C’est l’été ! On vous a mis un mélange de genres dans le sac de plage. Laissez-vous surprendre !
| 00- PETER ELDRIDGE / KENNY WERNER . Somewhere
| 01- W.PARKER -IN ORDER TO SURVIVE . Live / Shapeshfter - OUI !
| 02- BOB SHEPPARD . The fine line
| 03- WHIT DICKEY . The Tao quartets - OUI !
| 04- WOMEN WARRIORS OF AFRO-PERUVIAN MUSIC . Just play Peru
| 05- SOFIA RIBEIRO . Lunga
| 06- ALEXANDRA GRIMAL . Naga
| 07- RED KITE
| 08- JAMIE SAFT QUARTET . Hidden corners
| 09- RYAN KEBERLE & CATHARSIS . The hope I hold
| 10- LUCA AQUINO . Italian songbook
| 11- SAKOTO FUJII - RAMON LOPEZ . Confluence - OUI !
| 12- REBEKAH VICTORIA . Songs of the decades
| 13- JOEY BERKLEY . Moving Forward
| 14- LUKE GILLESPIE . Moving mists
| 15- ROBBEN FORD - BILL EVANS . The sun room
| 16- TOFT OLSEN . Special
Rosebud Music
Peter Eldridge : voix
Kenny Werner : piano
Matt Aronoff : contrebasse
Yoron Israel : batterie
George Garzone : saxophone ténor
Orchestre à cordes dirigé par Eugene Friesen
Le jazz comme on l’écoutait il y a longtemps avec des cordes omniprésentes, cela existe encore. La preuve avec ce disque du chanteur crooner Peter Eldrigde et du pianiste Kenny Werner enregistré avec l’orchestre adéquat dont le but avoué est de faire revivre une esthétique jazz des années cinquante soixante. Avec une playlist qui contient des titres emblématiques du genre (You don’t know me, Somewhere, A time for love) et des originaux d’Eldridge et Werner, le disque, au-delà de l’hommage rendu, trouve son originalité dans les arrangements sophistiqués du pianiste. On pense néanmoins aux arrangements de Nelson Riddle ou à la voix de Johnny Hartman surfant en douceur sur les cordes. C’est luxuriant sans être étouffant et toujours classieux. Les interventions du saxophoniste George Garzone, comme celles de Kenny Werner, aussi millimétrées soient-elles, traduisent parfaitement l’ambiance générale de ce disque romantique à souhait. Cela se passe aux chandelles avec un raffinement dont l’apparente désuétude ne manque pas de charme et de chair ; et le timbre de baryton de Peter Eldridge, utilisé avec une élégante délicatesse, renforce grandement cette impression. Nous avons presque regretté qu’il n’y ait pas un duo avec une voix féminine cristalline (Jane Monheit, par exemple). Ce n’est pas dans l’air du temps bien sûr et, pour tout dire, l’on pensait s’ennuyer un peu. Erreur de notre part ; nous nous sommes faits avoir en beauté et cette musique habile et distinguée nous a subrepticement emportés dans des rêveries que seuls ce type d’album peut générer. En ces temps où l’inhumaine misère se répand, le romantisme possède des atouts non négligeables car, par son intemporalité même, il apaise. Mais quelle est donc cette vieille expression française que l’on utilisait il n’y a pas si longtemps ? Ah oui : « mettre du baume au cœur ».
Yves Dorison
https://petereldridge.com/
https://kennywerner.com/
Aum Fidelity
William Parker : contrebasse
Cooper-Moore : piano
Rob Brown : saxophone alto
Hamid Drake : batterie
Amis des grands espaces où l’impossible est une notion inconnue, soyez les bienvenus dans le monde de William Parker. Agitateur d’idées sonores et de pensées sans freins, il expose une fois de plus avec ce double album ses visions radicales d’une musique que beaucoup considéreraient aujourd’hui comme sulfureuse en ces temps de lissage et de politiquement correct. Comme si l’on était revenus à la grande époque de Hugues Panassié ; le quaternaire quoi. Ceci dit, le contrebassiste new-yorkais ne s’épuise pas et sa musique prône toujours la révolution, qu’elle soit sociale, politique ou spirituelle, avec un aplomb et une inventivité tout à fait réjouissants. Les tueurs qui l’accompagnent n’y sont d’ailleurs pas pour rien. Que ce soit Hamid Drake, Cooper Moore ou Rob Brown, ces trois-là connaissent parfaitement le leader. D’où cette magistrale impression de télépathie qui parcourt les deux enregistrements réunis ici. Tout paraît simple. Même la fureur des improvisations semblent évidentes, justifiées. On ne se lasse pas, à aucun moment, de ce maelstrom musical qui chope par les oreilles et vous secoue comme un prunier. Mais cette apparente brutalité est doublée d’une finesse d’exécution qui fait tout l’intérêt de l’affaire. Car ces gens-là ne font pas n’importe quoi et leur science n’a d’égale que leur propension à l’aventure et au défrichage de territoires oubliés dans lesquels se terrent nos profondeurs humaines, leurs contradictions et leurs beautés. A ne pas manquer bien sûr et à diffuser en boucle devant la Maison Blanche. Jouissif !
Yves Dorison
Challenge Records
Bob Sheppard : saxophones
John Beasley : piano
Jasper Somsen : contrebasse
Kendrick Scott : batterie
Mike Cottone : trompette
Simon Moullier : vibraphone
Maria Puga Lareo : voix
Benjamin Sheperd : basse
Dans une veine classico- moderne, cet album arpente des territoires connus. En soi, ce n’est pas une honte ! D’autant que les musiciens présents sur ce disque ne font pas de la figuration, c’est le moins que l’on puisse dire. Le groove est là, les thèmes sont clairs, les improvisations sont brillantes et la diversité vient autant des compositions que des artistes invités (mention spéciale à Simon Moullier au vibraphone) dont les sonorités variées rehaussent l’écoute du disque. Le leader, d’un saxophone l’autre explore avec précision la diversité de son univers musical. Ne manquant pas de savoir-faire ni de ressources, il entraîne à sa suite ses complices d’où ne sont pas exempts la brillance mélodique et le lyrisme. Tout est donc fait dans cet album avec un évident bon goût et des compétences étendues. A titre personnel, nous avons éprouvé quelque peine à ne pas nous lasser. Un peu trop lisse peut-être pour nous. Cela n’empêchera pas d’autres auditeurs d’adhérer pleinement car la qualité est cependant au rendez-vous. Pour l’anecdote, le contrebassiste Jasper Somsen s’est fait prêter par John Clayton pour l’enregistrement la contrebasse qu’utilisait Ray Brown dans les années soixante au sein du trio d’Oscar Peterson. Épatant, non ?
Yves Dorison
Aum Fidelity
Peace Planet :
Whit Dickey : batterie
Matthew Shipp : piano
Rob Brown : saxophone alto
William Parker : contrebasse
Box Of Light :
Whit Dickey : batterie
Rob Brown : saxophone alto
Steve Swell : trombone
Michael Bisio : contrebasse
Encore un double album. Et comme il vient de chez Aum fidelity, on sait par avance qu’il appartient à l’un de ces univers exigeants où se côtoient les plus aventureux des musiciens audacieux et entreprenants. L’on retrouve là pour accompagner Whit Dickey, Matthew shipp, Rob Brown, William Parker, Steve Swell ou encore Michael Bisio. Soit la crème de la crème de la crème de l’avant-garde jazzistique, encline à la témérité, qui ne s’effraie de rien. Dans cette musique, on joue avec le temps et les couleurs. On module à l’envi. L’on crée des toiles harmoniques arachnéennes. L’on fait résonner les éclats sonores. Cela éclate, cela coule comme un ruisseau et cela surprend toujours. Dickey a pensé « Peace planet » comme un yin et « Box of light » comme un yang. A l’écoute cela semble évident, du moins en ce qui nous concerne. Au gré des plages, on pense soudainement à Milford Graves, à Hank Bennink, au Archie Shepp de années soixante, bref à tout un compagnonnage d’un free jazz à l’esthétique new-yorkaise qui est ici perpétué de la plus éclatante des manières par des artistes peu enclins à la facilité. Cerise sur le gâteau, cette musique de l’instant, cette musique sincère, est toujours aussi actuelle, créative et envoûtante. Les deux disques sont une seule proposition, parfaitement cohérente, qui oscille entre les pôles définis par le batteur et ses acolytes de manière périlleuse et pourtant limpide. Vivement recommandé.
Yves Dorison
http://www.aumfidelity.com/dickey.html
Just play
Poma, Rosa Guzmán, Charo Goyoneche, Sofía Buitrón, Maricarmen Padilla, Milagros Guerrero, Victoria Villalobos : chant
Maria Elena Pacheco : violon
Catalina "Cata" Robles, Gisella Giurfa : percussions
Howard Levy : harmónica
Gil Goldstein, Misha Tsiganov : piano, Rhodes
Coco Vega, Neal Alger, Ernesto Hermoza : guitares
Matt Geraghty : contrebasse, basse
Yayo Serka : batterie
Just Play est un voyage itinérant de découverte musicale dans plusieurs villes lancé en 2014 par le producteur exécutif et bassiste Matt Geraghty. il a jusqu’à présent impliqué des rencontres avec des musiciens à la Nouvelle-Orléans, La Havane et San Juan. C’est un modèle de collaboration transfrontalière qui transcende l’ethnicité, le statut social, les tribus et les cultures. Autrement dit, c’est cool. Et du militantisme, pour des artistes féminines péruviennes, il en faut car leurs place dans la société péruvienne est difficile à tenir tant elles sont soumises au sexisme et au racisme ordinaires et à l’inégalité sous toutes ses formes. Au-delà de la musique tout à fait excellente de ce disque, il s’agit d’une production réellement engagée et réalisée avec des musiciennes réputées auxquelles se mêlent l’initiateur du projet, Matt Geraghty, et d’autres pointures nord-américaines (voir line up) ou encore la chanteuse béninoise Angélique Kidjo. L’ensemble des titres présents dans cet album évoluent entre tradition et modernité, notamment du fait des sonorités électriques incluses avec élégance. Alors, bien que nous ne soyons pas particulièrement fan de ce type de musique sud-américaine, il nous apparaît nécessaire de signaler et de vanter cette initiative visant à lutter par l’art contre la connerie humaine et les injustices faites aux femmes. A noter que vous pouvez suivre en vidéo sur le site dédié l’évolution de ce très beau projet.
Yves Dorison
Auto production
Sofia Ribeiro : voix
Juan Andrés Ospina : piano
Petros Klampanis : contrebasse
Marcelo Woloski : percussions
Vitor Gonçalves : accordéon “Voa” & “Lunga”
Bartolomeo Barenghi : guitare sur “Flor Silvestre”
Roni Eytan : harmonica sur “La tarde”
Eleni Arapoglou, Juana Luna, Lara Bello, Lauren Chaplain : chœurs sur “Lunga”, “Flor Silvestre” and “Adiante”
Luísa Vieira, Joana Castro : chœurs sur “Sotaque”
Juan Andrés Ospina : chœurs sur “Voa”, “Lunga” & “If You Knew”. Sifflement sur “Voa”
Petros Klampanis : chœurs sur “Lunga”
La voix de Sofia Ribeiro nous était encore inconnue il y a peu. C’est donc une belle découverte car elle est redoutablement précise, légère et habitée à la fois. S’exprimant en portugais et en anglais, accompagnée par des musiciens au diapason de son univers, elle communique ses compositions (avec quelques accents jazzy) avec une musicalité douce et énergique à la fois. Sa diction impeccable cisèle les phrases avec une adresse émérite. Pas uniquement ancrée dans la culture portugaise stricto sensu, sa musique ne manque pas de variété, qu’elle soit rythmique ou mélodique. Jamais emphatique, l’émotion qu’elle dégage est expressive sans se départir d’une discrétion et d’une élégance de très bon aloi, même dans les morceaux les plus riants où la joie de vivre prend sa part (et nous rappelle un peu le Brésil). Il n’y a pas que le fado et l’intranquillité de Fernando Pessoa dans l’âme lusitanienne, après tout. C’est le troisième disque Sofia Ribeiro et il lui reste à se faire connaître d’un plus large public, ce qui serait amplement mérité selon nous.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/sofiaribeiromusic
Ovni
Alexandra Grimal : composition, texte, saxophones, voix
Lynn Cassiers : textes, voix, live electronique
Marc Ducret : guitares électrique et soprano, voix
Nelson Veras : guitare
Benoît Delbecq : piano
Jozef Dumoulin : Fender Rhodes et électronique, piano
Stéphane Galland : batterie.
Si l’on revient sur ce disque sorti au début du printemps, c’est parce qu’il le mérite. Un point c’est tout. Toujours attirée par la recherche créative, un processus en soi, elle continue un parcours exigeant qui la classe du côté des défricheurs imaginatifs. Après le trio de « Kanku », le travail proposé ici est celui d’un projet né quelques années auparavant. Entre formalisme rigoureux et liberté endiablée, la musique d’Alexandra Grimal se dévoile par surprise successive, aime à suivre le cours méandreux de l’imaginaire et ne s’interdit jamais d’envisager l’inexploré, quitte à bousculer le conventionnel. Au royaume de l’introspectif qui s’ouvre à tous vents, la saxophoniste est maître. Encline à discourir passionnément avec son instrument, elle révèle un autre pan d’expressivité avec sa voix en la posant tel un palimpseste sur la musique jouée. Entourée par des explorateurs patentés, seuls capables de la suivre dans sa quête, elle expose un univers au sein duquel l’interrogatif est une vertu, du moins nous-a-t-il semblé. Rien n’est sombre pour autant dans cette expérience musicale qui brille de l’intérieur, comme habitée par un feu vivant. Étirée sur la durée, elle laisse à l’auditeur le temps d’acclimatation nécessaire avant qu’il ne plonge (sans réserve) dans cet univers éminemment, et autrement, personnel.
Yves Dorison
http://www.alexandragrimal.com/
RareNoiseRecords
Even Helte Hermansen : guitares
Trond Frønes : basse
Bernt André Moen : claviers
Torstein Lofthus : batterie
Si vous aimez le raffut, la saturation, les groove obsédants, les ambiances lourdes et crasseuses, le psychédélisme encore inassouvi, la fureur électrisante du rock, l’improbabilité courants d’air du free jazz, vous allez être servis. Le bruit alimentant le bruit, la puissance accouchant de la puissance, et l’excès étant excessif, seuls les impuissants auditifs éprouveront un dégoût viscéral pour la musique de ce quartet norvégien. Car il s’agit tout de même de musique. Certes, elle est capable, ne serait-ce que par son volume, de décoiffer un chauve où d’épiler définitivement un yack, mais est-ce une raison suffisante pour ne pas s’y frotter ? On dit ça, on ne dit rien. Ou plutôt on vous prévient qu’il est recommandé d’anticiper mentalement le déluge sonique auquel le quartet va vous soumettre. Autrement, cela pourrait être douloureux. Toujours est-il que ces musiciens-là savent construire leurs délires avec une science efficiente. Ils savent composer des mélodies simples, donc entêtantes, et savent les poser sur des groove tout aussi hallucinatoires. Sûr qu’ils s’amusent beaucoup en jouant cette musique tonitruante, ce distributeur de baffes assourdissantes. Mais plus elle apparait fulminante, plus elle nous rigoler. Chacun y verra ce qu’il souhaite et personne n’y sera indifférent. A écouter le plus fort possible comme de bien entendu. Pour info, Red Kite est le nom anglais du Milan royal (Milvus milvus). Cela n’aide pas vraiment, on sait.
Yves Dorison
https://www.rarenoiserecords.com/red-kite
RareNoiseRecords
Jamie Saft : piano
Dave Liebman : saxophones, flute
Bradley Christopher : contrebasse
Hamid Drake : batterie
Si l’on en croit la note introductive de la maison de disque, la musique de ce CD est un voyage spirituel, une quête tendant à se rapprocher de maîtres tels Coltrane (Alice et John), Pharoah Sanders ou Albert Ayler et du mysticisme juif. Si l’on pas très calé en Judaïsme, nous reconnaissons néanmoins que c’est assez bien vu car l’on sent dès l’introduction une tension qui n’appartient qu’à ce type de musique. A la vue du line-up, hormis Bradley Christopher que l’on méconnaissait, il était clair qu’avec un maître du rythme comme Hamid Drake et une légende du saxophone comme Dave Liebman (connaisseur émérite de l’œuvre coltranienne) l’affaire s’annonçait sous de parfaits augures. Dans les faits, nous avons été séduits par la qualité du propos musical et en particulier par la capacité de Liebman à embarquer l’auditeur vers des paysages sonores empreint de mysticisme. Alors, bien que l’ensemble soit extrêment cohérent et riche, nous avons trouvé que l’ensemble manquait un peu de souffle et de vitalité. Cela n’en demeure pas moins un excellent enregistrement qui peut avantageusement trôner sur vos étagères.
Yves Dorison
Greenleaf music
Ryan Keberle : trombone, voix, Wurlitzer, Fender Rhodes, Korg Minilogue
Camila Meza : voix, guitare, guitare FX
Scott Robinson : Saxophone ténor
Jorge Roeder : contrebasse, basse, basse FX
Eric Doob : batterie
Politiquement (et/ou socialement) engagé, poreux au monde qui l’entoure et qu’il a parcouru, Ryan Keberle est un artiste en phase avec son époque et sa musique traduit ses préoccupations. L’on trouve ainsi dans ce disque des vers du poète noir Langston Hughes, plus précisément ceux d’un poème porteur d’espoir de 1935 dont le titre résonne étrangement aujourd’hui, « Let America Be America Again », dont on est sûrs, pour l’avoir lu, qu’il n’a rien à voir avec le Donald T. Portée par des ambiances dénuées d’instrument harmonique, la musique du tromboniste explore avec une grande finesse ses potentialités intrinsèques. Les musiciens qui la joue se donnent eux aussi l’espace nécessaire à la construction de cet univers qui ne manque aucunement d’intérêt. Il est cependant difficile pour nous de citer un musicien plus qu’autre car tous excellent dans l’art de la nuance. L’influence de la musique brésilienne est également présente dans cet album et il est indubitable qu’elle ajoute encore au charme sinueux de cet enregistrement qui, à certains moments, nous a rappelé le Pat Metheny group où officiait feu Naná Vasconcelos… il y a longtemps. Cela n’empêche nullement ce projet d’avoir une identité musicale propre car il est conçu autour de compositions denses et contrastées, aux lignes d’une grande clarté, dont l’écoute aisée révèle la qualité d’écriture et d’interprétation. A découvrir bien sûr.
Yves Dorison
Act / Pias
Luca Aquino : trompette, flugelhorn, trombone
Danilo Rea : piano
Natalino Marchetti : accordeon
Orchestre philarmonique de Benevento
Fabio Giachino : piano & claviers
Rino De Patre : guitare classique
Ruben Bellavia : batterie
Après avoir été la proie d’une paralysie aiguë faciale subite à l’été 2017, Luca Aquino a repris son instrument après une année d’interruption. C’est durant ce laps de temps qu’il a songé à faire le disque dont nous parlons maintenant bien qu’il soit sorti le mois dernier. Consacré aux chansons de son Italie natale, si l’on excepte un titre composé par Chet Baker (qui a connu dans ce pays le meilleur et le pire), cet album un brin nostalgique promeut l’intime et le lyrique avec ces couleurs si particulières de la péninsule transalpine. En trio ou accompagné par le grand orchestre à disposition, le trompettiste fait la part belle à la mélodie avec le talent et la sonorité inimitable qu’on lui connait. Son talent narratif invite des ambiances où le drame et la légèreté se côtoient sans heurt et convoquent, sans coup férir, dans l’esprit de l’auditeur toute une cinématographie évocatrice de la diversité des caractères de son pays, notamment par le biais d’une écriture qui offre à l’émotion la part qui lui revient de fait dans cet écrin musical soyeux. Loin du tumulte et poétique à souhait, ce disque du natif de Campanie ne peut que séduire celles et ceux qui aiment la beauté calme et la rondeur chaleureuse, surtout quand elles flirtent avec l’intemporel.
Yves Dorison
Libra Records
Sakoto Fujii : piano
Ramon Lopez : batterie
Enregistré à New York, ce duo piano/batterie possède les atours d’une rencontre musicale d’exception entre deux artistes n’ayant joué ensemble auparavant qu’une fois au sein d’un trio. C’est à l’improviste qu’ils sont entrés en studio sans préparation aucune. Et le résultat est saisissant. L’adéquation parfaite entre eux produit une musique inspirée. Qu’ils évoluent dans l’espace intime ou qu’ils se livrent à de furieuses sarabandes free, ils offrent en partage une musique de l’instant qui se grave malgré elle dans le marbre. Toujours en mouvement, avec plus ou moins de lenteur, plus ou moins de volume, la pianiste japonais et le batteur espagnol se meuvent dans des espaces où l’inconnu créatif et l’insondable improvisé se côtoient sans heurt. Tout au long de l’album, l’attention portée à la structure et aux détails grandit, atteignant un raffinement qui flirte avec la poétique de la rêverie. Aux accords fugitifs et mouvants de Sakoto Fujii, Ramon Lopez répond par des sonorités et des gestes qui la confortent dans la voie choisie. De fait, leurs deux vocabulaires s’épousent à la perfection du début à la fin du disque dans un continuum inventif rendu possible par l’osmose entre les deux musiciens. Ils ne l’avaient pas vu venir mais ils ont su l’utiliser à la perfection.
Yves Dorison
http://www.satokofujii.com/
http://www.ramonlopez.net/
Patois Records
Rebekah Victoria : voix
Deszon Claiborne, Colin Douglas, Akira Tana : batterie
Joe Gilman, Frank martin, Murray Low : piano
David Belove, Marc Von Wageningen : basse
John Wiitala : contrebasse
Michael Spiro : conga, percussions
Rick Vandivier : guitare
Tommy Kesecker : vibraphone
Kenny Washington : voix
Erik Jekabson, John Worley : trompette
Mary Fettig : saxophone alto, clarinette, flûte
Melecio Magdaluyo : saxophones alto, tenor & baryton
Wayne Wallace : trombone
Dave Martell : tuba
Eugene Chukhlov : 1er violon
Niki Fukada : 2nd violon
Edith Szendrey : violon alto
Monica Scott : violoncello
On vous rassure tout de suite, si le line-up est pléthorique, les musiciens ne jouent jamais tous en même temps ! Seule la voix de Rebekah Victoria est présente sur chaque standard. C’est son disque après tout. Le titre de l’album vient du concept : interpréter une chanson de chaque décennie du vingtième siècle. Si le concept est original, le rendu est parfaitement mainstream. Pas d’avant-garde donc, mais une pluralité de combos qui donne à chaque titre une couleur particulière. Si l’ensemble ne manque pas de cohésion musicale, c’est grâce aux arrangements du tromboniste renommé Wayne Wallace qui définissent l’esthétique de l’album de fort belle manière. Rebekah Victoria, elle, promène sa versatilité de soprano sur l’ensemble avec une aisance d’autant plus étonnante qu’elle a longtemps chanté en dilettante, préférant élever sa fille que faire carrière. Plutôt inspiré de façon générale, le disque bénéficie pleinement du talent des musiciens présents. Il ne laisse cependant pas un souvenir impérissable. Mais cela, c’est une affaire de goût avant toute chose.
Yves Dorison
Autoproduction
Joey Berkley : saxophone ténor
Gary Deinstadt : piano
Andy Abel : guitare
Joris Teepe : contrebasse
Chris Parker : batterie
Voilà cinq musiciens américains dont nous ne savons rien mais de l’autre côté de l’atlantique font leur petit bonhomme de chemin sans accrocs et même quelque succès. Actuelle et hybride, la musique proposée ici a des atouts à faire valoir, ne serait-ce que par la qualité des musiciens. Joey Berkley, natif de Toronto, a clairement décidé que la liberté de choix serait le fil conducteur du disque. L’on passe donc du jazz contemporain au pop rock énergique. Ajoutez une once de blues, une autre de funk, sans omettre deux doses de groove et de swing, et vous obtenez un mélange de saveurs variées qui est loin d’être désagréable. L’interplay fonctionne bien et il est évident que ces gars-là ne craignent rien ni personne. Les différents climats musicaux s’enchainent sans difficulté, c’est souvent charnu et joyeux et cela donne à la musique une impression d’assurance tranquille semblable à celle que peuvent avoir les vieux routards de la scène, rompus à toutes les sortes d’exercices. Toujours très mélodique, le groupe livre au final un enregistrement qui évite l’écueil de l’ennui avec une grande facilité. Sympathique.
Yves Dorison
Patois Records
Luke Gillespie : piano
Jeremy Allen : contrebasse
Steve Houghton : batterie
John Raymond : trompette, flugelhorn
Walter Smith III : saxophone tenor
Tierney Sutton : voix
Dave Stryker : guitare
Tom Walsh : saxophone alto et soprano
Pat Harbison : trompette
Wayne Wallace : trombone
Brennan Johns : trombone
Todd Coolman : contrebasse
Brent Wallarab : arrangements
Encore un pianiste inconnu dans l’espace européen ! Orienté hard bop, et plus si affinités, le disque de Luke Gillespie (rien que le nom…) est une somme sous certains aspects peu académique. C’est d’ailleurs un comble, ou une chance pour leurs élèves, puisque les musiciens du groupe enseignent tous ou presque au même endroit. Dans ses plages musicales, chacun exprime pleinement ses capacités techniques et, comme on dit couramment, cela ne plaisante pas. Et que je te réharmonise le truc, et que je pars en solo vengeur sur des rythmiques tendues, et que je joue le virtuose de service sans complexe aucun, et que je te déstructure le standard, et que je te donne une ballade tirée au cordeau... Bref, c’est une musique plutôt savante, très homogène, que propose le groupe à géométrie variable sur l’ensemble du disque. Gillespie livre un solo inspiré sur le Round midnight monkien et rend un bel hommage à Mulgrew Miller. Il signe au total quatre morceaux. Le reste est consacré au « great american songbook » que les musiciens abordent avec déférence mais non sans originalité. Et pour le même prix, vous avez même un duo piano/voix avec l’immense Tierney Sutton. Ce serait dommage de se priver, non ?
Yves Dorison
http://info.music.indiana.edu/faculty/current/gillespie-luke.shtml
Ear Music
Robben Ford : guitare
Bill Evans : saxophone
James Genus : basse
Keith Carlock : batterie
Bill Evans, le saxophoniste au bandana vintage le dit : « Rarement, mais de temps en temps, des musiciens partageant les mêmes idées se réunissent pour créer quelque chose qui transcende les frontières musicales tout en pouvant atteindre un public plus large. Pour moi, la musique que nous avons créée sur « The Sun Room » est intemporelle. J’adore le blues, le jazz, la soul, le funk et ce CD possède tout cela, interprété au plus haut niveau. Je ne pourrais pas être plus heureux avec cet enregistrement. L’ambiance était si bonne pendant ce processus d’enregistrement que c’était juste une joie d’en faire partie. » Et à l’écoute, on l’entend bien qu’ils ne se sont pas ennuyés. Maintenant, c’est toute une époque qui vous reviendra aux oreilles. C’est pulpeux, ensoleillé, groovy à souhait et tout et tout. James Genus (vu avec Chick Corea) et Keith Carlock (vu avec Steely Dan) font ce qu’il faut pour que les solistes s’expriment. Cela demeure tout de même un peu trop studio bien léché pour nos ouïes dévergondées. Robben Ford pousse la chansonnette mais il ne la pousse pas très fort. Nous, on aurait aimé qu’ils y aillent à fond (à donf’, pour les plus jeunes) et qu’ils s’éclatent et nous éclatent au passage. La prochaine fois peut-être.
Yves Dorison
http://www.billevanssax.com/tag/robben-ford/
Gateway music /Aarhusart
Toft Olsen : voix
Heine Hansen : piano
Thomas Vang : contrebasse
Morten Lund : batterie
Pour clore cette vitrine estivale, un disque sorti le… 08 juin dernier. Eh quoi ? On a le droit d’être à la bourre, non ? Bref. Vous connaissez Toft Olsen ? Nous oui, depuis peu. Et on a bien aimé la tessiture et le grain de ce chanteur danois, l’économie de moyen dont il fait preuve et sa capacité à habiter les chansons qu’il interprète accompagné par un trio classique piano/contrebasse/batterie qui sait se fondre dans l’esprit musical du crooner. On a écrit crooner, oui, oui, car dans l’ensemble c’est un disque qui fricote avec le romantisme. Jazz de chez jazz, l’enregistrement ne manque cependant pas de rythme, même si en aucun cas Toft Olsen et ses compagnons de studio ne cherchent la performance flamboyante. Ces derniers sont d’ailleurs parfaits dans leur genre, avec une mention spéciale à Morten Lund qui soutient l’ensemble avec un sens de l’espace et une légèreté impeccables. All of you, When I fall in love, I fall in love too easily, Smile et j’en passe plus quatre compositions originales composent la playlist de cet album attachant dont nous sommes contents de vous parler ici. Cet été, devant un coucher de soleil océanique ou méditerranéen, seul avec soi ou bien accompagné(e), les pieds dans le sable, ça devrait le faire carrément. Un album « Take it easy » mais pas easy listening. Faudrait voir à pas déconner non plus.
Yves Dorison
https://www.aarhusart.com/toftolsen/