| 00- BENJAMIN MOUSSAY . Promontoire - OUI !
| 01- ISABELLE CIRLA-JOËL TROLONGE . Piuma
| 02- DENA DEROSE . Ode to the road
| 03- MATTHEW SHIPP . The piano equation - OUI !
| 04- LARRY WILLIS . I fall in loce too easily
| 05- GINGER . Sélection d’épices
| 06- HERO TRIO . RUDRESH MAHANTHAPPA- OUI !
| 07- JOE FIEDLER’S BIG SACKBUT . Live in Graz
| 08- MELANIE DAHAN . Le chant des possibles - OUI !
| 09- SARA SERPA . Recognition : Music For a Silent Film
| 10- RUDY ROYSTON . Panoptic
| 11- JERRY GRANELLI TRIO . plays Vince Guaraldi & Mose Allison
| 12- GARD NILSSEN SUPERSONIC ORCHESTRA . If you listen carefully the music is yours - OUI !
| 13- LANA GRAY . Colours of my soul
| 14- MAGIC MALIK . Fanfare XP2


  BENJAMIN MOUSSAY . Promontoire

Ecm

Benjamin Moussay : piano

Pour son premier disque en solo chez Ecm Benjamin Moussay ne change rien. Il se contente d’être lui-même et de produire la musique qu’il aime créer, celle-là même que nous aimons écouter. Entre introspection, minimalisme mélancolique et échappée subite vers des ailleurs lyriques à redéfinir sans trêve, Benjamin Moussay arpente son clavier en inventant le chemin. Peu savent le faire ainsi, avec autant d’élégance et d’imagination. Peu savent quel est le bon dosage entre le trop et le pas assez ; lui sait où se trouve l’équilibre qui permet à un narrateur de raconter ses histoires, de manière claire et concise, sans être pris par les auditeurs pour un bavard impénitent. Sensuel en toute occasion, le pianiste fait preuve dans cet album d’un savoir-faire qui laisse à l’instinct une place de choix. Le temps semble s’étirer entre ses notes tel l’air entre les gouttes. Onirique, spectrale, baignée dans des nuances où classique et jazz s’entremêle pour le meilleur, la musique de Benjamin Moussay est celle d’un créateur en pleine maturité. Il creuse et creuse encore un sillon musical qui n’appartient qu’à lui et qui le place parmi les incontournables de ce début de XXIème siècle ; ils ne sont pas si nombreux sur ce promontoire...

Yves Dorison


https://www.benjaminmoussay.net


  ISABELLE CIRLA-JOËL TROLONGE Piuma

FractalDuo3

Isabelle Cirla : Clarinette basse
Joël Trolonge : Contrebasse

Sur leur arbre perché basse clarinette et contre basse font bon ménage depuis au moins Eric Dolphy, que ça soit avec Charlie Mingus mais aussi avec Richard Davis sur Something Sweet, Something Tender de l’extraordinaire disque Out to Lunch. La réussite de cette association de sons graves qui est d’ordinaire si difficile à combiner peut s’expliquer par leurs différences : cordes frottées ou pincées et anches vibrantes, des opposées mais aussi par l’extrême sensualité qui se dégage de ces instruments qui se tournent autour, se cherchent, se jouent l’un de l’autre et se rencontrent parfois. Certes, mais l’instrument n’est rien sans l’instrumentiste. Constatons que nous avons ici deux équilibristes en la matière, Isabelle et Joël. Est ce le soleil de la terre toulousaine que l’on sait apte au jazz ou le désir du son ou du jouage qui s’exprime, à coup sûr une subtile alliance des deux, ancrée dans une expérience que l’on devine au combien longue et importante. Ce travail, le son boisé d’Isabelle, le pizz de Joël mais aussi l’archet utilisé ici pour ce qu’il est et non comme un vague succédané du saxophone sont pour nous les ingrédients de cette réussite. Compositions, lignes mélodiques et reprises alternent dans cet enregistrement (originale reprise du Misteriso de Thelonious Monk, Our Spanish Love Song et Waltz For Ruth de Chalie Haden). Un cédé sans faiblesse pour deux instruments qui, on le devine ont une faible l’un pour l’autre du haut de leur arbre perché.

Pierre Gros


https://www.duocirlatrolonge.com/


  DENA DEROSE . Ode to the road

HighNote records

Dena DeRose : chant, piano
Sheila Jordan : chant (4,6)
Houston Person : saxophone ténor (7,11)
Jeremy Pelt : trompette (2,8)
Martin Wind : contrebasse
Matt Wilson : batterie

Pianiste de formation, Dena DeRose est devenue chanteuse suite à un problème médical à la main. Il n’empêche que nous ne la connaissions pas avant d’écouter ce disque bien qu’elle ait derrière elle plus de deux décennies de carrière. Si sa rythmique (de qualité) est la même depuis une quinzaine d’année (excellent Martin Wind), ce sont les invités du disque qui nous ont mis la puce à l’oreille. Houston Person en personne, Jeremy Pelt et… l’immense Sheila Jordan sur deux titres. L’on a donc écouté avec une attention soutenue cette chanteuse et bien nous en a pris. Dena DeRose la joue paisible avec une musicalité hors paire. Le swing est là et les invités colorent à l’envi ce disque de leur talent. Sheila Jordan, toujours aussi joyeuse, apporte toute la sensibilité qu’on lui connait. En musicienne accomplie, sans peur et sans reproche, elle mène son monde avec une aisance discrète, mais sûre, et sait nous faire oublier à quel point sa technique est impeccable. Elle a composé quelques uns des thèmes chantés dans ce disque, emprunté plusieurs titres à Bob Dorough et Mark murphy et enrichit l’ensemble avec une once de standards. Il y a pire comme playlist, n’est-ce pas ? Bref, l’on a eu un excellent moment de jazz à l’écoute de cette vocaliste que l’on vous recommande.

Yves Dorison


https://denaderose.com


  MATTHEW SHIPP . The piano equation

Tao Forms Records

Matthew Shipp : piano

Au fil des années, Matthew Shipp a construit une œuvre qui lui est propre. Son langage musical est parfaitement original et ne cesse de s’enrichir. S’il lui arrive souvent d’évoluer dans des contrées abstraites, il n’en demeure pas moins le tenant d’une éloquence qui prend naissance dans sa capacité narrative à développer les formes. Quel que soit l’exploration en cours, il renouvelle les angles d’approche et surprend l’auditeur plus souvent qu’à son tour. Les genres s’entrechoquent dans son jeu avec bonheur. Avant-gardiste certes, il est tout de même capable de swing racinaire. Pour chaque morceau, Matthew Shipp suit sa logique personnelle et son vocabulaire peut paraître étrange. Les mélodies fragmentaires s’agglutinent sous ses doigts de toutes les manières possibles, formant ainsi des kaléidoscopes à l’expressionnisme hypothétique ( à moins qu’il s’agisse d’un impressionnisme spéculatif). Cela peut sembler fantasque, scientifique ou même politique, mais ce n’est jamais gratuit car le pianiste ne nie pas sa radicalité et c’est tout à son honneur. Au final, c’est tout simplement remarquable et vivement conseillé.

Yves Dorison


http://www.akamu.net/shipp.htm


  LARRY WILLIS . I fall in love too easily

HighNote records

Larry Willis : piano
Jeremy Pelt : trompette
Joe Ford : saxophone alto
Blake Meister : contrebasse
Victor Lewis : batterie

Larry Willis, fils de Harlem, a eu une vie bien remplie (1942-2019). Pianiste discret formé au classique avant de bifurquer vers le jazz, il a accompli un parcours musical d’une conséquente richesse. Jackie McLean, Hugh Masekela, les frères Adderley, Woody Shaw, Carla Bley, Lee Morgan, Stan Getz, Bill Frisell, Clifford Jordan, la liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut, mais elle est représentative de sa capacité d’adaptation aux différents jazz(s). Quand vous saurez qu’il a également officié au sein de Blood sweat & tears pendant 5 ans, vous aurez compris que ce bonhomme avait de la musique plein les doigts. Dans ce dernier enregistrement, réalisé dans les studios Van Gelder où il avait débuté en 1965, il est accompagné par des complices à sa mesure. Le jazz produit là est de facture suffisamment classique pour n’effrayer personne. Il est bien léché mais pas mièvre. Rythmique aussi fine qu’efficace, solistes pleinement engagés dans la musique produite, cela suffit à faire de ce dernier témoignage musical du pianiste un repère final dans son grand œuvre. La playlist, qui offre des titres du pianiste, du saxophoniste mais aussi de Jack DeJohnette, Bobby Troup, Kirk Lightsey et Santi Debriano, définit à elle seule l’intérêt fondamental de l’artist pour le jazz et l’amitié. Le seul standard joué donne son titre à l’album : I fall in love too easily. Nous aussi !

Yves Dorison


https://www.nytimes.com/2019/10/03/arts/music/larry-willis-dead.html


  GINGER . Sélection d’épices

Label Pince-Oreilles

Gregory Sallet : saxophones soprano, alto et C-melody
Romain Barret : guitare, voix
Michel Molines : contrebasse (4,6,7)
Guillaume Bertrand : batterie (2,4,7,9)

Enregistré « live » en studio cet album du Duo Ginger (étendu au trio et au quartet selon les plages) est le fruit de quelques années de travail préalable. S’y mêlent des titres populaires réinventés et des compositions personnelles. L’ensemble demeure homogène car les musiciens présents, tous membres du collectif Pince-Oreilles, se connaissent mieux que bien et partagent nombre d’intérêts communs pour la musique. Outre les compositions originales, l’on peut écouter dans ce disque, entre autres, Brel, les Beatles, Beyoncé et Bowie. L’atmosphère générale est à la versatilité et les musiciens enchaînent les titres sans peur et sans reproche, des titres passés à leur moulinette personnelle et qui ne manquent pas d’atouts pour séduire les oreilles curieuses. Entre pièces introspectives finement avant-gardistes et sonorités rock au bruitisme assumé, le duo et ses acolytes construisent un univers original qui laisse néanmoins toute leur place aux mélodies natives des thèmes qu’ils explorent non sans finesse. Leur musique née d’un jazz ouvert sur les possibles est donc à découvrir.

Yves Dorison


https://collectifpinceoreilles.com/CDs.php?id=19


  HERO TRIO RUDRESH MAHANTHAPPA

Whirlwind Records

Rudresh Mahanthappa : saxophone alto
François Moutin : contrebasse
Rudy Royston : batterie

Tout l’intérêt du trio saxophone / contrebasse / batterie réside dans la liberté exploratoire qu’il offre aux musiciens. Son défaut, c’est qu’il ne pardonne pas les erreurs. Le Hero trio de Rudresh Mahanthappa s’en tient avec une aisance déconcertante à la première assertion évoquée ci-dessus. Les trois membres du trio ne font qu’un et l’organisme vivant ainsi inventé se pare des couleurs chamarrées qu’impose le melting-pot musical. Le saxophoniste a construit cet album autour d’une playlist en forme d’hommage aux musiciens qui ont compté pour lui. L’on va ainsi de Parker à Madame Cash, de Stevie Wonder à Coltrane et Rollins, etc. L’on a retenu à l’écoute de cet opus bouillonnant, la force brute du trio, sa puissance au service d’une musique laissant le champ libre à l’improvisation. Les musiciens (qui ont un long compagnonnage) se poussent dans leurs retranchements et mettent naturellement en avant leurs qualités personnelles sans jamais nuire au collectif. Tout l’album vibre de phrases en tension, d’éclats mélodiques et de rythmes densément terrestres. Et c’est avec cela que les trois s’envolent et nous embarquent pour des contrées incendiaires où la création prédomine sur tout. Juste parfait !

Yves Dorison


https://www.rudreshm.com


  JOE FIEDLER’S BIG SACKBUT . Live in Graz

Multiphonics music

Joe Fiedler : trombone
Luis Bonilla : trombone
Ryan Keberle : trombone
Jon Sass : tuba

Joe Fiedler est un tromboniste épatant que nous affectionnons. Avec ce disque enregistré en concert en Autriche, il commet un hommage au maître Roswell Rud (1935-2017) dont il reprend trois thèmes auxquels il ajoute ses pr opres compositions et un titre de Charles Mingus. Son quartet ? Trois trombonistes et un tubiste. Ca met du vent dans les voiles… Les Trombonistes ne forment pas un chœur mais sont bien tout au long de ce Cd des solistes aux personnalités fortes. Jon Sass et son tuba sont là pour les tenir dans le droit chemin car avec des musiciens de ce calibre toujours prêts à prendre la tangente, il faut du liant. La patte de Joe Fiedler, reconnaissable aisément, c’est une approche toujours ludique de la musique qui lui confère un charme très particulier. On sent plus encore cela dans ce live où chacun souffle la bonne parole au service du collectif cuivré avec un entrain qui mêle l’aventure et le swing avec une délectation non feinte. Le groove dense de ce quartet à vent porte la musique avec une justesse émérite. Ce nouvel enregistrement de Joe Fiedler est en tout point un disque absolument musical.

Yves Dorison


https://joefiedler.com


  MELANIE DAHAN . Le chant des possibles

(Backstage Production / l’autre distribution

Mélanie Dahan : voix
Jérémy Hababou : piano
Jérémy Bruyère : contrebasse, basse
Arthur Alard : batterie
Benjamin Petit : saxophone (5)
Philippe Maniez : batterie (2)

Bon, sur ce coup, j’avoue que nous sommes en retard et que nous chroniquons là un disque sorti en janvier qui mérite pourtant que l’on s’attarde dessus. Mea Culpa. Or donc, Mélanie Dahan, comme beaucoup de chanteuse française estampillée « jazz » mène une carrière discrète dans un univers musical saturé par des productions grand public prétendument magnifiques et indispensables… Et cela ne va pas s’arranger avec ce disque où les compositions du pianiste Jeremy Hababou sont le support à des textes d’auteurs français tels Andrée Chedid, Tahar Ben Jelloun, Bernanos, Henri De Regnier, Bernard Joyet et même Houellebecq. De quoi faire peur à n’importe quel média en quête d’audience. Mais peu importe. Ce qu’il faut retenir c’est que Mélanie Dahan est une interprète de caractère, qui privilégie la langue française, et qui sait donner du sens à son chant. Elle le fait avec une technique implacable et une sensibilité exacerbée. Entre raffinement et douceur, son chant n’en demeure pas moins le vecteur du feu intérieur dense qui l’habite. Et ainsi font sens les textes triés sur le volet qu’elle a choisi d’interpréter dans ce disque où les musiciens accompagnateurs sont un peu plus que cela. L’ensemble est parfaitement équilibré. Le swing et la lenteur de l’apaisement se succèdent tout au long de la playlist de manière harmonieuse et la voix claire et nuancée de la chanteuse tient le tout musical de l’album avec une maturité et un bon goût seyant bien à celles et ceux qui savent ce qu’ils ne veulent pas. Mélanie Dahan, elle, embrasse les champs du possible vocal avec un art consommé de la couleur.

Yves Dorison


https://www.melaniedahan.com


  SARA SERPA . Recognition : Music For a Silent Film

Biophila Records / Bandcamp

Sara Serpa : voix, compositions
Zeena Parkins : harpe
Mark Turner : saxophone ténor
David Virelles : piano

Reconnaissance pour "mettre en évidence le pouvoir de la musique comme outil d’évolution sociale, de réflexion et d’éducation pour briser le silence sur le colonialisme portugais et le racisme institutionnel". C’est ainsi que la vocaliste et compositrice Sara Serpa présente ce projet. Née à Lisbonne, elle est installée Outre-Atlantique depuis 2008. Nous avons suivi son œuvre depuis plusieurs années, en particulier aux côtés de son mentor, le pianiste Ran Blake ou de la saxophoniste Ingrid Laubrock (pour ne citer qu’eux...). Sara Serpa a découvert dans les archives de sa famille des films relatant le colonialisme portugais en Angola à l’époque de la dictature de Salazar, dans les années 60. Un film de 55 minutes a été réalisé pour témoigner d’un passé très douloureux avec la complicité du réalisateur Bruno Soares (voir ici...). Un acte fort qui s"apparente au devoir de mémoire et résonne tout particulièrement dans notre actualité. La musique écrite pour ce film "silencieux" (un silence lourd de sens...) est le miroir sonore du film. Son écriture permet une écoute en dehors de tout contexte visuel pour en percevoir toutes les subtilités dans des associations de timbres souvent insolites. La harpe très volatile de Zeena Parkins et le piano grave, le jeu ciselé de David Virelles (quel pianiste !) entourent la voix sensible et expressive de Sara Serpa avec, souvent, en prolongement ou contrepoint le saxophone de Mark Turner, musicien doit on admire toujours les capacités d’adaptation à des univers contrastés tout en restant lui-même. L’ensemble défie les lois de l’équilibre en s’affranchissant souvent des repères du rythme pour créer des atmosphères uniques et captivantes. On écoutera avec attention et grand plaisir, sans doute, ce très bel enregistrement publié sur le label "écologique" exemplaire Biophilia Records qu’anime un autre brillant pianiste : Fabian Almazan. Recommandé !

Thierry Giard


www.saraserpa.com . saraserpa.bandcamp.com/recognition


  RUDY ROYSTON . Panoptic

Greenleaf Music

Rusy Royston : batterie, cymbales, voix

Nous qui n’apprécions que modérément (très) les soli de batterie, sur disque comme sur scène, à quelques exceptions près, nous voilà contraint par Rudy Royston lui-même à chroniquer un disque dans lequel le batteur est seul avec ses fûts, ses cymbales et sa voix. On le fait néanmoins volontiers car l’ensemble des recettes de ce disque publié sur le label de Dave Douglas iront au fond de soutien des musiciens américains « MusiCares », dédié à celles et ceux dans le besoin qui ont souffert du Covid 19 ainsi qu’à leurs familles. Après quoi, vous dire que l’on a été étonné par ce Cd pourrait vous surprendre. Mais nous devons assumer : Rudy Royston a les moyens de vous tenir en haleine, les capacités à vous faire réagir. Bref, c’est un de ces batteurs qui préfèrent la finesse à la rudesse, un de ces batteurs qui savent être mélodiques (oui) et ont suffisamment d’imagination pour ne pas désespérer vos pavillons au bout de trois minutes. Enregistré en 2018, ce disque attendait son heure. Le batteur texan ayant lui-même été aidé à diverses occasions par musiCares, il renvoit l’ascenseur de la plus belle des manières. Pour finir de vous convaincre, nous vous laissons apprécier son commentaire personnel : « Pour moi, la musique de ce CD représente la liberté des frontières, l’espoir, la beauté, l’amour, la joie, la lumière, l’aventure, les inspirations. J’espère offrir la même chose à tous ceux qui écoutent. »


https://rudyroyston.bandcamp.com/album/panoptic


  JERRY GRANELLI TRIO . Plays Vincce Guaraldi & Mose Allison

RareNoiseRecords

Jerry Granelli : batterie
Jamie Saft : piano
Bradley Christopher Jones : contrebasse

Vu le label, l’on s’est dit avant d’écouter l’album qu’avec Jamie Saft au piano, le batteur devait être un gars de la nouvelle génération. Mais vu qu’il est né le 30 décembre 1940, on découvre une fois de plus nos lacunes. Ceci dit, on connait Vince Guaraldi. D’accord, c’est cause du Noël de Charlie Brown… Souvenez-vous Linus & Lucy… Et on connait également Mose Allison, pianiste chanteur estampillé par ses fans et la critique comme étant « l’inventeur du blanc ». Nous, on apprécie ses textes sarcastiques (Dylan, à côté, c’est un enfant de chœur), souvent repris par quelques pointures du rock, Costello et Iggy en tête. Alors quoi, le l’octo-batteur et ses collègues puisent dans le catalogue de deux compères de quoi faire de la bonne musique avec l’idée fixe de la réinventer. Et comme ils possèdent dans leurs vécus de quoi le faire, ils ne se gênent pas et livrent un Cd riche en couleurs, mélodique à souhait et non exempt de dérapages contrôlés. Le batteur à la présence discrète des musiciens de bon goût. On le repère cependant suffisamment pour savoir qu’il est le leader. Ses acolytes sont épatants. Mais bon, vous savez déjà que l’on apprécie le versatile Jamie Saft. Au final, on obtient un disque franchement sympathique qui peut s’écouter et se réécouter avec un plaisir non dissimulé. Que demande le peuple ? Hein ? De la bonne musique comme celle-ci. Et puis la pochette est sympa...


https://jerrygranelli.com


  GARD NILSSEN SUPERSONIC ORCHESTRA . If you listen carefully the music is yours

Odin Records

Gard Nilssen : batterie
Hanna Paulsberg :saxophone ténor, percussions
Kjetil moster : saxophones, percussions
André Roligheten : saxophones, clarinette basse, percussions
Per johanson : : saxophones, clarinette basse, clarinette, percussions
Maciej Obara : saxophone alto, percussions
Mette Rasmussen : saxophone alto, percussions
Eirik Hegdal : saxophones, clarinette, percussions
Thomas Johanson : trompette, percussions
Goran Kajfes : trompette, percussions
Erik Johannesen : trombone, percussions
Peter Eldh : contrebasse, percussions
Ingebrigt Flaten : contrebasse, percussions
Hans Hulbaekmo : batterie, percussions
Hakon mjaset johansen : batterie, percussions

N’y allons pas par quatre chemins, dès les premières mesures, la puissance du Supersonic Orchestra fait parler la poudre et tout part joliment en couille, histoire de savoir illico où vous mettez les oreilles. Enregistré en live au Molde Jazz Festival, ce disque vibrant possède l’énergie de la scène. Emmené par le batteur Gard Nilssen, il propose une suite de titres tous plus intéressants les uns que les autres. Propulsé par trois batteries et deux contrebasses, les soufflants construisent, ligne après ligne, une forme de vacarme tumultueux aux textures accrocheuses. L’omniprésence du rythme articule les débats et l’on reconnait au passage la folie aventureuse de Mette Rasmussen dans un solo comme elle seule sait les délivrer. Mais le groupe entier est à lui seul un all stars du jazz norvégien qui sonnent comme une bande de complices prêts à tout pour faire les bons coups musicaux avec une audace et un sens de l’expérimentation qui fait plaisir à ouïr. Entre les sons, on piochera des références à Mingus, à l’Africa Brass de Coltrane ou encore au Sun Ra Arkestra. L’ensemble est une alternance de cousu main et de décousu qui marient les contrastes avec bonheur et, sous une apparence première de joyeux bordel, vous découvrirez une musique parfaitement mise en scène pour capturer le chaland avant même qu’il s’en aperçoive. En résumé, le Supersonic Orchestra est une sorte d’avion gros porteur qui décollerait comme une navette spatiale et qui se paierait le luxe de la voltige aérienne avec une précision qui s’accorde à son statut de grande formation à la créativité permanente. Vivement recommandé.


https://gardnilssensupersonicorchestra.bandcamp.com


  LANA GRAY Colours of my soul

Auto production

Lana Gray : voix
Philippe Baden Powell de Aquino : piano, voix
Thomas Delor : batterie
Patrick Laroche : contrebasse
Amina Mezaache : flûte

Titre programmatique s’il en est, puisque ce nouvel enregistrement (le second ?) décline une gamme de sentiments qui ont le mérite de trouver leur expression en musique. Dans une relation sinon contrastée du moins toute en nuance. Il est vrai que le titre éponyme annonce la palette de couleurs de cette chanteuse qui manie blues, jazz et rythmes brésiliens avec aisance. Jazz et bossa nova font ainsi bon ménage comme en témoignent, par exemple, le très brésilien titre Você accompagné subtilement par la voix du pianiste brésilien Philippe Baden Powell de Aquino et par la flûte de Amina Mezaache aussi bien que sur un mode plus jazz Un Rêve si doux (et son « jardin d’Eden ») aux réminiscences d’un certain « Jardin d’hiver ». D’origine sénégalaise, vietnamienne, anglaise… quoi de plus naturel pour Lana Gray que cette balade à travers le jazz et cette alternance d’interprétations en français, anglais et portugais. Elle y parvient avec conviction, sans sophistication excessive ni volonté démonstrative et les compositions choisies lui vont comme un gant. Des compositions originales pour ce Colours of my soul qui en font à la fois un disque traditionnel dans son inspiration et personnel dans son interprétation.

Jean-Louis Libois


www.lanagray-jazz.paris


  MAGIC MALIK . Fanfare XP2

Malik Mezzadri : flute, voix, calebasse
Pascal Mabit : saxophone
Maciek Lasserre : saxophone, percussions
Johan Blanc : trombone
Olivier Laisney : trompette
Fanny Ménégoz : flûte, voix
Alexandre Herer : Fender Rhodes
Daniel Moreau : claviers
Maîlys Maronne : melodica
Jonathan Joubert, Kévin Lam : guitare
Nicolas Bauer : basse
Vincent Sauve : batterie

Onze heures Onze

Après Fanfare XP1 paru en 2018, voici le nouvel opus, dans la continuité des vertus musicales du groupe né de la convergence d’idées de Magic Malik lui-même, du saxophoniste Pascal Mabit et du trompettiste Olivier Laisney. Cette fanfare régie par une Charte digne de Dogma du cinéaste Lars von Triers en son temps vaut en tout cas à chaque musicien d‘y aller de sa composition originale et ne pas trop faire tapisserie dans le reste du temps occupé par ses copains musiciens. Ici, tout le monde a la parole et la prend avec un sens de la mesure qui laisse à chacun sa chance de s’exprimer. Ce qui fédère cette fanfare peu commune (qui a parfois néanmoins des airs d’ONJ) est moins un collectif constitué que la somme des contributions des individualités qui le composent. S’il y a bien en définitive une recherche commune identifiable, chaque titre invente son propre cheminement. En cela, la Charte n’est pas dogmatique mais à l’inverse, est une invitation à la liberté. On pourrait aussi bien citer ce solo surprenant de mélodica (Maïlys Maronne) dans le titre inaugural XPascal2 ( Pascal Mabit) que la conclusion du dernière titre XPA-1 (Johan Blanc, Malik Mezzadri) constamment changeant et dont le happy ending musical surprend.

Et on ne manquera pas de noter, pour conclure, la septième et dernière recommandation de la charte des compositions musicales de la Fanfare XP : Un compositeur doit être en mesure dans la mise de ses moyens d’expressions d’exécuter ce qu’il demande aux autres. Ni de s’étonner de ce titre à la fois précis aussi bien qu’énigmatique Lisieux ! (référence aux pèlerins venus rendre hommage à Sainte Thérèse ou bien aux amateurs de jazz du festival Jazzitudes en Pays d’Auge ?)

Jean-Louis Libois


http://www.onzeheuresonze.com/project/magic-malik-fanfare-xp