que l’on déplore la mort de Cecil Taylor, un des grands génies de la musique.

Philippe Paschel

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  Kenny CLARKE – Red GARLAND – Kai WINDING – Oscar PETTIFORD – Lee KONITZ – Phineas NEWBORN – J.J. JOHNSON : "Jazz From Carnegie Hall - 1er oct. 1958"

Si le livret raconte les circonstances de ce concert, il est nécessaire d’y ajouter des précisions discographiques. Après la présentation de Daniel Filipacchi, on entend trois pièces jouées par le pianiste Phineas Newborn Jr., avec Oscar Pettiford et Kenny Clarke, puis une pièce en trio sans piano jouée par Lee Konitz, deux morceaux joués par O. Pettiford et Red Garland et enfin cinq pièces du duo Jay Jay Johnson et Kai Winding avec le trio Garland, Pettiford et Clarke.
Ce 1er octobre 1958 -dans un pays assez agité politiquement, la nouvelle constitution adoptée le dimanche précédent par referendum allait être proclamée le 4 octobre- présente pour la première fois en France Oscar Pettiford (1922-1960) et Phineas Newborn (1931-1989). Le pianiste est au sommet de ses moyens, un jeu extraordinaire de doublement de la mélodie par les deux mains, des phrases courtes abruptes dans un plus vaste ensemble pulsé, qui en fait une sorte d’ancêtre de Cecil Taylor [la mort de ce dernier a été annoncée, le 5 avril, après la rédaction de ce compte-rendu]. Pettiford n’est pas très bien enregistré pendant de longs solos, le pianiste faisant les accords. Lee Konitz est fluide et parfait, dans un style frais que certain trouvait alors glacial, Kenny Clarke jouant discrètement comme il était de règle dans l’école tristanienne. Le duo Jay (1924-2001) and Kai (1922-1983) est parfaitement rodé, le premier plus articulé, le second plus fluide.
Nous avons là un témoignage de ce que les amateurs de jazz parisien pouvaient entendre il y a 60 ans à l’Olympia, de grands artistes, brièvement, un curieux mélange de styles -et il en manque ! C’est de la bonne musique, mais qui n’apporte rien de neuf, ni de décisif.

Philippe Paschel

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  Elina DUNI : "Partir"

Le voyage musical, quand il est fruit d’exil, laisse toujours un goût mélancolique lui conférant une présence autre. Les paysages y sont doux et divers bien que nettement marqués dans leurs détails uniques. L’espace s’y impose malgré lui comme l’élément fédérateur qui magnifie l’errant voyageur. Elina Duni, née à Tirana, investit dans ce disque la diversité balkanique, et l’on sait sa richesse, non sans en sortir pour rejoindre Brel ou la Suisse, sa terre d’accueil, et d’autres contrées plus éloignées encore. Elle donne à l’hétérogénéité apparente de cet assemblage une cohésion éloquente et poignante qui passe par sa voix habitée, quelle que soit la langue employée, et l’usage alterné de la guitare, du piano et des percussions. En ces temps de repli identitaire, la démarche est salutaire car Elina Duni démontre qu’à l’évidence il faut savoir partir, contraint ou non. Et souvent les musiques de notre monde ne racontent autre chose que la perte née du départ et l’exil intérieur. Ce disque possède les qualités propres d’un hommage à la condition humaine chanté avec une empathie sensible dénuée de tout misérabilisme. Une réussite incontestable.

Yves Dorison

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  Rémy GAUCHE : "Obscurity of Light"

Troisième opus du guitariste toulousain Rémy Gauche, ce disque se démarque après Panamsterdam (2010) et Nature Urbaine (2013) par une construction plus élaborée, fougueuse et mature. Nature Urbaine avait vu le jour avec le quartet actuel qui comprend Thomas Koenig au saxophone ténor et flûte, Philippe Monge à la contrebasse, synthé basse et basse électrique et Julien Augier à la batterie. On prend les mêmes et on recommence tant le quartet est soudé, en y ajoutant en invité cette fois le pianiste Pierre de Bethmann. Les compositions sont principalement du guitariste avec un titre poétique, presque un oxymore comme le premier du quartet, à double facette, acoustique et électrique, poétique et énergique, lunaire et solaire comme le souligne Rémy Gauche.
La première composition de Thomas Koenig, Cursives, ouvre les festivités et accroche aussitôt l’attention, d’autant plus que des changements de rythme subtils la retiennent autour d’une course folle guitare saxophone soutenue par l’excellente paire rythmique. Cette attention ne faiblit pas, autant éveillée par les interventions de Pierre de Bethmann sur cinq compositions tantôt au Fender, tantôt au piano, que par les chorus du guitariste, de la contrebasse ou du saxophone (Climatic Changes) qui amènent des nappes successives habilement écrites. Le jeu de Rémy Gauche est toujours fluide et mélodieux (La Mémoire de l’Eau, Dark Song). La contrebasse est remarquable dans Bivouac qui semble écrit pour elle. Dark Song et Ines marquent un tournant avec la flûte de Thomas Koenig et le Fender ruisselant puis le piano de Pierre de Bethmann. Deux compositions remarquables du guitariste ! Suivies par une non moins brillante et pleine de peps de Philippe Monge, One of Dany’s Side. On-Off de Julien Augier conclut brillamment un disque où le son de groupe se confirme dans une musique qui a tout pour plaire : belles compositions, swing, envolées inspirées et pleines de talent de chacun. Du beau travail vraiment !

Florence Ducommun

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  Alcyona MICK – Tori FREESTONE : "Criss Cross"

La pianiste Alcyona Mick, vue par le passé dans les Rich Taylors de Vincent Courtois, et la saxophoniste et flûtiste Tori Freestone, déjà pilier de la scène jazz britannique, font la paire. Elles ont le charme discret de la bourgeoisie anglaise et donc un grain de folie s’exprimant avec une pudeur propice aux confidences, de celles dont on sait qu’elles peuvent être clandestinement très inflammables. Si l’on ne saute pas au plafond dès l’entame, on se laisse progressivement séduire par les climats successifs du disque, la grande qualité des improvisations, le sens de l’espace et un goût visiblement prononcé pour la narration, renforcé ici sur deux titres par la présence de la vocaliste Brigitte Beraha. Entrelacs, entrechats et pas de deux sont les ingrédients d’un menu coloré et fin qui se déguste sans difficulté. L’on finit même par être surpris de l’audace qui affleure souvent là où l’on n’avait rien perçu de prime abord. Alcyona Mick et Tori Freestone réalisent de facto un disque dense qu’il faudrait apprivoiser s’il ne nous infectait pas à notre insu par cette fausse simplesse qui fait bien sûr partie du charme discret évoqué ci-dessus.

Yves Dorison

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  MOVÉZOM : "Revisiting The Trane"

Voilà un disque bien surprenant et fort attachant sous la direction du batteur François Malandrin surnommé Movezom sur le label Futura et Marge (fondé par le regretté Gérard Terronès). Inspiré par John Coltrane, on assiste à un grand écart entre la musique de ce dernier et le hip hop ainsi que la musique contemporaine, ce qui pourrait effrayer plus d’un puriste, mais au final révèle l’incroyable modernité du saxophoniste. Il fallait un sacré culot pour revisiter Coltrane ainsi. Batteur atypique évoluant dans le milieu du trip-hop (mélange de hip-hop et d’électronique), compagnon de jeu de plusieurs rappeurs et musiciens de jazz comme Médéric Collignon et Logan Richardson (Panorama Circus), partageant la scène avec beaucoup d’entre eux, Movezom est pour la première fois avec cette création à la fois musicien, compositeur, arrangeur et son propre producteur. Pari tenu avec six rappeurs, quatre saxophonistes et pas des moindres (Alexandra Grimal, Ricardo Izquierdo, Thomas de Pourquery et Boris Blanchet) et un quatuor à cordes (Youri Bessière, Yohan Renard, Cyprien Busolini et Julien Grattard).
Les adaptations des compositions de John Coltrane qui ont été reprises sont parfois peu reconnaissables comme le Raashan’s Favorite Things scandé par le rappeur américain Raashan Ahmad, ou The Offering rappé par Abiodun Oyewole, (mais fallait il qu’elles le soient) tandis que le Melancholique Mood en compagnie du rappeur français Kohndo et Alexandra Grimal et l’Abiodun’s Favorite Things avec la présence de Boris Blanchet le sont beaucoup plus et fort séduisants dans ces versions ainsi modernisées. Quatre morceaux font référence au disque Interstellar Space enregistré en février 1967 par Rudy Van Gelder, peu de temps avant le décès de Coltrane et produit à titre posthume en 1974 par Bob Thiele sur le label Impulse. Saturn, Jupiter et le magnifique Vénus prennent ainsi une couleur de musique contemporaine en compagnie de Thomas de Pourquery ou Ricardo Izquierdo au milieu du quatuor à cordes, avec une batterie qui semble venue directement d’Interstellar Space (C’était le batteur Rashied Ali qui officiait dans ce disque). Par contre Jeep on Mars avec le rappeur français JP Manova s’en démarque complètement. Jolie interprétation également dans To Be Seething avec le rappeur Bruce Sherfield. Au final se dégage de ce disque une impression d’héritage bien assumé qui continue d’inspirer nombre de musiciens et devrait remporter un joli succès, François Movezom Malandrin ayant joué le rôle dans celui-ci d’un architecte créateur d’un équilibre fort délicat et très réussi.

Florence Ducommun

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  Références, détails et liens :

Kenny BARRON Quintet : "Concentric circles"

> Blue Note / Universal Music France

Kenny Barron : piano / Kiyoshi Kitagawa : contrebasse / Johnathan Blake : batterie / Mike Rodriguez : trompette / Dayna Stephens : saxophone ténor.

01. DPW / 02. Concentric Circles / 03. Blue Waters / 04. A Short Journey / 05. Aquele Frevo Axe / 06. Von Hangman / 07. In The Dark / 08. Baile / 09. L’s Bop / 10. I’m Just Sayin’ / 11. Reflections // Enregistrement récent aux USA.


Kenny CLARKE – Red GARLAND – Kai WINDING – Oscar PETTIFORD – Lee KONITZ – Phineas NEWBORN – J.J. JOHNSON : "Jazz From Carnegie Hall - 1er oct. 1958"

> Frémeaux & Associés - FA5721 / Socadisc

Kenny Clarke : batterie / Red Garland : piano / Kai Winding : trombone / Oscar Pettiford : contrebasse / Lee Konitz : saxophone alto / Phineas Newborn : piano / J.J. Johnson : trombone

01. Concert Introduction By Daniel Filipacchi / 02. Dahoud (C.Brown) / 03. Afternoon In Paris (J.Lewis) / 04. Blue Lou (Mills-Sampson) / 05. Star Eyes (DePaul-Raye) / 06. Laverne Walk (Pettiford) / 07. Stardust (Parish-Carmichael) / 08. This Can’t Be Love (Hart-Rodgers) / 09. Bag’s Groove (M.Jackson) / 10. It’s Alright With Me (C.Porter) / 11. Mad About The Boy (Coward) / 12. Bernie’s Tune (B.Miller) // Enregistré en concert à Paris le 1er octobre 1958 (J.A.T.P.).


Elina DUNI : "Partir"

> ECM - 6708641 - ECM2587 / Universal Music France

Elina Duni : voix, piano, guitare, percussions.

01. Ama Terra Mia (Bonaccorti-Modugno) / 02. Let Us Dive In (Duni) / 03. Meu Amor (Oulman-Dos Santos) / 04. Lama Bada Yatahanna (alRahim alMasloub) / 05. Vishnja (trad. Kosovo) / 06. Lusnak Gisher (trad. Armenie) / 07. Oyfn Veg (Laskowsky-Manger) / 08. Kanga E. Kurbetit (trad. Kosovo) / 09. Anj Kaj Lulije (trad. Albanie, Macedoine) / 10. Vaj Si Kenka (trad. Albanie) / 11. Je ne sais pas (J. Brel) / 12. Schoenster Abestarn (trad. Suisse) // Enregistré aux Studios La Buissonne, Pernes-les-Fontaines (France) du 14 au 17 juillet 2017.


Rémy GAUCHE : "Obscurity of Light"

> Welcome Home - WH1 / Socadisc

Thomas Koenig : saxophone ténor, flûte / Rémy Gauche : guitares / Philippe Monge : contrebasse, clavier, basse électrique / Julien Augier : batterie /+/ Pierre de bethmann : piano, Fender Rhodes sur 2, 5, 7, 8, 11.

01. Cursives / 02. Il était une fois au royaume d’Oyo / 03. Climatic Changes / 04. La Mémoire de l’Eau - Intro / 05. La Mémoire de l’Eau / 06. Bivouac / 07. Dark Song / 08. Ines / 09. One of Dany’s Side - Intro / 10. One of Dany’s Side / 11. On-Off // Enregistré au Studio de Meudon (France) en juin 2017.


Alcyona MICK – Tori FREESTONE : "Criss Cross"

> Whirlwind Recordings - WR4722 / Bertus

Tori Freestone : saxophones ténor et soprano, flûte / Alcyona Mick : piano /+/ Brigitte Beraha : voix (sur 1 et 8).

01. Hermetica (Freestone) / 02. Charmed Life (Freestone) / 03. Strange Behaviour (Mick) / 04. Exchange (Mick) / 05. Goodnight Computer (Mick) / 06. Mrs PC (Freestone) / 07. Criss Cross (Monk) / 08. Press Gang (trad.) / 09. El Barranco - Bonus (Freestone) // Enregistré au Artesuono Studio, Udine, Italie le 3 octobre 2017.


MOVÉZOM : "Revisiting The Trane"

> Futura Records - FUTURA GER 43 / futuramarge.free.fr

François "Movézom" Malandrin : batterie, machines, arrangements des cordes / Abiodun Oyewole : voix sur 4 et 9 / Raashan Ahmad : voix sur 2 / Kohndo : voix sur 3 / JP Manova : voix sur 6 / Al : voix sur 7 / Bruce Sherfield : voix sur 8 / Alexandra Grimal : saxophone ténor sur 3 / Ricardo Izquierdo : saxophone ténor sur 4, 10 et 11 / Thomas de Pourquery : saxophone alto sur 5 / Boris Blanchet : saxophone soprano sur 9 / Welcom String Quartet – Youri Bessière, Yohan Renard : violon / Cyprien Busolini : violon alto / Julien Grattard : violoncelle.

01. Introduction (Malandrin) / 02. Raashan’S Favorite Things (Ahmad-Malandrin) / 03. Melancolique Mood (Assogba- / Malandrin) / 04. The Offering (C.F.Davis-Malandrin) / 05. Saturn (Coltrane) / 06. Jeep On Mars (Manova-Malandrin) / 07. C’est Compliqué (Mazars-Malandrin) / 08. To Be Seething (Sherfield-Coltrane) / 09. Adiodun’s Favorite Things (C.Davis-Malandrin) / 10. Jupiter (Coltrane) / 11. Venus (Coltrane) // Enregistré au conservatoire de Colombes (France) et à New York entre octobre 2014 et septembre 2015.