Au menu :


  Michael ALIZON – Jean-René MOUROT : "Les Couloirs du Temps"

Michael ALIZON – Jean-René MOUROT : "Les Couloirs du Temps"
Michael ALIZON – Jean-René MOUROT : "Les Couloirs du Temps"
Momentanea

Le processus de création m’émerveille toujours. L’entente entre les musiciens également. Nous en avons une belle illustration dans ce duo à paraître en avril prochain ! D’un côté un saxophoniste ténor hard-bop tendance breckerienne qui enseigne au Conservatoire de Strasbourg, j’ai nommé Michael Alizon. De l’autre un jeune pianiste à la maturité confondante, Jean-René Mourot, passé par le dit conservatoire et dont j’ai déjà eu l’occasion de dire le plus grand bien dans la chronique de son dernier disque (voir ici). Les Couloirs du Temps quant à lui, est le résultat de la dernière résidence du saxophoniste à Strasbourg, en co-écriture avec le pianiste et un fil rouge bien particulier, celui du temps ou du tempo, mais surtout du temps présent et de l’instantané. Le résultat est là, unique et original : nous sommes au temps plus-que-parfait avec une patte bien particulière qui n’appartient qu’à eux, nourrie de leurs influences respectives.

Déjà un petit clin d’œil malicieux aux Visiteurs que nous sommes qui plongeons dans Les Couloirs du Temps par Le Monde des Ondes, une belle porte d’accès où les deux musiciens se livrent à une superbe joute au fleuret pour mieux nous emmener par une nouvelle fenêtre dans un espace-temps dont ils sont les seuls maîtres . Nous voilà vite Hors Champ dans une séquence où ils tirent les ficelles en retrait d’un scénario muet intensément attachant. Le temps de l’enfance et de ses boîtes à musique surgit dans la Photo d’Enfance en Noire et Blanche à l’expressivité touchante, pour glisser Subrepticement dans un échange de haut vol qui explore toutes les couleurs sonores. Alizon nous joue dans le creux de l’oreille le Temps Confidentiel, accompagné par Mourot qui Bille en tête attaque une conversation profonde et animée des plus intéressantes. Entretant, un petit interlude nous amène En Aparté dans leur magnifique jardin secret qu’ils veulent bien nous faire visiter, avant de nous confier qu’ils ont Le Blues de l’Écolo ! Nous, on a le blues que ce soit déjà terminé… Mais nommer les choses, c’est souvent les dénaturer et rompre la poésie, là où il suffit simplement d’écouter et apprécier ce duo remarquable en se taisant et fermant les yeux… Merci à vous deux pour ce beau moment !

.::F.D.: :.


  Sylvain BEUF – Michel PEREZ – Diego IMBERT : "Triple Entente"

Sylvain BEUF – Michel PEREZ – Diego IMBERT : "Triple Entente"
Sylvain BEUF – Michel PEREZ – Diego IMBERT : "Triple Entente"
Trebim Music

Il existe comme ça des plats que l’on peut resservir à satiété. Jamais repu !!! Des façons de faire, en particulier en musique, qui fonctionnent depuis… depuis fort longtemps alors pourquoi s’en priver. Par exemple le contrafact ou le fait de créer une nouvelle mélodie sur une trame harmonique préexistante : en jazz les exemples fourmillent, Donna Lee de Miles Davis est le contrafact d’Indiana, Groovin’ High l’alter ego de Whispering, Evidence de Monk celui de Just You Just Me, j’en passe. Faut pas être bien sorcier pour deviner que le Corps et Ames du CD du trio Triple Entente qui nous intéresse ici est construit sur Body and Soul, Dream Team sur You Stepped out of a Dream, Last Moments sur All The Things You Are, encore plus évident Confirm est le calque de Confirmation, moins aisé à deviner Intérieur Bleu est dans la vie courante Out of Nowhere, nous ne ferons pas l’injure de demander d’où provient Tikos Tikos. Dauphin Bleu, Azul et Amarillo nous ont résisté, personne n’est parfait, mais certaines tourneries nous sont familières. Une seule reprise dans cet enregistrement : Lennie’s Pennies de Lennie Tristano, contrafact de Pennies for Heaven lui même déjà inspiré de I Can’t Give you Anything But Love. Il est d’ailleurs possible de trouver dans l’ensemble de l’album une forte parenté avec l’esthétique tristanienne dans la souplesse et la fluidité des lignes qui brisent les carrures. Alors quoi, est-ce tout, est-ce suffisant ? Non bien évidemment, rien de l’exercice gratuit ici. Ce disque en évite les clichés, il en est même le plus parfait contre-exemple et l’on saura apprécier les soli de nos trois amis sans quoi tout cela ne serait que babillages. Qui plus est, et ça n’est pas superflu par les temps qui courent, cet enregistrement à un rapport généreux avec le je-ne-sais-quoi du bonheur.

.::P.G: :.


  KRONIX : "Kronix"

KRONIX : "Kronix"
KRONIX : "Kronix"
Fresh Sound New Talent

Encore une histoire de copains qui se perdent de vue et se retrouvent en ayant beaucoup de choses à se dire car, entre temps, chacun a suivi un chemin musical riche et constructif.
Sacrée histoire de musiciens baladeurs. Ils ont suivi leurs études musicales dans le même collège au Canada mais Alex Maksymiw a été attiré, loin de l’autre côté de l’Atlantique vers ses racines ukrainiennes. De son côté, Peter Van Huffel a suivi un chemin quasi similaire pour aller s’installer à Berlin en 2008. C’est en Ukraine et en Pologne que les deux canadiens ont ébauché ce duo il y a un peu plus de trois ans. Aujourd’hui, à Berlin, Kronix est devenu une entité duelle et ce duo possède un registre et un potentiel musical et sonore tout à fait captivants comme le prouve ce disque. Ces deux là ne manquent ni de ressources ni d’imagination : la technicité de leur jeu instrumental est constamment au service de leur musique aux couleurs et aux textures changeantes.
Voilà six ans (déjà !) que nous suivons le parcours escarpé et contrasté suivi par le saxophoniste Peter Van Huffel. Depuis le quartet de "Like the Rusted Key" jusqu’au trio Boom Crane en passant par le punk-jazz de Gorilla Mask... Alex Maksymiw, lui, est une découverte plus récente avec un disque très solide, "Without a word" (quartet - octobre 2015->http://article2777#47]), mais aussi dans le quartet du contrebassiste ukrainien, Konstantin Ionenko (Noema - mars 2016). L’un comme l’autre ne nous a jamais laissé indifférent et réunis dans ce duo, ils font vraiment la somme de leurs talents pour nous proposer une déclinaison moderne du dialogue sur le terrain du jazz, libre mais contrôlée où la musique sait aussi jouer avec le silence, où la force du jeu sait aussi se murmurer. Une réussite.

.::TG: :.


  Esperanza SPALDING : "Emily’s D + Evolution"

Esperanza SPALDING : "Emily's D + Evolution"
Esperanza SPALDING : "Emily’s D + Evolution"
Concord

On en connaît chez Concord / Universal qui ont dû s’arracher les cheveux en écoutant les bandes de la dernière création d’Esperanza Spalding. C’est quoi ce truc ? Trop compliqué pour une tête de gondole ! Ces rythmiques bizarres, ces chœurs étranges, ces bruitages itératifs, qu’est-ce ? Et puis cette étrange idée consistant à se cacher derrière un double, Emily (son deuxième prénom). Le grammy en puissant déstabilisateur a-t-il déclenché un problème latent de santé mentale ? Schizo ? Il y a donc cette espèce de rock tantôt psychédélique, tantôt lyrico-tordu, ces constructions musicales trop shorteriennes pour être honnêtes, trop jonimitchelliennes pour n’être que pop, aux accents d’enfadolescence (avec posters de Nirvana dans la piaule, journal intime et pensées inavouables) baignés dans des textes d’un post-existentialisme beckettien douteux. N’est-ce pas un peu beaucoup trop à la folie tout à la fois ? La pochette et le clip trop surréalistico-barrés pour être honnêtes, franchement ? Qui veut faire passer Miles pour un amish ? Quoi qu’on en pense, Esperanza Spalding est une musicienne qui semble ne pas se poser trop de questions. Le traitement infligé à ses aficionados est radical. Et nous, la radicalité, on aime bien. On ne saurait vous dire si ce CD est le fruit conceptuel d’une recherche artistique ou si c’est juste une (im)posture médiatique, mais c’est plutôt bien ficelé. Elle chante avec conviction et derrière ça joue propre. Presque trop. Une chose nous semble certaine : ce n’est pas aussi original qu’il y parait de prime abord. Cela peut néanmoins être considéré comme une synthèse agréable de courants musicaux déjà anciens dans un univers musical plus contemporain.

.::Y.D: :.


  Lou TAVANO : "For You"

Lou TAVANO : "For You"
Lou TAVANO : "For You"
ACT

Nous avions découvert Lou Tavano en 2009 au festival Jazz à Fareins (2009 - lire ici). C’était à l’époque une très jeune et prometteuse chanteuse dont nous avions noté la beauté du timbre vocal. Moins classiquement jazz aujourd’hui, Lou Tavano a développé une personnalité musicale ne manquant pas d’une réelle épaisseur. Le travail de composition avec son alter ego Alexey Asantcheeff donne à son nouvel enregistrement l’aspect d’un kaléidoscope reflétant différentes formes musicales au gré des histoires contées, quelle que soit la langue utilisée. C’est très expressif et, par certains côtés, l’on a pensé à Rebekka Bakken (façon « Be loved » ou « Scattering poems ») qui d’ailleurs était chez ACT à l’époque dont on vous parle. L’intérêt de ce disque provient également de la cohésion du collectif qui accompagne et soutient la chanteuse. Loin des produits formatés, Lou Tavano se démarque par la sincérité de sa démarche. C’est assez rare pour être signalé et nous lui souhaitons de conserver cette authenticité sans laquelle rien ne peut s’accomplir vraiment.

.::Y.D: :.


  Les références, détails et liens :

Michael ALIZON – Jean-René MOUROT : "Les Couloirs du Temps"

> Momentanea - MOM005 / Socadisc

Michael Alizon : saxophones / Jean-René Mourot : piano

01.Le Mondes des Ondes (Alizon) / 02. Hors Champ (Mourot) / 03. Photo d’enfance en noire et blanche (Alizon) / 04. Subrepricement (Mourot) / 05. Temps confidentiel (Alizon) / 06. Bille en tête (Alizon) / 07. Entretant (Mourot) / 08. En aparté (Alizon) / 09. Le blues de l’écolo (Alizon) // Enregistré au studio Jazzophone (Strasbourg, 67) le 9 mai 2015.

Sylvain BEUF – Michel PEREZ – Diego IMBERT : "Triple Entente"

> Trebim Music - TREBMUS052 / L’Autre Distribution (parution le 29/04/2016)

Sylvain Beuf : saxophones / Michel Perez : guitare / Diego Imbert : contrebasse

01. Confirm (Perez) / 02. Lennie’s Pennies (Tristano) / 03. Intérieur bleu (Beuf) / 04. Corps et âmes (beuf) / 05. Dream Team (Imbert) / 06. Amarillo (Perez) / 07. Tiko Tikos (Beuf) / 08. Le dauphin bleu / 09. Azul (Perez) / 10. Last Moment (Beuf) // Enregistré en France en avril 2015.

KRONIX : "Kronix"

> Fresh Sound New Talent - FSNT 488 / Socadisc

Peter Van Huffel : saxophone alto / Alex Maksymiw : guitare

01. The Charmer / 02. Excerpt Two / 03. Slow Burn / 04. Anyhow / 05. The Dreamer / 06. Petrichor / 07. Drift / 08. Happenstance / 09. Fuse / 10. Anyhow – seconde prise // Enregistré à Cologne (Allemagne) le 22 février 2015.

Esperanza SPALDING : "Emily’s D + Evolution"

Ce disque figure dans la "Pile de disques" de mars 2016, ici...

> Concord - 008880723822657 / Universal

Esperanza Spalding : basse, voix / Matthew Stevens : guitare / Karriem Riggins : batterie

01. Good Lava / 02. Unconditional Love / 03. Judas / 04. Earth to Heaven / 05. One / 06. Rest in Pleasure / 07. Ebony and Ivy / 08. Noble Nobles / 09. Farewell Dolly / 10. Elevate or Operate / 11. Funk the Fear / 12. I Want It Now // Enregistré aux USA en 2015 (?)

Lou TAVANO : "For You"

> ACT - ACT 9733-2 / Harmonia Mundi

Lou Tavano : voix / Alexey Asantcheeff : piano, voix parlée en russe / Arno de Casanove : trompette, bugle / Maxime Berton : saxophones ténor et soprano, clarinette basse, flûte alto / Alexandre Perrot : contrebasse / Ariel Tessier : batterie // Chœurs et percussions par Lou Tavano et les musicien

01. Quiet Enlightenment (Asantcheeff-Tavano) / 02. Emotional Riot (Asantcheeff - Tavano) / 03. The Letter (Asantcheeff) / 04. Rest Assured (Asantcheeff) / 05. L’ Artiste (Asantcheeff - Tavano) / 06. For You (Asantcheeff) / 07. It‘s A Girl (Asantcheeff - Tavano) / 08. The Call (de Casanove) / 09. Baboushka (Asantcheef - Tavano) / 10. Petite Pomme (Asantcheeff-Tavano) / 11. All Together (Asantcheeff- Tavano) / 12. Afro Blue [Bali Hues] (Santamaria - Brown) / 13. Through A Nightmare (Asantcheeff - Tavano) // Enregistré au Studio de Meudon (France)en juillet 2015.