Au menu : Wadada Leo SMITH (America’s National Parks), TAB (Seahorse), URSUS MINOR And More (What Matters Now), Daniel ZIMMERMANN (Montagnes russes).
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Wadada Leo Smith est un musicien majeur du jazz afro-américain, excellent trompettiste mais aussi artisan visionnaire des musiques libres et créatives. Malgré cela, on ne peut pas dire qu’il encombre les affiches des festivals français (à de rares expressions près). Il y a quelques mois, un de ses (quasi-)disciples, le pianiste Vijay Iyer avait dialogué avec lui sur le très beau « a cosmic rhythm with each stroke » (ECM - mars 2016). En cet automne 2016, Wadada Leo Smith nous propose une œuvre majeure pour célébrer à sa manière le centenaire des parcs nationaux américains. S’écartant de toute idées descriptive à partir ces espaces naturels souvent grandioses (qu’il n’a d’ailleurs pas visités pour l’occasion !), il a retenu la dimension spirituelle et psychologie contenue dans l’idée même de les protéger pour qu’ils deviennent la propriété collective des citoyens. Pour donner vie à ce projet, il convoque son Golden Quintet, formidable réunion de musiciens légendaires et d’amis de plus de 30 ans (si l’on excepte jeune la violoncelliste Ashley Waters). Les compositions s’étirent dans de vastes étendues, laissant chaque voix émerger, s’exprimer, s’unir aux autres et laisser place au(x) silence(s). Solistes toujours inspirés qu’on ne devrait plus présenter si on leur accordait la reconnaissance qu’ils méritent, Anthony Davis, John Linberg, Pheroan AkLaff et Ashley Waters ne sont jamais à court d’idées et prennent le temps de les exposer avec un sens rare de la mesure et du contrôle de soi. Le leader agit en maître spirituel, sa trompette illumine cette musique et guide le cheminement du groupe dans un élan de complicité tranquille.
Une œuvre d’une intensité et d’une force exceptionnelles, où l’on suggère l’essentiel sans l’envelopper de superflu. C’est assez rare.
.::T.G.: :.
TAB , un nom court et concis pour un second disque à la pochette sobre et élégante comme la musique du trio d’Alex Beaurain ( deux guitares acoustiques ), avec Tom Bourgeois aux saxophones et clarinette basse et Frédéric Malempré aux percussions. J’avais remarqué ce trio belge avec un grand plaisir l’an passé au Théâtre des Doms à Avignon, qui comprenait Frédéric Becker au saxophone soprano et bansuri à la place de Tom Bourgeois ( il a prêté néanmoins son concours au bansuri sur un morceau de Seahorse ). Le premier album du trio, Himeros en 2014 avec ce dernier avait d’ailleurs remporté un succès mérité. Seahorse comporte à nouveau des compositions toutes originales pour lesquelles le guitariste s’imprègne de ses voyages effectués principalement en Asie où il se produit beaucoup, ce qui donne une coloration particulièrement chatoyante et dépaysante à cette musique. Formé au CIM de Paris et passé ensuite par Toulouse, Alex Beaurain s’est installé à Bruxelles où il multiplie les projets du solo au quintet avec bonheur.
Sur ce disque, le fil conducteur du premier disque continue avec un raffinement qui se confirme dans les sonorités inédites et chaudes, et ce dès Mystic Wood qui ouvre le disque, conjuguant à la fois un univers jazz et l’autre plus exotique grâce à la couleur des trois instruments à l’association inédite. Quelques courts interludes ponctuent le disque ( trois Snapshot, duos entre clarinette basse, guitare ou percussions ) qui sont autant de futures possibilités à explorer et on ne doute pas de l’aptitude des musiciens à le faire. Le titre éponyme en deux déclinaisons a la grâce des hippocampes se balançant doucement dans le courant, la légèreté de la guitare contrebalancée par la clarinette basse ou le saxophone ténor et les percussions variées dont use Frédéric Malempré également dans Halotouktouk joué l’an passé il me semble avec l’impressionnante flûte indienne bansuri de Frédéric Becker. Des paysages variés très inspirés ( on n’est pas étonné qu’ Alex Beaurain soit également photographe ), des moments comme suspendus, des surprises. Bref, une musique sereine qui doit plaire énormément en Asie tant elle invite à se poser et apporte de la quiétude. Ce serait dommage que leur tournée ne les amène pas chez nous !
.::F.D.: :.
Tu fais ce que tu veux. Tu poses les bonnes réponses aux mauvaises questions. Le mot « frontière » ne t’évoque rien. La compromission t’énerve. Tu préfères Bernie à Hillary Trump. Si tu es français, tu ne sais pas qui choisir entre tous. Tu as besoin d’énergie et l’improvisation est part intégrante de ton mode de vie. Tu aimes la poésie. Militant n’est un mot ordurier pour toi. Tu aimes la musique aussi. Tu préfères mêler les single malt que boire un blend. Alors tu écoutes Ursus Minor et plus encore leur dernier disque : URSUS MINOR And More - « What Matters Now » Parce que c’est ce qui compte maintenant. Et pour les ceusses qui pensent que ce n’est pas une chronique de disque vu que l’on ne s’extasie pas sur le si bémol diésé septième à 3mn 42s sur la onzième plage et que l’on n’a pas jugé bon de remarquer l’étirement des tempi, surtout sous le bras gauche, et bien sachez qu’on en a rien à foutre, on écoute Ursus Minor en mode majeur. Compris ?
.::Y.D.: :.
On ne s’ennuie pas une seconde en écoutant le second opus très roller coaster en leader du tromboniste Daniel Zimmermann. Il est ici accompagné d’une équipe de choc en quartet dont on n’a plus à démontrer la qualité : Pierre Durand à la guitare, Jérôme Regard à la basse et contrebasse et Julien Charlet à la batterie. Nominé aux Victoires du Jazz 2014 pour son dernier album Bone Machine, Daniel Zimmermann s’y affirme une fois de plus en maître incontestable de cet instrument pas facile à travers onze compositions toutes originales.
Une récréation ou re-création réussie, puisque les influences du tromboniste y sont assumées avec bonheur : du funk rock de sa jeunesse au jazz actuel en passant par les racines New-Orleans, on aurait pu craindre en lisant les premières critiques à un mélange racoleur. Il n’en est rien : embarqués en confiance dès le premier titre très doux Au Temps ôtant, le tempo accélère tranquillement dans une ambiance festive sur Mamelles où le jeu de Pierre Durand éclate, lui dont l’éclectisme ne pouvait que s’accorder avec celui de Daniel Zimmermann. Et la fête foraine continue que l’on verrait aisément déambuler dans les rues de La Nouvelle Orleans. Je suis la Mountain Girl prête à leur emboîter le pas Dans le nu de la vie au rythme de la grosse caisse de Julien Charlet. Morceau ensorcelant autant par le jeu hypnotique du batteur que par celui totalement envoûtant de Zimmermann tandis que la guitare emmène très vite au septième ciel. La Mademoiselle que je suis redevenue a apprécié les montées éblouissantes (Monsieur Squale) et les descentes vertigineuses, autant que les accalmies : voilà la réussite de ce quartet qui exprime le savoir-faire de chacun, Jérôme Regard étant le brodeur et décorateur ultime d’un bel ouvrage à quatre ! Tiens aujourd’hui il ne fait pas beau, mais c’est pas grave, Come on baby et embarque avec moi sur les Montagnes Russes ! Et Believe me, tu vas apprécier !
.::F.D.: :.
Wadada Leo SMITH : "America’s National Parks"
> Cuneiform - Rune 430/431 (2CDs) / Orkhêstra
Wadada Leo Smith : trompette, direction / Anthony Davis : piano / Ashley Walters : violoncelle / John Lindberg : contrebasse / Pheeroan AkLaff : batterie / (Jesse Gilbert : artiste vidéo)
CD 1 : 01. New Orleans : The National Culture Park USA 1718 / 02. Eileen Jackson Southern,1920-2002 : A Literary National Park / 03. Yellowstone : The First National Park and the Spirit of America – The Mountains, Super-Volcano Caldera and Its Ecosystem // CD 2 : 01. The Mississippi River : Dark and Deep Dreams Flow the River –
a National Memorial Park c. 5000 BC / 02. Sequoia - Kings Canyon National Parks : The Giant Forest, Great Canyon, Cliffs, Peaks, Waterfalls and Cave Systems 1890 / 03. Yosemite : The Glaciers, the Falls, the Wells and the Valley of Goodwill 1890 // Enregistré le5 mai 2016 May 5, 2016 au Firehouse 12 Recording Studio, New Haven, CT (USA).
TAB : "Seahorse"
> Homerecords - 4446148 / www.homerecords.be
Alex Beaurain : guitare acoustique, composition / Tom Bourgeois : saxophones soprano, ténor, clarinette basse / Frédéric Malempré : percussions.
01. Mystic wood / 02. Snapshot #1 / 03. Au large / 04. Seahorse I / 05. Seahorse II / 06. Interlude / 07. Snapshot #2 / 08. Halotouktouk / 09. Ahouféoudéboyz / 10. Tragodia / 11. Snapshot #3 / 12. Le gang des fées // Enregistré récemment en Belgique.
URSUS MINOR And More : "What Matters Now"
> nato – Hope Street - 12-13 / L’Autre Distribution
Tony Hymas : claviers / François Corneloup : saxophones baryton et soprano / Grego Simmons : guitare / Stokley Williams : batterie, voix, percussions /+/Desdamona : voix / Dem Atlas : voix / Ada Dyer : voix / Manon Glibert : clarinette / Dominique Pifarély : violon / Anna Mazaud : voix / Frédéric Pierreot : voix / Patrick Dorcean : batterie / Bernat Combi : voix, shruti box / etc.
CD1 : 01-05 : "The Living Present" - 01.What Matters Now / 02. Land of Nowhere / 03. Theses Days / 04. Pavlos Fyssas / 05. Summer’s Cut Blues / 06. Le Pont sur la Vézère / 07-11 : "Land of The Tree" – 07. I don’t live today / 08. What About Tomorrow / 09. ZAD song / 10. Notre-Dame des Oiseaux de Fer / 11. VAL // CD2 : 01-06 : "Talking Drums" – 01. The Words of Lucy Parsons / 02. La meilleure des polices / 03. Move / 04. The Drum Song / 05. Dog Persistent / 06. Sun’s Going Down / 07. Le Pont sur la Vézère / 08-13 : "A Simple Chronological Series" – 08. Lo Chant de la Terra / 09. Brown Baby / 10. We Made It This Far / 11. The Tree Of Knowledge / 12. Rythme Futur / 13. The Way Back Home // Enregistré essentiellement à Treignac (Limousin) en 2015.
Daniel ZIMMERMANN : "Montagnes russes"
> Label Bleu - LBLC6722 / L’Autre Distribution
Daniel Zimmermann : trombone, compositions / Pierre Durand : guitare, dobro / Jérôme Regard : basse, contrebasse / Julien Charlet : batterie /+/ Didier Havet : soubassophone sur 1.
01. Au temps ôtant / 02. Mamelles / 03. Mountain Girl / 04. Dans le nu de la vie / 05. Mademoiselle / 06. Come on Baby / 07. Mr Squale / 08. Montagnes russes / 09. Vieux beau // Enregistré à Amiens (Studio Gil Evans) en janvier 2016.