encore et toujours de la variété, qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs, capable d’étonner les auditeurs (d’ici ou d’ailleurs)
Le Triton
Sylvain Cathala : saxophone ténors, compositions
Stéphane payen : saxophone alto
Benjamin Moussay : piano modulaire
Jean-Philippe Morel : contrebasse
Franck Vaillant : batterie
Print, le groupe mutant de Sylvain Cathala, a déjà vingt-cinq ans et cet album est le septième d’une lignée dans laquelle il n’y a jamais eu la moindre faute de goût, lignée dans laquelle il y a également toujours eu de l’audace et de la créativité. Certaines formations sont bien nées, n’est-ce pas ? Ce disque recèle une chose à laquelle nous sommes habitués avec Print : un sens aigu de la dramaturgie. Cela se traduit par des ambiances changeantes où les formes et les rythmes sont souvent remis en cause, mais pas que. L’on y trouve aussi une sensualité féroce, des sautes d’humeur musicale étonnantes, une énergie vive et canalisée pour le meilleur, des moments de suspension où le temps semble s’étioler, des accès de lyrisme chaleureux… nous pourrions continuer longtemps dans l’énumération des différents aspects qui constituent la musique de Print. Mais vous vous lasseriez. Sachez juste qu’à ce niveau d’exigence musicale, de créativité, le groupe est leader en son domaine. Et son domaine, c’est celui d’une riche singularité, entretenue avec passion, qui ne transige jamais avec l’aventure, où qu’elle le mène. Le problème, c’est qu’avec un tel niveau d’excellence, de science poétique, on n’écoutera jamais cette formation sur la grande scène d’un raout festivalier estival. On vit une époque formidable.
https://sylvaincathala.bandcamp.com/
Autoproduction
Amanda Gardier : saxophone alto
Charlie Ballantine : guitare
Jess Wittman : contrebasse
Dave King : batterie
Dès le premier morceau de ce nouveau Cd inspiré par les films de Wes Anderson, nous nous sommes dit que l’énergie fluide qui circulait entre les quatre membres du groupe était épatante. La suite de l’écoute l’a confirmé. Amanda Gardier met en place des structures complexes dans lesquelles on ne se perd pas. Ca aussi, c’est agréable. L’élégance de son jeu quant à elle semble étonnamment naturelle. C’est rare. Le quartet, bien appuyé sur la batterie de Dave King (The Bad Plus), propulse sa musique avec une hardiesse audacieuse dans un monde d’impressions denses qui ne lasse pas, loin s’en faut. Les lignes se croisent et se décroisent, le fer est battu chaud, et chacun trouve de l’espace pour affirmer son originalité. Le jeu de guitare de Charlie Ballantine (monsieur Gardier) nous a fait penser à son altesse Scofield (au mitan des années quatre vingt) avec une profondeur spectrale vraiment intéressante qui renforce l’aspect moderne des différents titres composant l’album. Jess Wittman à la contrebasse affirme, lui, avec rondeur et inventivité, une présence indispensable. Alors, même si nous n’avons jamais regardé entièrement ne serait-ce qu’un film de Wes Anderson, nous avons été conquis par les humeurs hautement musicales qu’en a tiré Amanda Gardier. En peu de mots, un quartet et une musique de haut vol que l’on ne peut ignorer.
Collectif Pince-oreilles
Anne Quillier : Fender Rhodes, moog, chant
Pierre Horckmans : clarinette basse, Bb & Eb
Avec ce quatrième disque, le duo Watchdog fête une décennie de musique. Ce n’est pas rien. D’autant qu’elle ne faiblit pas leur musique. Toujours en dehors des genres, des chapelles et autres styles identifiables, elle fait mouche dans nos oreilles par sa poésie première. Peut-être un peu plus aérée (à peine) que par le passé, elle chante et conte ses sept fables avec un souci du détail donnant à chacune d’entre elles une forme complète. Les textures électroniques, que ce soit avec les claviers ou avec les clarinettes, sont un élément central du dispositif créatif et, par association, de leur univers. Mais quels que soient les procédés employés, ce que l’on retient à l’écoute, c’est la liberté du duo, son inventivité et sa capacité à susciter la songerie (qu’elle soit douce ou sombre) grâce une palette sonore nuancée et un sens de l’évidence mélodique qui n’appartient qu’à eux ; quant aux biais empruntés dans la quête imaginaire qui les guide, ils semblent se référer à quelques oracles divinatoires dont eux seuls ont les clefs. Inspiré et sensible, Watchdog creuse plus encore son sillon musical original loin des truismes de l’époque.
https://collectifpinceoreilles.com/Groupes.php?id=13
Hubro
Liv Andrea Hauge : piano
Georgia Wartel Collins : contrebasse
August Glännestrand : batterie
Ce trio norvégien piano/contrebasse/batterie possède suffisamment de personnalité pour ne pas tomber dans la banalité de nombre d’autres trios qui prennent la poussière sur nos étagères. Certes, il nous a fait penser ici et là au trio européen de Keith Jarrett ou encore à Brad Mehldau (deux joyeux drilles), ce dont la pianiste et leader ne se cache pas d’ailleurs. Ceci dit, les compositions proposent des mélodies imparables avec ce que je ne sais quoi de typiquement septentrional qui ouvre à coup sûr les portes de la rêverie. La pianiste possède un sens du phrasé fort intéressant qui allie fluidité et rupture avec un bel aplomb tandis que la contrebassiste sait extirper de son instrument des sonorités joliment alternatives. Le batteur, au diapason de ses collègues, ne fait que dans la finesse et c’est très bien comme ça, d’autant plus qu’il est lui aussi capable de sonorités décalées agréablement surprenantes. Si l’on excepte un titre librement improvisé hors des sentiers battus, le reste de l’album offre à l’auditeur un lyrisme musical, souvent en demi-teinte, qui ne laisse pas insensible.