PETER EPSTEIN . Two legs bad

Shifting Paradigm Records

Peter Epstein : saxophone
Juilen Knowles : trompette
Adam Benjamin : piano, Fender Rhodes
Dave Strawn : guitare
Zack Teran : basse
Miguel Jimenez-Cruz ! batterie

Encore une sorte d’ovni issu de la période pandémique qui se place résolument au Carrefour de bien des genres. Le sextet joue une musique d’aujourd’hui qui emprunte les codes du jazz comme de la musique actuelle. Si la conception paraît clairement jazz, il n’en demeure pas moins que les titres, tous écrits par le leader, dégagent une énergie pop rock, tout comme ils proposent des formes mélodiques qui se développent sur un mode jazz rock fusion. C’est assez étonnant pour être écouté car le sextet est composé de musiciens qui sont tous dans leur genre des tueurs ! Dans l’esprit, c’est plus une musique de groupe qu’une musique de solistes réunis (il y a tout de même des soli). Quand accalmie il y a, elle est généralement d’assez courte durée. A cette aune, les ambiances oscillent entre l’introspectif (passager) et le déclamatoire impétueux, et sont nourries d’un besoin de prendre les tangentes, ce que l’on pourrait aussi appeler un désir de liberté aventureuse. Cette musique est possiblement la photographie d’un bruit du temps entre frayeur en incertitude.


https://shiftingparadigmrecords.bandcamp.com/album/two-legs-bad


  THE KANSAS CITY JAZZ ORCHESTRA . In the key of KC

autoproduction

Eboni Fondren : chant
David Chael, Bob Long, Doug Tailey, Brad Gregory, Mark Cohick : saxophones
Clint Ashlock, Steve Molloy, Bob Harvey, Trent Austin, David Aarberg : trompette
Jeff Hamer, Ezarly Bragg, Steve Dekker, Paul Roberts : trombone
Rod Fleeman : guitare
Charles Williams : piano
James Allbright : contrebasse
Sam Wisman : batterie (1.2.4.6.7)
John Kizilarmut : batterie (3.5)

sortie le 22 septembre

Nous n’avons pas souvenir d’avoir jamais écouté un big band américain mainstream qui soit mauvais. Moyen ? Peut-être. Avec le Kansas City Jazz Orchestra, on est dans le haut du panier (mainstream) ! Mais Kansas city, mecque historique du jazz, pouvait-elle avoir un big band décevant ? Certes non. Si par le passé cet orchestre a rendu hommage à Ellington, Kenton, Goodman, Sinatra, Tormé ou encore Woody Herman, six des sept morceaux de ce disque sont des compositions originales arrangées par les membres de l’orchestre. Seul le Moten Swing de Benny Moten, enregistré en 1932 avec Count Basie au piano, déroge à la règle. Vous ne pourrez pas le rater, il est interprété dans son jus et même l’introduction au piano rappelle le grand ancêtre. Sur One million five, l’intro avec la chanteuse possède un petit air de Lush Life. Mais après tout, est-ce grave ? Pas vraiment puisque avec cet album, le big band fête ses vingt ans d’existence et assume pleinement son parti-pris qui est le suivant : celebrating the past and embracing the future. Une chose est sûre et certaine, le Kansa City Jazz Orchestra swingue dur et il est inutile d’être passéiste pour l’écouter et y prendre plaisir.


https://www.kcjo.org/


  LOCATION LOCATION LOCATION . Damaged goods

Cuneiform Records

Anthony Pirog : guitare
Michael Formanek : contrebasse
Mike Pride : batterie

Drôle de disque sorti fin juin et que nous avons failli manquer ! Enregistré à distance pendant le Covid, le guitariste sur la côte ouest, le bassiste et le batteur sur la côte est et merci Internet, il propose une sorte de rock improvisé, avec des structures complexes (ou quasi inusitées) comme tout bon jazzman sait en pondre. Ces trois-là aurait fait fureur dans l’underground des années soixante-dix du côté de l’expérimental. Leur musique peut être mélodique comme elle peut être grinçante, évidente ou absconse selon les moments. Quelques ajouts d’instrument ont été faits a posteriori mais, pour l’essentiel, les trois musiciens se sont contentés de jouer sur les fichiers qu’ils s’envoyaient. Le résultat est assez inattendu, décalé, et c’est ce que nous aimons. Entre des bribes de mélodies claires, le trio se laissent aller à l’exploration et le moins que l’on puisse dire est qu’ils vont loin dans la recherche. Bref, ils ne se refusent rien et c’est à l’auditeur de plonger à l’aveugle dans leur travail, histoire de considérer ses limites. Il s’agit donc d’un disque libre (au temps des contraintes), un disque de free rock. Peut-être ont-ils inventé le genre d’ailleurs. A découvrir.


https://cuneiformrecords.bandcamp.com/album/damaged-goods


  DIEGO IMBERT QUARTET . Le temps suspendu

Trebim Music

David El Malek : saxophone ténor
Quentin Ghomari : trompette & bugle
Franck Agulhon : batterie
Diego Imbert : contrebasse

Est-ce un hommage à Marcel Proust ? Oui si l’on en croit le texte du disque et les titres des morceaux. Est-ce important de le savoir ? Oui et non, chacun pense ce qu’il veut. Ce qui nous a particulièrement intéressés, c’est que ce quartet (dont c’est le quatrième enregistrement) se présente sans piano. A la trappe l’instrument harmonique et advienne que pourra. Ce n’est pas une nouveauté en soi, Mulligan et Baker l’avaient fait en leur temps (et il est lointain), mais c’est rafraîchissant. Le répertoire écrit par le contrebassiste et leader est taillé pour l’interaction dans l’optique d’un discours collectif. Les quatre musiciens savent prendre des risques et le mélanges des timbres est plus que plaisant à l’écoute. Les mélodies sont ouvragées, sans surcharge, et elles permettent à chacun des protagonistes d’exister. C’est donc un quartet bien huilé (le privilège des formations qui durent, ce n’est pas si courant) et surtout très musical qui prend prétexte à l’exploration des arcanes proustiennes pour construire un projet musical en miroir, élégant et goûteux comme une madeleine. En un mot : convaincant.


https://diegoimbert.com/