TORI FREESTONE & ALCYONA MICK . Make one little room an everywhere

Autoproduction ?

Tori Freestone : saxophone, flute, triangle, compositions
Alcyona Mick : piano, compositions
Brigitte Beraha voix (3.6.8.9)
Natacha Atlas : voix (8)

Tori Freestone et Alcyona Mick signent là leur deuxième album après Criss Cross paru en 2018, si mes souvenirs sont bons. Le titre du disque est un vers emprunté à John Donne (1572-1631) chef de file de la poésie métaphysique anglaise en son temps. La symbiose entre les deux artistes relève de l’évidence absolue. On retrouve sur plusieurs morceaux Brigitte Beraha au chant, mais également Natacha Atlas sur un titre naturellement orientalisant. La grande liberté qui habite les deux artistes les emmène sur les chemins d’une exploration qui enchaîne les subtilités dans des atmosphères changeantes, audacieuses bien souvent, qui interpellent sans cesse l’auditeur. L’apport vocal de Brigitte Beraha participe pleinement à l’élaboration de l’univers particulier de cet enregistrement qui baigne dans une musicalité magique. C’est du grand art. A la flûte ou au saxophone, Tori Freestone projette des sonorités chaleureuses, avec un beau grain, et trace des lignes mélodiques originales. Alcyona Mick quant à elle possède une palette étendue qui complète parfaitement le travail de sa condisciple. on le sait, l’art du duo est toujours un défi. Les deux musiciennes le relève avec une redoutable aisance, à croire que pour elles c’est une seconde nature. Avec ce disque, selon les titres, 1+1=1, 1+1+1=1 et 1+1+1+1=1. Pas très mathématiques, avouons-le, mais diablement musical. Un must que vous ne pouvez ignorer.


https://www.torifreestone.com/
https://www.alcyonamick.com/albums


  JOHN SCOFIELD . Uncle John’s band

Ecm

John Scofield : guitare
Vincente Archer : contrebasse
Bill Stewart : batterie

John Scofield, il doit avoir trouvé le truc qu’on appelle élixir de jouvence. Le temps passe et il surprend encore. Avec ce double album très inspiré, ses collègues et lui font preuve d’une verve épatante. Dès les premières notes, on sent que le trio va affronter les reprises et les compositions originales avec entrain, finesse et détermination. De fait, ces trois-là sont capables en toute circonstance d’emprunter un chemin ou un autre et de demeurer au sommet de leur expression musicale. Rien ne semble pouvoir les déranger. Quand tous les possibles sont à ce point réunis, la musique enregistrée, dans toute sa variété, fait des étincelles. Qu’il s’accapare le dylanien Mister Tambourine Man ou le Old Man de Neil Young (il existe une belle version de ce titre par Brad Mehldau), le trio impose une vision personnelle qui les renouvelle. Le swing et le groove sont bien là et la dynamique qu’ils font naître s’apparente à une machine de précision (si la musique n’était pas aussi habitée, ce serait quasi chirurgical tant tout se tient). La légèreté de Bill Stewart, notamment sur les cymbales, les lignes profondes de Vicente Archer, la précision dont ils font preuve, sont une source de contentement que l’écoute renouvelée affirme plus encore. Avec ces deux musiciens à ses côtés, John Scofield est aérien. L’étendue de son registre est telle que tout passe comme une lettre à la poste, quels que soient les chemins de traverse empruntés. Jazz funk par ici, jazz rock par là, juste jazz ailleurs, les ambiances se succèdent avec une unité de style en tous points époustouflante. A ce niveau de musicalité, d’énergie créative et d’éclectisme maîtrisé, ils ne sont pas nombreux à naviguer, et ce trio est à la proue de l’embarcation, le nez au vent. Indispensable.


https://www.johnscofield.com/


  ANDRE ROLIGHETEN . Marbles

Odin Records sortie le 03 novembre

André Roligheten saxophone ténor
johan Lindström : pedal steel
Mattias Ståhl : vibraphone
Jon Rune Strøm : contrebasse
Gard Nilssen : batterie

Voici un quintet scandinave qui ne manque pas d’aplomb, surtout quand il s’agit de mélanger les timbres. Une batterie, une contrebasse et un saxophone, rien de plus commun, mais si vous ajoutez un vibraphone et une pedal steel, cela devient intéressant. Dans cet album où les contraires aiment à se rencontrer, où le jazz classique se heurte aux dérives (bienvenues) de la modernité exploratoire, rien ne paraît commun. Emplies de vivacité, les interactions entre les musiciens sont l’occasion de démontrer le talent de chacun. C’est néanmoins le collectif qui touche en premier lieu l’auditeur. Le leader dit que c’est une fusion de musique retro-historique et futuriste remettant en question les conventions. Nous sommes d’accord avec lui car la musique alterne les sensations, du concret au biscornu, du terrestre au spirituel. L’entrechoquement entre les genres, aussi surprenant que cela soit, donne une impression de solide homogénéité et elle est, sans conteste, due au talent des intervenants. C’est donc un enregistrement marqué du sceau de l’atypisme comme en propose souvent le jazz septentrional. Recommandé.


https://andreroligheten.com/


  A TONIC FOR THE TROOP . Realm of opportunities

Odin Records

Ellen Brekken : contrebasse
Magnus Bakken saxophone ténor
Espen Berg : piano
Magnus Sefaniassen Eide : batterie

Parmi les pays où le jazz connaît une vie intense et créative, la Norvège fait partie du peloton de tête. Le quartet A Tonic for the troop en est un bel exemple de plus. Sur ce deuxième album tout aussi réussi que le premier, le quartet fait montre d’une énergie exceptionnelle et d’un goût certain pour le mélange. Libres d’esprit, les quatre musiciens soutiennent une communauté d’idées particulièrement riche sans omettre d’exister par eux-mêmes. Entre eux, l’interaction st une seconde nature. Sous la férule de la contrebassiste et leader Ellen Brekken, ils développent un jazz enthousiaste et inspiré qui ne laisse aucune chance à l’insipide et au convenu. Les paysages alternent les ambiances et, sur Artic waltz, l’on retrouve quelque chose du quartet européen de Jarrett à sa grande époque, notamment une manière de définir la progression rythmique et mélodique du thème. C’est remarquablement réalisé, comme l’ensemble du disque, et cela touche l’oreille avec une sûre douceur. Enfin, bien que le trio soit plus que vitaminé, il sait se poser quand une ballade se présente et lui donner la nuance qu’elle requiert. C’est un jazz actuel qui tire le meilleur du passé sans oblitérer le présent et l’avenir.


https://atonicforthetroops.bandcamp.com/album/realm-of-opportunities