| 00- BILL EVANS . The east end
| 01- ADAM LARSON BAND . Listen with your eyes
| 02- WALLACE RONEY . Blue dawn - blue nights
| 03- GORDON GRDINA . Cooper’s park - OUI !
| 04- KALLE KALIMA - KNUT REIERSRUD . Flying like eagles - OUI !
| 05- JOHN COLTRANE . Blue world
| 06- MILES DAVIS . Rubberband
| 07- ERIC LEGNINI . Six strings under
| 08- JEAN PHILIPPE VIRET TRIO . Ivresse
| 09- DANA SAUL . Ceiling
| 10- IIRO RANTALA . My finnish calendar
| 11- DAVID HELBOCK . Playing John Williams - OUI !
| 12- SIMON GOUBERT . Nous verrons
| 13- FROM WOLVES TO WHALES . Strandwal
| 14- TOM PIERSON ORCHESTRA . Last Works
| 15- SYLVAIN RIFFLET . Troubadours
| 16- ZWITSCHERMASCHINE . System For Us
| 17- ESPEN BERG . Free to play
| 18- DIEGO FIGUEIREDO . Come closer
| 19- MICHELE HENDRICKS . Another side


  BILL EVANS . The east end

Jazzline

Bill Evans : saxophone ténor et soprano
Etienne Mbappé : basse
Wolfgang Haffner : batterie

& le WDR Big Band Cologne

Pas vraiment une nouveauté, cet enregistrement en public de Bill Evans (pas celui avec une seringue, l’autre, avec un bandana sur la tête) puisqu’il date de 2011, du 17 février pour être précis. Avec Etienne Mbappé à la basse et Wolfgang Haffner à la batterie, ce serait un peu juste pour nous intéresser. Funky-fusion-et tutti quanti, un peu de temps à autre, mais il ne faut pas exagérer non plus. Mais les trois précités sont accompagnés par WDR big band de Cologne et cela change la donne. Considérablement. On passe ainsi de la petite citadine sans option à la berline de luxe avec cuir et ronce de noyer grâce au talent de cet orchestre, dirigé par Michael Abene, et de ses solistes. Comme on dit, le WDR pousse au cul le trio de base et oblige son conducteur au sans faute. Et comme Bill Evans, que l’on aime ou non sa musique, est doué, voire plus, le résultat est loin d’être désagréable. C’est bien évidemment musical, mélodique et extrêmement carré, un peu trop pour notre goût personnel. Mais il faut pour tout le monde et nombre d’auditeurs apprécieront cette musique très côte ouest et eighties ensoleillées qui ne démérite aucunement. C’est une archive de qualité.

Yves Dorison


http://www.billevanssax.com


  THE ADAM LARSON BAND . Listen with your eyes

Ropeadope

Adam Larson : saxophone tenor
Fabian Almazan : piano, piano électrique, synthétiseur
Matt Clohesy : contrebasse et basse
Jimmy McBride : batterie

Avec une approche plus actuelle, ce quartet délivre une musique jazz qui tend vers la fusion plus que vers le funky pur. Mélodies travaillées, audaces contemporaines dans la composition comme dans le jeu, elle se démarque donc un peu de la veine originelle westcoast et se rapproche d’autres groupes de l’époque un tant soit peu plus aventureux. Le quartet a tourné deux ans avant d’enregistrer. Autant dire qu’il est efficace. Les musiciens sont tous excellents et cela devrait suffire à nous enthousiasmer. Pourtant non. Nous sommes restés à la porte, incapables d’entrer dans ce disque. D’autres le feront mieux que nous, à n’en pas douter. Nous ne devons pas savoir écouter avec les yeux.

Yves Dorison


http://adamlarsonjazz.com


  WALLACE RONEY . Blue dawn – Blue nights

Highnote records

Wallace Roney : trompette
Emilio Modeste : saxophone tenor et soprano
Oscar Williams II : piano
Paul Cuffari : contrebasse
Kojo Odu Roney : batterie (1,4,6,7,8)
Lenny White : batterie (1,2,3,5)
Quintin Zoto : guitare (1,3,5)

Le quasi sexagénaire trompettiste, découvert par beaucoup auprès de Miles en 1191 à Montreux, s’entoure dans cet album presque exclusivement de gamins dont le plus jeunes, son neveu, à quinze ans au moment de l’enregistrement. Comme toujours, Wallace Roney fait du jazz en empiétant sur les frontières du genre. Et il le fait avec une belle énergie. Expressif et lyrique, il dialogue parfaitement avec les musiciens impétueux qui l’accompagnent. Dans ce disque, il a choisi de ne pas inclure ses propres compositions. En réfléchissant à la sélection de titres pour l’album, en bon chef d’orchestre, il a voulu donner aux musiciens un forum pour écrire et s’épanouir. « J’ai toujours fait ça, dit-il. Ils trouvent quelque chose, et je leur dit : Allons-y, ou faisons ça ici. Et en leur montrant certaines choses, il élargit leur connaissance de ce qui peut être fait musicalement. Et c’est ce que je fais ! » Une démarche intéressante qui permet à de jeunes pousses de faire leurs armes sous la tutelle d’un maître incontesté de la trompette. Bien vu, le résultat est plus que probant.

Yves Dorison


http://www.wallaceroney.com


  GORDON GRDINA . Cooper’s park

Songlines records

Gordon Grdina : guitare, oud
Russ Lossing : piano, Rhodes, clavinet
Oscar Noriega : saxophone alto, clarinette basse
Satoshi Takeishi : batterie

Le guitariste de Vancouver mène dans ce disque un quartet d’expérimentateurs patentés et offre une musique éclectique qui combine le contrepoint complexe avec le flux et le reflux d’une improvisation dynamique et acérée. Grdina dit s’inspirer de Bartok et Webern, d’Ornette Coleman, de Paul Bley et de Tim Berne, ainsi que de …Soundgarden. Vainqueur d’un Juno (le grammy canadien) cette année, ce guitariste assez unique est, quand il s’empare de son oud, un virtuose qui s’affranchit de la forme classique et explore des textures et des territoires mélodiques très éloignés de la tradition. Dans une gamme stylistique assez large, sa musique donne la priorité à l’écoute entre les musiciens. Chacun d’eux a la liberté d’apporter son expression individuelle tout en conservant un son du groupe cohérent. L’ensemble est habité par des ambiances successives étonnantes qui font assurément le charme de cet album exigeant pour les oreilles mais en tout point passionnant. Une belle réussite musicale pour ceux que l’aventure n’effraie pas.

Yves Dorison


https://gordongrdina.bandcamp.com


  KALLE KALIMA – KNUT REIERSRUD . Flying like eagles

Act

Kalle Kalima : guitare
Knut Reiersrud : resonator, guitare, guitare lap steel, harmonica
Phil Donkin : basse
Jim Black : batterie

Le guitariste finlandais revient dans ce nouveau Cd à des fondamentaux de la musique pop/rock auquel il ajoute des morceaux issus des traditions américaine et amérindienne. Avec une rythmique épaisse (Phil Donkin & Jim Black) mais pas sans nuances ni audace, accompagné de l’inconnu de service, l’épatant Knut Reiersrud, grand concepteur d’ambiances, il utilise ces plages iconiques du XXème siècle en recréant une musique climatique emplie de variations subtiles sans pour autant négliger l’aspect brut que peut prendre le rock. Sa version lentement étirée du mythique « Hotel California » (la reprise casse-gueule par excellence) résume bien son goût pour le dense et l’aérien. Le temps, là, s’allonge puis se contracte avec ce qu’il faut d’espace pour que l’on perçoive le silence sous-jacent. Pas de virtuosité déplacée dans cet album. Seulement de la musique sensible faite par des musiciens amoureux de l’émotif. Un cœur bat dans ces mélodies aux accents bluesy marqués. L’errance à la Kerouac s’y complait également ; la présence du lien avec la nature des peuples autochtones est évocateur et ajoute une couche supplémentaire à ce palimpseste romanesque sinon poétique. Kalle Kalima est assurément porteur d’un chant original, non dénué de mystère, et ses créations, comme ses re-créations, sont toujours pertinentes. On ne saurait trop vous recommander de l’écouter. Et pas seulement ce disque.

Yves Dorison


http://kallekalima.com


  JOHN COLTRANE . Blue world

Impulse !

John Coltrane : saxophone
McCoy Tyner : piano
Jimmy Garrison : contrebasse
Elvin Jones : batterie

Le 24 juin 1964, entre l’enregistrement de « Crescent » et de « Love supreme », Coltrane enregistra cette session avec son quartet classique pour un film de Gilles Groulx réalisé à la manière de la nouvelle vague. Blue World contient aussi des nouvelles prises de classiques du saxophoniste telle « Naima », ou encore trois versions de « Village Blues » et une de « Like Sonny », deux titres de son sixième album Coltrane Jazz et pour finir « Traneing » In gravé pour la première fois avec le Red Garland Trio en 1958. Si le saxophoniste et ses acolytes sont musicalement en forme (on en attendait pas moins), les titres joués dans cet album n’ont pas la puissance révélée ailleurs dans d’autres enregistrements aujourd’hui mythiques. Bref, c’est un peu pépère, un peu court (huit plages en 37 minutes), agréable à l’oreille et nullement indispensable ; sauf si, intrinsèquement, vous êtes un admirateur inconditionnel et éperdument transi d’amour dès lors que l’on prononce les deux mots magiques : John Coltrane ! Alors là, votre patience sera mise à rude épreuve d’ici au 27 septembre, jour de sortie de la pépite. Réécoutez donc le Live in Seattle en attendant. Le contraste n’en sera que plus saisissant.

Yves Dorison


https://en.wikipedia.org/wiki/John_Coltrane


  MILES DAVIS . Rubberband

Rhino

Vince Wilburn Jr, gardien du temple davisien et théoriquement batteur de son état, a osé. Sans une once de respect pour son mythique oncle, il est allé racler le fond de la poubelle ou Miles avait laissé ces sessions inabouties enregistrées durant l’hiver 1985-1986, sessions sur lesquels il devait inviter Chaka Khan et Al jarreau, histoire de rentabiliser son changement de maison de disque. Elles devaient de peu d’intérêt pour lui, même son nouveau label n’en voulut pas, et il se consacra dans la foulée à « Tutu », réalisé avec Marcus Miller, album dont le succès ne fut pas usurpé bien qu’aujourd’hui encore tout le monde ne soit pas d’accord à son propos. Concernant « Rubberband », l’on ne peut même pas parler d’inédit puisque certains avaient déjà été dévoilés ces dernières années et qu’une partie de la musique a été réalisée aujourd’hui et collée sur l’existant, avec notamment des célébrités chantantes du moment, Lalah Hathaway et Ledisi (qui sont-elles ?), entre autres. Et le résultat me demanderez-vous ? Un bidouillage assez pitoyable et proche de l’insignifiance. Dans un genre périphérique, Davis a fait beaucoup mieux. La plage 3 notamment, qui pourrait servir de bande son à une pub Nescafé, est un chef d’œuvre de mièvrerie. Mais ce n’est pas la seule hélas. Les rares morceaux qui surnagent sont ceux que Miles avait intégrés à ses sets sur scène et il savait pourquoi, n’est-ce pas ? Allez, en y réfléchissant un peu, la peinture de Miles qui sert d’illustration à la pochette est le seul véritable plaisir que nous a donné ce truc indigne qui fleure bon le business façon grosse machine à dollars sonnants et trébuchants. Et miles dans sa tombe, comme nous entre les enceintes, de s’exclamer : « famille, je vous hais ! » A côté de ça, le nouvel inédit de Coltrane, Blue world qui n’est pas tout de même transcendant, fait figure de merveille. Tiens, dans deux ou trois ans, si le Vince retrouve dans un tiroir un poème de Miles écrit pour sa maîtresse d’école en 3rd grade, qu’en fera-t-il ? Un opéra soul funk ? A moins d’être la proie d’un masochisme pur et dur, il nous semble impossible d’écouter ce produit commercial qui a tout de la soupe indigeste. Vous pouvez néanmoins l’offrir à votre belle-mère (en mp3, c’est moins cher) afin d’alimenter la retraite dorée du vénal neveu.

Yves Dorison


https://www.milesdavis.com


  ERIC LEGNINI . Six Strings under

Anteprima

Eric Legnini : piano
Hugo Lippi  : guitare
Rocky Gresset : guitare
Thomas bramerie : contrebasse

Avec des musiciens en parfait osmose, le pianiste belge livre un disque plus qu’intéressant. C’est un disque de jazz en plus. De nos jours c’est assez rare pour être signalé. Toujours mélodique et habité d’une verve paisible, cet enregistrement où ne se frottent et se tapent que des cordes possède une douceur intérieure lumineuse. Sur ce point, le cousinage avec Philip Catherine nous a semblé évident et ce n’est pas un reproche, bien au contraire. Eric Legnini, en artiste respectueux de la tradition, sait la renouveler sans la heurter. Son interprétation du Space Oddity de David Bowie est à ce titre un exemple réussi qui démontre parfaitement sa capacité d’intégration des formes musicales extérieures au jazz. En tout point sensible, ce Cd aux climats apaisés et apaisants jouit pleinement de l’excellence des musiciens qui savent donner ce qu’il faut quand il faut pour que l’essence même du propos soit parfaitement audible. Un beau disque qu’il serait dommage d’ignorer.

Yves Dorison


http://www.ericlegnini.com/fr/


  JEAN PHILIPPE VIRET TRIO . ivresse

Mélisse

Jean-Philippe Viret  : contrebasse
Edouard Ferlet : piano
Fabrice Moreau : batterie

Nous aimons ce disque et ce trio et nous pourrions avec plaisir nous étendre à loisir sur le sujet afin de n’en dire que du bien. Mais comme notre collègue Pierre Gros a vu en concert le dit trio quand il enregistra cet album nous lui cédons volontiers la parole : « Si la terre tourne sur elle même et autour du soleil dans un ordre cosmique bien établi alors on peut dire sans mentir que Jean Philippe Viret l’a lui parcouru en long en large et en travers. A peu près 40 années de carrière ça vous forge un musicien voyageur que ça soit avec l’Orchestre de Contrebasses, Grappelli, les américains de passage ou de nombreux autres peu importe leur style musical. Il est bien évident que le sideman peut alors avoir envie d’exprimer ses propres idées. Dans cette perspective on retrouve l’éclectisme qui sied si bien à ce contrebassiste multiforme, trois ensembles, 60% de matière grave, Supplément d’âme et ce qui nous intéresse plus particulièrement ce soir Trio Viret la formation intemporelle du jazz, piano basse batterie. Vingt ans que cette formule tourne au grès des albums (7) et de nombreux concerts (en France et ailleurs) C’est alors le moment de laisser traces, on enregistre ce soir un album en public comme un soir au club. De fait nous retrouvons ici l’esprit qui caractérise ce trio, des thèmes chantants, un jazz moderne et coloré de modalités, d’impressionnismes. On admirera les mises en scènes d’Edouard Ferlet, les compositions et colorisations subtiles de Fabrice Moreau, le savoir faire contrebassistique de Jean Philippe, intonation, arco ou pizz, justesse rythmique et sens de la mélodie tout cela avant tout au service de la musique. Un trio dont on sent la maturité mais dont nous attendons aussi de nouveaux rebondissements. La terre n’étant pas plate soyez attentif autour de chez vous, il ne serait pas étonnant qu’un jour ou l’autre vous ne soyez amener à croiser la route de Jean Philippe Viret ce musicien multiple.  » Au risque de paraître fainéant, je n’ai rien à ajouter !

Pierre Gros - Yves Dorison


https://www.jeanphilippeviret.com


  DANA SAUL . Ceiling

Endectomorph music

Dana Saul  : piano
Adam O’Farrill : trompette
Kevin Sun : saxophone
Patricia Brennan : vibraphone
Walter Stinson : contrebasse
Matt Honor : batterie

Dana Saul, en bon compositeur improvisateur de notre époque se situe au carrefour entre jazz et musique contemporaine. Son premier album propose une suite de cinq pièces parfaitement homogène. En un flux continu qui ignore volontairement la rythmique classique, la musique se développe une ambiance globale qui s’approche d’une forme de transe fluide réalisée avec une économie de moyens et un souci du détail pour le moins révélateur d’une voix originale. Tout au long de l’enregistrement, le mouvement ondulatoire met en avant des textures où se croisent et se mêlent sonorités et timbres en dévoilant des paysages harmoniques séduisants. Les remarquables soli du trompettiste d’Adam O’Farrill et de la vibraphoniste Patricia Brennan, déroutants d’aisance, qui se déploient sur l’architecture musicale de base sont pour une grande part dans la réussite de ce Cd. Mais il serait injuste d’gnorer les autres musiciens qui tous participent à la réussite de cette aventure musicale qui sort assurément des sentiers battus. D’aucuns seront désarçonnés par la couleur flottante de cette musique et d’autres s’immergeront dedans sans aucune peine. Nous, nous avons plongé les oreilles dedans avec un grand plaisir.

Yves Dorison


http://danasaul.com


  IIRO RANTALA . My finnish calendar

Act

Iiro Rantala : piano

On ne présente plus le pianiste finlandais Iiro Rantala. Inspiré depuis toujours par toutes les musiques, il mène une carrière aux accents musicaux protéiformes mais l’ensemble est pourtant artistiquement cohérent. Comme toujours fin et délicat, en un mot élégant, son « finnish calendar » nous racontent une seule histoire en douze thèmes au sein desquels les états d’âmes finnois se succèdent entre mélancolie atmosphérique et humour spontané. Cet album solo s’écoute en fait comme la bande originale d’un bout du monde nordique. L’une des qualités premières du pianiste, c’est certainement sa capacité à susciter chez l’auditeur les images grâce à une vision personnelle de la musique. Est-ce sentimental ? Oui, certainement, mais sans affectation ni préciosité. Tout au long du disque, les mois s’égrenant un à un, la météorologie mélodique se modifie au gré des climats. L’on n’est pas là dans une région de la planète parcourue d’ouragans et autres tornades. La musique est donc subtilement changeante et la faculté d’Iiro Rantala à glisser avec adresse et intelligence des détails harmoniques saillants la rend à tout moment digne d’une écoute approfondie, écoute que l’on réitère depuis la découverte de l’album avec un réel plaisir.

Yves Dorison


https://iirorantala.fi/pages/


  DAVID HELBOCK . Playing John Williams

Act

David Helbock : piano

Si vous êtes les heureux parents d’enfants nés à la charnière des XXème et XXIème siècles, vous avez glissé dans le lecteur de DVD au moins une centaine de fois l’un des trois premiers des huit Harry Potter… Je dis cela car le premier thème de John Williams joué par David Helbock dans ce disque en solo n’est autre que le « Hedwig’s theme ». Passée la surprise, d’autant qu’il y revient quatre fois, vous allez écouter avec une grande satisfaction le travail d’orfèvre imaginatif du pianiste autrichien autour des thèmes du compositeur et chef d’orchestre américain cinq fois oscarisés (et on vous épargne la liste complète des distinctions reçues en plus de soixante ans de carrière). Ré-harmonisé, avec des tempi quelquefois décalés, travaillé en improvisation sur la durée, chaque pièce révèle, malgré les modifications subies, ce qui constitue l’art de John Williams : une signature mélodique imparable et immédiatement reconnaissable. Hormis Harry Potter qui sert de fil conducteur à l’album, Stars wars, Jurassic park, Indiana Jones et bien d’autres inclus dans la playlist vont faire défiler devant vos yeux nombres de souvenirs visuels enfouis dans votre mémoire cinématographique. A tel point qu’il vous faudra plusieurs écoutes avant de pouvoir vous concentrer pleinement sur la re-création musicale de David Helbock qui, lui aussi, au-delà de sa magnifique virtuosité, possède une personnalité musicale non dénuée d’originalité.

Yves Dorison


http://www.davidhelbock.com


  SIMON GOUBERT . Nous verrons

Ex-tension – Seventh records

Chant & voix :

Annie Ebrel
Mike Ladd
Pierre-Michel Sivadier
Stella Vander

Michel Edelin : flute
Vincent Lê Quang : saxophones
Sylvain Kassap : clarinettes
Sophia Domancich : piano
Emmanuel Bex : orgue
Hélène Labarrière : contrebasse
Simon Goubert : batterie, claviers

Projet en gestation depuis longtemps, le disque « Nous verrons » du batteur Simon Goubert est à coup sûr un disque éminemment personnel au sein duquel l’introspectif convoque l’émotion multiple, notamment par le biais des quatre voix mises en avant tout au long de l’enregistrement. Portée par une sorte de mouvement maritime profond, chaque pièce écrite transporte l’auditeur dans un univers poétique où se mêlent savamment les influences musicales du compositeur. Il y a du mystère et des failles dans ces récits mélodiques, des illuminations subreptices aussi qui pointent telle ou telle partie quasi insoupçonnable du paysage sonore en constante évolution. Aux commandes d’un groupe où la fine fleur du jazz français peut exprimer librement son originalité, Simon Goubert en architecte subtil (ou en funambule implacable) arrive à fédérer l’ensemble autour de sa vision musicale, une vision habitée par une forme d’apesanteur qui n’exclut pas le lyrisme tout en se détournant (pour le meilleur) des jazz(s) standardisés que l’on nous propose trop souvent par boite aux lettres interposée. C’est donc d’un disque sincère que nous parlons et il serait dommage de passer à côté par manque de curiosité.

Yves Dorison


https://www.seventhrecords.com/GOUBERT/biosimon.html


  FROM WOLVES TO WHALES . Strandwal

Aerophonic Records

Nate Wooley : trompette
Dave Rempis : saxophones alto et ténor
Pascal Niggenkemper : contrebasse
Chris Corsano : batterie

"From Wolves To Whales" était l’intitulé de leur premier album enregistré en studio en 2014 à New York. C’est désormais le nom de ce quartet qui concrétise la volonté d’un travail commun entre le trompettiste Nate Wooley et le saxophoniste Dave Rempis. Cette fois, c’est dans la spontanéité d’un concert donné dans les environs d’Amsterdam en novembre 2017 qu’on écoute cette fine équipe improvisateurs. On n’est pas dans le free-jazz pur et dur mais dans l’instantanéité de la création, l’émergence de structures qui se font et se défont au fil de riches échanges collectifs. Une musique qui ne manque ni de souffle (Wooley et Rempis), ni de mordant (Le jeu incisif de Pascal Niggenkemper et de Chris Corsano), ni de détermination dans le cheminement au long cours. C’est sans doute là qu’on comprendra l’allusion aux loups et aux baleines qu’évoque l’intitulé. Un exemple fort intéressant de musique improvisée porteuse de sens offerte par des musiciens qui atteignent un haut degré de maîtrise entre libération d’énergie et cohérence du discours.
Soulignons enfin le travail acharné du saxophoniste Dave Rempis qui gère magistralement son label Aerophonic Records. Production, promotion et mise en valeur impeccables comme quoi, on peut être un improvisateur épris de liberté et ne rien laisser au hasard dans la défense de son travail. Belle détermination !

Thierry Giard


aerophonicrecords.bandcamp.com//strandwal


  TOM PIERSON ORCHESTRA . Last Works

Auteur Records

Blue Lou Marini, Mark Vinci, Shu Enomoto, Neil Johnson, Michael Lutzeier  : anches, bois
Dominic Derasse, Mike Ponella, Tim Leopold, Lew Soloff : trompettes
Ben Herrington, Robinson Khoury, Dan Levine, Jeff Nelson : trombones
Tom Pierson : piano
Kanoa Mendenhall : basse électrique
Pheeroan AkLaff : batterie

Thomas "Tom" Pierson est né en 1948 dans le Wisconsin. Pianiste de formation classique, il a composé et arrangé pour le cinéma, notamment avec Woody Allen (Manhattan) et Robert Altman (Quintet) en 1979. Il réside aujourd’hui à Tokyo d’où m’est parvenu ce coffret (2 disques) dans des conditions un peu acrobatiques ! "Last Works" donne l’occasion d’écouter le travail orchestral d’un musicien qui revendique l’héritage de Gil Evans... Il n’est pas le seul, notez bien ! On admet sans peine le rapprochement esthétique d’autant plus que le trompettiste Lew Soloff est présent sur ce qui fut son dernier enregistrement (Il mourait deux mois plus tard, le 8 mars 2015). Chez Tom Pierson, comme chez Gil Evans, il y a cette volonté de donner de l’élasticité aux arrangements pour laisser une grande latitude aux solistes improvisateurs. Dans les "liner notes" du disque, Tom Pierson affirme sa volonté de connecter le passé et l’avenir (il rejoint là Gil Evans, l’AACM de Chicago ou Dave Douglas !). "C’est l’enjeu de la créativité" écrit-il. "Il n’est pas nécessaire -pour un soliste- de jouer de manière statosphérique, il faut garder une forme de fraîcheur" ajoute-t-il. S’imprégner du passé sans le plagier est aussi l’enjeu de ce jazz-là : "Copier la musique du passé, c’est comme découper des photos dans des vieux magazines et les faire passer pour de la peinture à l’huile !". Voilà ce qu’il écrit et on ne contredira pas !
On ne peut que vous inviter à écouter la musique de ce bel orchestre constitué de musiciens réputés qui alterne plages libres et formes plus contraintes pour apporter de la diversité.
Notez bien que la musique de Tom Pierson est disponible en accès libre (et gratuit, si vous voulez) sur sa page Bandcamp !

Thierry Giard


tompierson.bandcamp.com/last-works


  SYLVAIN RIFFLET . Troubadours

Jazz Music Productions

Sylvain Rifflet : saxophone ténor, clarinette, clarinette basse, harmonium & shruti-box
Verneri Pohjola : trompette
Benjamin Flament : percussions

Après le manteau rouge rétro-futuriste de "Mechanics", son précédent projet à succès (mérité !), Sylvain Rifflet nous arrive sur un cheval blanc en arborant une tenue néo-médiévale du plus bel effet, saxophone ténor en bandoulière ! La musique de ce nouvel album réinvente les airs et les modes de jeu des XIIè et XIIIè siècles, celle des troubadours, ces "trouveurs", créateurs, jongleurs, poètes... Un intitulé qui colle bien aux aspirations de ce trio de musiciens-chercheurs et habiles bricoleurs comme dans le cas de Benjamin Flament qui n’est jamais en manque d’inspiration pour créer de nouveaux instruments à percussion et inventer de nouvelles couleurs sonores. Aux côtés de Sylvain Rifflet (son saxophone, ses clarinettes, ses harmoniums indiens...), on se réjouit de la présence de Verneri Pohjola, trompettiste finlandais à l’inspiration bouillonnante avec lequel il a noué de solides liens d’amitié musicale. La plupart des thèmes-prétextes de ce disque sont des compositions de troubadours italiens, du Languedoc, du Limousin. Ils permettent au trio de développer des formes de jeu complexes et subtiles, évidemment répétitives reposant sur le bourdon de l’harmonium ou de la shruti-box (harmonium indien). Les anches se multiplient et se superposent grâce à un savant travail en studio. De la belle ouvrage de toute évidence qui confirme que le jazz peut aussi s’inspirer du Moyen-Âge comme le firent Samuel Blaser (Guillaume de Machaut...) ou Dave Douglas (Fabliaux...).
Un projet à suivre sur scène puisque plusieurs concerts sont programmés en quartet avec Sandrine Marchetti à l’harmonium au cours des mois à venir.

Thierry Giard


www.sylvainrifflet.com


  ZWITSCHERMASCHINE . System For Us

WhyPlayJazz

Mark Weschenfelder : saxophone alto, flûte
Paul Berberich : flûte
Vincent Bababoutilabo : flûte, flûte alto
Adrian Kleinlosen : trombone
Joachim Wespel : guitare
Andris Meinig : contrebasse
Florian Lauer : batterie

Zwitschermaschine est le titre d’une œuvre du peintre Paul Klee datant de 1922. C’est aussi le nom de ce groupe allemand dirigé par le saxophoniste et clarinettiste Mark Weschenfelder. Klee représente quatre étranges oiseaux perchés sur un fil détendu. Weschenfelder met en scène quatre soufflants dont deux flûtistes (les oiseaux ?) dans un paysage musical qui associe rigueur architecturale et luxuriance de l’expression instrumentale. L’assise de l’ensemble repose sur une solide section rythmique qui positionne cette musique de création sur la belle planète du jazz d’aujourd’hui (celui qui invente et se régénère, pas l’autre !). On pourra voir passer les silhouettes de Steve Coleman o u d’Henry Threadgill, les ombres de Soft Machine voire les volatiles de Messiaen... Pour autant, Zwitschermaschine affirme son identité, sa singularité. Ce n’est pas si facile surtout pour un premier disque.
Une fois encore, le label berlinois WhyPlayJazz (sacrée question !) nous interpelle avec des productions à la forte personnalité !

Thierry Giard


whyplayjazz.de/Zwitschermaschine


  ESPEN BERG TRIO . Free to play

Odin records

Espen Berg : piano
Bárður Reinert Poulsen - contrebasse
Simon Olderskog Albertsen : batterie

Un trio piano/contrebasse/batterie nordique ? L’on a quelques références en têtes. Espen Berg appartient à la nouvelle génération norvégienne et sort avec « Free to play » son troisième album. On retrouve au long des plages la complexité et le dynamisme des mélodies que nous avions repérés dans le précédent disque, tout comme l’ancrage dans la tradition, même si cette dernière est bousculée par des codes plus actuels. C’est monnaie courante de nos jours car l’évolution a pour principe de ne pas cesser d’avancer, n’est-ce pas ? Espen Berg et ses complices se démarquent cependant de nombres d’artistes issus de la Scandinavie en cela qu’il offre à l’écoute une musique extravertie et toujours accessible. Mais nous savons tous ce que cache la simplicité : beaucoup de rigueur et de précision dans le détail qui lui permettent d’alterner le fluide et le heurté avec une certaine maestria. Et c’est ce qui donne à cet enregistrement son brillant particulier. Espen Berg ne veut pas choisir et réussit à fusionner les contraires afin d’obtenir cette patte originale qui fait son charme. Bien joué.

Yves Dorison


https://espenberg.no


  DIEGO FIGUEIREDO . Come Closer

Stunt records

Diego Figueiredo : guitare
Cyrille Aimée : chant (1, 2, 3 & 4)
Janis Siegel : chant (6, 7, 8 & 9)
Chiara Izzi : chant (11 & 12)

Il est assez rare qu’un guitariste qui signe un disque sous son nom s’efface de la sorte devant ses invitées, les chanteuses Cyrille Aimée, Janis Siegel et Chiara Izzi ; d’autant qu’il le fait avec une modestie et un savoir-faire notables qui s’adaptent au tempérament et au style des trois intervenantes. L’ensemble du disque est parfaitement relâché et tout est fait pour que les compositions choisies soient mises en valeur. Si l’on connaissait Cyrille Aimée, l’on n’avait encore jamais écouté Janis Siegel et Chiara Izzi. Pour tout dire, nous avons apprécié. Du lyrisme bien contrôlé, une agilité et une dextérité vocales non négligeables et des timbres respectifs chaleureux mais distincts, tout ses qualités permettent à Diego Figueiredo de créer une ambiance générale tranquillement enjouée. Afin de mettre une césure entre chaque participante, il joue deux morceaux en solo (un acoustique, un électrique) qui lui permet d’exprimer une sensibilité musicale boisée avec un bel aplomb rythmique, mais toujours éloigné de tout excès. Au final chacun des musiciens prend sa part de liberté sans oublier le collectif et le mariage nécessaire entre les styles qui mènent, dans ce cas précis, à une expressivité fort recommandable. A noter une version très intéressante de Nardis, avec un texte en portugais, qui achève ce disque en tout point atmosphérique.

Yves Dorison


https://www.diegofigueiredo.com


  MICHELE HENDRICKS . Another side

Cristal Records

Michele Hendricks : voix
Arnaud Mattei : piano
Olivier Temine : saxophone
Bruno Rousselet : contrebasse
Philippe Soirat : batterie

Michele Hendricks mène une carrière discrète, plus qu’il ne faudrait. Débutée auprès d’un père flamboyant, le prénommé Jon dont tout le monde se souvient (notamment avec son trio vocal Lambert, Hendricks & Ross), elle s’étend maintenant sur plusieurs décennies. Pour celles et ceux qui l’ignoreraient, elle chante et scatte le jazz, sans aucune ambiguïté, avec une musicalité étincelante due à des qualités vocales magistrales. Installée en France depuis de nombreuses années, elle publie cet « Another side » trois après son bel hommage à Ella (A little bit of Ella), sur le même label et avec les mêmes musiciens. Le grain de sa voix fait merveille sur des rythmes soutenus où elle se permet toutes les audaces. Brillamment accompagnée par un quartet impeccable, les textes morceaux qu’elle interprète avec une joie communicative sont de sa plume. Quand elle ne l’emprunte pas à d’autres, Elle signe la musique. L’ensemble de l’enregistrement est vitaminé et nous rappelle que le jazz des origines est festif. L’on ressort de l’écoute de ce CD ragaillardi et presque optimiste, même si elle nous fait souvenir dans la dernière plage, écrite en français, que les cons sont partout ! Bref, il serait dommage de priver vos étagères….

Yves Dorison


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