Au menu #2 : François CHESNEL ; Angelo DEBARRE ; Nguyen LÊ ; OCTURN ; Enrico PIERANUNZI ; S. & G. MIRABASSI ; TRIBE ; Eric WATSON ; La ZONE DE RAMSEY HUNT.
Cette fois, l’année 2009 s’achève... Il est encore temps pour vous présenter des disques qui ont retenu notre attention au cours de ces dernières semaines, à des degrés divers pour plus ou moins de bonheur. Dans la dernière "vitrine" de l’année, le jazz prend une fois encore des teintes contrastées.
Du jazz manouche "pur jus" à l’électro tonique de Carl Craig ou plus évaporée (Octurn), nous passons par les pianos d’Eric Watson, de François Chesnel ou d’Enrico Pieranunzi et nous voguons vers l’Orient avec Nguyen Lê... Des escales pour tous les goûts !
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> Petit Label 019 - distribution Les Allumés du Jazz et www.petitlabel.com
François Chesnel : piano / Yoann Loustalot : trompette et bugle / Éric Surmenian : contrebasse / Ariel Mamane : batterie
01. Trouble Man / 02. Wie lange noch / 03. Ballade de l’esclavage des sens / 04. Speak Low / 05. Liebeslied / 06. Soul of Things (T. Stanko) // Enregistré le 1er avril 2007 au D.O.C. (14 - France)
Cet enregistrement aurait peut-être pu voir le jour sur le label ECM (il a été proposé à Steve Lake Le bras droit de Manfred Eicher au sein du célèbre label munichois)... Eh bien non, c’est le Petit Label qui le publie. L’objet est donc rare par le nombre d’exemplaires produits, la pochette carton sérigraphiée et... pas cher... Qu’on se l’arrache et vite ! Car ce disque, le premier sous le nom de François Chesnel (quartet), est une très belle œuvre collective. Superbes compositions de Kurt Weill (et de Tomas Stanko en conclusion) arrangées avec finesse pour le chant de Yoann Loustalot, précis et souple à la trompette, délicieusement velouté au bugle. Il confirme ici son excellence, tout comme Éric Surmenian, un must de la contrebasse en Europe. Au piano, François Chesnel apporte un soutien inspiré et fait preuve d’une inspiration constante, bien soutenu par le drumming attentif d’Ariel Mamane.
Un très beau disque, accessible par son répertoire et créatif dans la forme, qui mérite de toucher un large public et rappelle que François Chesnel est un pianiste certes discret mais exigeant et inventif. [1]
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> Le Chant du Monde CDM 153 - distribution Harmonia Mundi
Angelo Debarre : guitare / Marius Apostol : violon / Tchavolo Hassan : guitare / Antonio Licusati : contrebasse
12 titres dont 10 compositions d’Angelo Debarre
Le label Le Chant du Monde a fait du jazz manouche sa spécialité n°1 avec une production volumineuse qui met en évidence l’intérêt du public pour un style qui mêle virtuosité des interprètes, simplicité des formules instrumentales et attrait de mélodies un rien rétro... Angelo Debarre incarne parfaitement avec ce disque une conception orthodoxe du jazz manouche (en témoignent les photos devant une roulotte "old style"...).
Encore une fois, nous nous garderons bien d’émettre un avis sincère et honnête sur une musique qui ne nous touche guère sans nous déplaire. Ce disque, comme beaucoup d’autres s’écoute fort agréablement mais nous trouvons de réelles émotions dans d’autres univers... Les amateurs sauront sans doute apprécier cette production de qualité à sa juste valeur.
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> ACT records ACT 9482-2 - distribution Harmonia Mundi
Nguyên Lê : guitares, synthétiseurs, ebow, harpe à bouche... / Mieko Miyazaki : koto, vocaux / Prabhu Edouard : tablas, percussion, vocaux // + invité : Hariprasad Chaurasia : flûte bansuri (sur 2, 3 & 5)
01.Sweet Ganesh / 02.Autumn Wind / 03.Mina Zuki / 04.Mayur / 05.Sangam / 06.Azur / 07.Izanagi Izanami / 08.Hen Ho / 09.Nanae Goromo / 10.Ila // Enregistré aux studios Louxor - Paris en avril et mai 2009
A la première écoute, il est difficile de ne pas rapprocher ce projet du groupe Shakti qui, naguère, associait la guitare de John McLauglin à des musiciens indiens. Cependant, à la différence du guitariste anglais issu de la culture occidentale, Nguyen Lê a conservé des attaches fortes avec ses origines vietnamiennes. Les musiciens qu’il a réunis traduisent sa volonté d’ouverture de l’Orient vers l’Occident, formés aux pratiques traditionnelles et ouverts aux cultures planétaires. Venus du Japon et d’Inde, ils ont enregistré ce disque à Paris. L’ensemble est d’un grand raffinement et les modes de jeu témoignent d’une volonté d’équilibre entre écriture et improvisation traitée sous l’aspect traditionnel, enrubannée des apports technologiques contemporains et souvent proche des univers du jazz à travers le jeu du guitariste.
Un joli disque, intéressant et varié mais qui ne parvient que rarement à nous émouvoir vraiment...
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> Label Octurn 02 A&B - 2CD - distribution Anticraft
Lynn Cassiers : voix / Jozef Dumoulin : fender rhodes, claviers / Bo Van der Werf : saxophone baryton, ewi / Fabian Fiorini : piano / Nelson Veras : guitare / Jean-Luc Lehr : basse / Gilbert Nouno : electronics / Chander Sardjoe : batterie // avec la participation de Guillaume Orti et Dré Pallemaerts (mixage).
CD 1 : 16 titres / CD 2 : 17 titres // Enregistré live en mars 2009 à Bruxelles (+ enregistrements additionnels)
Pourquoi donc donc publier des doubles CDs de 33 titres ? Admettons que cette musique installe dans la durée ses ambiances particulières, ses rythmes subtilement bancales et ses mélodies flottant sur des nuages électroniques, mais que de longueurs ! Une fois les coupes faites, ces 7 yeux (3 paires 1/2 ?) donnent à entendre (avec combien d’oreilles ?) des choses fort intéressantes... Il faut dire que Josef Dumoulin et ses apôtres ne sont pas des bras cassés, loin de là ! Le saxophone baryton de Bo Van der Werf apporte de la profondeur aux lignes souvent évaporées de l’ensemble, de même que la guitare de Nelson Veras fort inventive et moins introvertie dans ce contexte qu’ailleurs.
Au final, l’impression se partage entre une sorte de fascination pour un concept à fort potentiel et le regret d’une perte de sens dans une durée excessive... Si on en croit Alain Gauthier, il faut aussi (surtout ?) aller les écouter live (lire sa chronique enthousiaste !).
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> Cam Jazz CAMJ 7824-2 - distribution Harmonia Mundi
Enrico Pieranunzi : piano solo, compositions et improvisations
01. Teensblues / 02. Wandering 1 / 03. Fermati a guardare il giorno / 04. Improstinato 1 / 05. Wandering 2 / 06. Foor-fee / 07. Improvisions 1 / 08. Rosa del mare / 09. Dark / 10. Wandering 3 / 11. Improvisions 2 / 12. Wandering 4 / 13. Improstinato 2 / 14. For my true love // Enregistré à Cavalicco (Italie) le 12 mars 2007.
Existe-t-il de mauvais disques d’Enrico Pieranunzi ? On peut en douter même sans connaître la totalité de l’œuvre enregistrée du pianiste romain... (qui enregistre beaucoup !) Wandering est en tous points remarquable parce qu’Enrico Pieranunzi y pratique très largement la composition spontanée. Pour ne pas dire qu’il improvise car chaque pièce possède une identité particulière dans un ensemble construit avec cohérence comme le montre la série des Wandering, de 1 à 4.
D’entrée, Teensblues évoque Monk avec une succession d’accords fermement plaqués. On déambule ensuite, en suivant l’air du temps, les airs et les conceptions du temps que le pianiste construit au gré de son inspiration... Des mélodies à faire fondre émergent ici et là (Fermati a guardare il giorno, Rosa del mare, For my true love.. ;), oasis de fraîcheur dans un paysage musical contrasté, du grave au très limpide, où s’affirme une des conceptions les plus abouties du piano contemporain.
Remarquable !
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> Bee Jazz BEE 038 - distribution Abeille Musique
Stéphane Spira : saxophone soprano et ténor (sur 6) / Giovanni Mirabassi : piano
01. 21 places des Vosges / 02. Twilight song / 03. Spirabassi / 04. Alfonsina y el mar / 05. N.Y time / 06. Dear Lord / 07. Samba Phil / 08. Sabiha / 09. Mata hari / 10. Pra dizer adeus
Un duo qui livre un disque vrai, sans esbroufe, en toute musicalité. Le lyrisme domine sans étouffer la finesse des voix du pianiste et du saxophoniste. Ces deux-là partage à l’envie l’espace sonore avec une justesse de ton singulière. L’album, dédié par Stéphane Spira à son père, apprivoise l’auditeur sans difficulté aucune.
Entre fragrances italianisantes et arômes parisiens, la musique semble nous faire ses confidences. Dans le registre du duo, c’est un disque apaisant et une réussite incontestable.
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A Carl Craig Production
> Planet E Communications 6104735 - distribution Discograph
Carl Craig : platines, claviers, électronique, direction musicale / Wendell Harrison : saxophones, clarinette / Marcus Belgrave : trompette / Doug Hammond : batterie / Phil Ranelin : trombone...
01. Livin’ In A New Day / 02. Glue Finger / 03. Denekas Chant / 04. Vibes From The Tribe / 05. Son Of Tribe / 06. Jazz On The Run / 07. Ride / 08. Lesli / 09. 13th And Senate / 10. Where Am I / Enregistré en 2009
"Rebirth", c’est effectivement la renaissance du collectif Tribe orchestrée ou plutôt mise en orbite par le génie des musiques électroniques, Carl Craig.
L’histoire commence à Detroit au début des années 70. Dans la dynamique des mouvements de libération du peuple noir aux USA, un collectif de musiciens se crée à Detroit autour d’un label indépendant : Tribe Records. Plus axés sur les grooves du funk et de la soul que l’AACM [2] de Chicago ou le BAG [3] de Saint-Louis, ce collectif était porté par un même idéal social et politique. Cette aventure collective ne dura que 5 ans mais aujourd’hui, Carl Craig (né en 1969) fait revivre le son de l’époque à travers le filtre des technologies actuelles utilisées dans le meilleur sens : une parfaite association des instruments acoustiques et de l’électronique qui ne trahit jamais l’esprit originel de la Great Black Music.
Un disque qu’on adopte rapidement dès lors qu’on aime les couleurs cuivrées et l’efficacité des musiques populaires noires servies par des solistes de très haut niveau au jeu bien trempé qui disposent d’espace et de liberté pour s’exprimer. Un disque concept, sans doute, mais qui ne dérive jamais vers le simplisme des musiques synthétiques et mécaniques.
Vivement recommandé !
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> Emouvance émv 1030 - distribution Les Allumés du Jazz
Eric Watson : piano / Élise Caron : voix / Régis Huby : violon / Claude Tchamitchian : contrebasse
01. Midnight Torsion / 02. Nevermore / 03. The visitor / 04. Purple Curtain / 05. Lenore / 06. Midnight Torsion II / 07. Midnight Extortion / 08. The Whispered Word / 09. Chasing The Raven / 10. The Chamber Door // Musique inspirée du poème d’Edgar Allan Poe, Le Corbeau (traductions de S. Mallarmé et C. Baudelaire) // Enregistré du 27 au 29 décembre 2008 au Studio La Fonderie, à Malakoff par Walter Quintus.
Ce disque résulte d’une démarche de création mêlant la danse et la musique avec comme source d’inspiration un poème d’Edgar Allan Poe, Le Corbeau. Le projet, Lettres, a été créé en 2007 en collaboration avec la compagnie du chorégraphe Charles Cré-Ange. "Après plusieurs représentations de "Lettres", apparut chez l’ensemble des musiciens le désir de jouer cette partition en dehors du contexte pour lequel elle avait été conçue" précise Eric Watson dans le texte du livret qui accompagne ce disque au climat fascinant.
Midnight Torsion est une œuvre structurée par une écriture qui se réfère aux formes de la musique du XXe siècle par une instrumentation qui allie les cordes (violon et contrebasse), le piano et la voix. Elle conserve néanmoins un sens de la liberté par la présence de l’improvisation et des pulsations suggérées qui lui donnent une âme que renforce la présence d’Élise Caron dont la voix se fond dans l’ensemble avec raffinement.
Inclassable, presque austère mais plutôt passionnant !
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> Autoproduction 2009 - commande par courriel : lazonederamseyhunt@gmail.com
Antoine BAUP : Fender Rhodes, claviers / Remi MEILLEY : batterie, samples / Emmanuel VIGREUX : Clarinette, clarinette basse // invitée, Cécilia Lerouge : Violoncelle
6 titres enregistrés en février 2009.
Une formation basée en Bourgogne qui s’étiquette "jazz-fusion"... Une appellation (incontrôlée ?) qui, bien souvent nous rebute un peu (on a entendu tellement de sons et de rythmes et bien peu de musique dans ce domaine au fil des années !). La Zone de Ramsey Hunt parvient à affirmer sa différence au point qu’on ne pourrait que leur conseiller d’abandonner les étiquettes pour être eux-mêmes et continuer à développer une musique qui ne manque pas de qualités. On note la présence intéressante d’une clarinette basse et une formule en trio (+ violoncelliste invitée) qui devrait permettre d’éviter l’étouffement. D’une manière générale, la musique gagnerait sans doute à ménager des espaces et des respirations... C’est encore très bavard à notre goût !
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[1] En 2010, on pourra écouter François Chesnel avec le quintet bas-normand Renza Bô sélectionné par l’Association des Festivals Innovants en Jazz et Musiques Actuelles pour la tournée Jazz Migration. À ce titre, il se produira dans de nombreux lieux en France et ailleurs.
[2] Association For The Advancement of Creative musicians
[3] Black Artists Group